100% des Français ont un risque de cancer colorectal

Salle comble à Avignon pour évoquer un danger qui menace notre intestin. Pour 80% d'entre nous ce risque est jugé "moyen" et pour 20% "élevé" ou "très élevé". Heureusement, le test FIT que l'on reçoit à la maison permet de repérer des lésions et d'éviter 90% des problèmes. Malheureusement, 2 Français sur 3 négligent de le faire, d'où le nombre de morts considérable.

Santé

Le docteur Dominique Vian a beau être à la retraite, il cogne très fort quand il s’agit d’alerter les consciences. Et mardi soir, dans le bel amphithéâtre plein comme un oeuf de la Chambre de Commerce du Vaucluse à Avignon, le gastroentérologue ne s’est pas privé de marteler le message essentiel : après 50 ans, faites le test du dépistage du cancer colorectal tous les deux ans ! Et surtout ne vous dîtes pas que vous n’avez pas de symptômes donc que vous n’êtes pas concerné… c’est le meilleur moyen de permettre aux cellules cancéreuses de se développer silencieusement !

Dr Dominique VIAN– gastroentérologue
Dr Dominique VIAN– gastroentérologue

« Il est 19h et déjà 38 personnes sont mortes de ce cancer aujourd’hui »

« C’est quoi le dépistage ? C’est justement chercher des signes de cancer chez des gens qui ne se plaignent de rien« , souligne le Dr Vian. Et c’est vrai que quand les signes apparaissent – sang dans les selles, maux de ventre, constipation puis/et ou diarrhée, amaigrissement… -, ils signifient souvent que la tumeur est déjà bien implantée. « Le but du dépistage est de chercher du sang microscopique dans les selles (donc invisible à l’oeil nu) et de trouver ce cancer avant qu’il ne se développe, en retirant les polypes. Alors on guérit 9 cancers sur 10. »

Puis le Dr Vian va glacer l’auditoire réuni par MProvence et Oncosud dans le cadre de la campagne de prévention Mars Bleu : « Il est 19h en ce 18 mars et déjà 38 personnes sont mortes de ce cancer du côlon en France aujourd’hui. Soit l’équivalent des deux premiers rangs de cette salle. » 47 hommes et femmes en meurent chaque jour.

Dr Dominique VIAN– gastroentérologue
Dr Dominique VIAN– gastroentérologue

« Certains ramassent bien les crottes de leur chien! »

Et de rappeler que beaucoup de ces décès prématurés pourraient être évités si la population acceptait massivement de faire le test. « On vous demande simplement d’aller piquer un bâtonnet dans vos matières fécales, de le mettre dans un tube et de l’envoyer par La Poste au laboratoire. Ce n’est pas très agréable parce qu’il faut manipuler ses selles ? Il y a bien des gens qui ramassent les crottes de leur chien tous les jours ! » Sous-entendu : ça ne les dégoûte pas alors que manipuler une instant leur propre crotte, si ! Dans le registre de la dédramatisation, un autre ajoutera qu’on a tous changé les couches de nos enfants. Bref : le prétexte du « C’est sale, je ne veux pas y toucher » ne tient pas longtemps.

Et le Dr Vian de passer la deuxième lame : « Personne n’a un risque faible d’avoir ce cancer. Le risque faible n’existe pas. Le risque est « moyen » pour 80% de la population, « élevé » pour 15 à 20% et « très élevé » pour 1 à 3%. On est à 30% de participation au test (26,6% en région PACA, NDLR), c’est impossible avec un taux si faible de modifier les chiffres statistiques du cancer du côlon. Si on passait à 50%, on éviterait 20 morts par jour. » Soit 7 500 par an. Et si on atteignait 65% comme le préconise l’Europe, ce serait 9 000 vies épargnées rien qu’en France ! Et 20 000 nouveaux cas de cancer annuels en moins également.

Le dépistage, grand sauveur de vies

Voilà pourquoi le dépistage du cancer colorectal est un enjeu majeur de santé publique. Ce qu’avaient souligné en introduction de la conférence Michèle Tchiboudjian, présidente d’Oncosud et responsable à la Ligue contre le cancer du Vaucluse, et le Dr Laurent Mineur, président de Provence Stomie Contact et onco-radiothérapeute à l’Institut du Cancer d’Avignon-Provence (ICAP) Sainte Catherine.

« Y a-t-il davantage de cancers ? » s’est interrogé ce dernier. Ciblant la période 2022-2050, il pointe chez les 50-74 ans une augmentation de 1 à 2% par an du nombre de décès tous cancers confondus, malgré la prévention et les progrès des soins. Là encore, la solution est dans l’élargissement du dépistage.

Les 75-85 ans exclus du dépistage organisé

Le Dr Mineur prédit une augmentation de 5% par an du nombre de décès par cancer colorectal chez les 75-85 ans. « Cette population est aujourd’hui exclue du dépistage organisé qui s’arrête à 74 ans. » Rappelant que ce type de cancer met une dizaine d’années à se développer, « la Sécu estime que l’espérance de vie est trop faible pour continuer le dépistage« .

En revanche, rien n’interdit à un patient de réclamer à son médecin une ordonnance pour une recherche de sang dans les selles en laboratoire d’analyses ni une coloscopie (à condition que l’état de santé permette l’anesthésie). L’allongement de l’espérance de vie pourrait toutefois un jour conduire la Sécu à étendre le dépistage jusqu’à 79 ans.

Dr Laurent MINEUR, onco-radiothérapeute, ICAP Sainte Catherine, Avignon
Dr Laurent MINEUR, onco-radiothérapeute, ICAP Sainte Catherine, Avignon

Prenez soin de votre microbiote !

Le Dr Baya Coulibaly a ensuite livré un exposé très intéressant quoique fort pointu sur une piste prometteuse en matière de soin : l’utilisation du microbiote, ces 10 000 milliards de bactéries qui colonisent notre tube digestif et nous protègent contre les mauvaises bactéries, les microbes, tout en nous aidant à digérer les fibres. « Un déséquilibre du microbiote favorise le diabète, les maladies cardiovasculaires et le cancer, détaille le gastroentérologue à la clinique Synergia de Carpentras. Ce qui le modifie, ce sont le vieillissement naturel, les médicaments – comme lorsqu’on prend des antibiotiques et qu’on a de la diarrhée – et notre alimentation, notamment les produits ultra-transformés. »

« Si on a une alimentation riche en fibres, il n’y a pas d’inflammation du côlon. A l’inverse, un régime riche en viande rouge favorise l’inflammation et l’apparition de tumeurs. » Un des objectifs de la recherche est d’utiliser le microbiote pour lutter contre le cancer. Une voie thérapeutique nouvelle  consiste à « transplanter du microbiote de patients sains, à partir de selles, à certains malades bénéficiant d’une immunothérapie. » Cela pourrait également diminuer les effets toxiques des traitements.

Dr Baya COULIBALY, gastro-entérologue et hépatologue, Clinique Synergia Carpentras
Dr Baya COULIBALY, gastro-entérologue et hépatologue, Clinique Synergia Carpentras

L’alcool responsable de 6 600 cancers du côlon

Le Dr Irina Andrimalala Raoto, gastroentérologue au Centre hospitalier d’Avignon, a pointé l’alcool comme cause importante de cancer colorectal : « Il est responsable de 6 600 cas par an. » La consommation moyenne des Français demeure élevée, à raison de 2,5 verres par jour quand les recommandations médicales sont d’un maximum de 2 verres par jour et pas plus de 5 jours par semaine. » Le surpoids et l’obésité sont aussi dans le viseur du Dr Raoto. Ils augmentent notablement le risque de cancer.

L’activité physique – du jardinage à la simple promenade un peu active jusqu’à la montée du Ventoux pour les plus costauds – réduit ce risque de 30 à 40%. « Beaucoup de gestes simples de la vie quotidiennes pourraient changer l’évolution de cette maladie. » Et la faire régresser.

Dr Irina Andrimalala RAOTO, gastroentérologue, Centre Hospitalier d’Avignon
Dr Irina Andrimalala RAOTO, gastroentérologue, Centre Hospitalier d’Avignon

Nouvelle technique chirurgicale

Le Dr Raoto a également expliqué comment on retire les polypes et la surveillance qui s’ensuit. Puis le chirurgien est entré en scène avec cette formule : « Je suis le plombier! » Filant la métaphore du « tuyau » que constituent notre côlon et notre rectum, le Dr Carlos Daniel Beyrne (hôpital d’Avignon) a précisé qu’il pouvait retirer plusieurs dizaines de centimètres d’intestin afin de supprimer toute présence de cancer au-dessus et au-dessous de la tumeur, ainsi que dans les ganglions adjacents. « Les conséquences de cette intervention sont souvent des selles beaucoup plus liquides, mais en général ça se normalise. » En chirurgie, les techniques évoluent là encore, elles sont moins invasives.  « Ce qui est révolutionnaire, c’est la chirurgie tans-anale pour certains cancers. »

Dr Carlos Daniel BEYRNE, chirurgien digestif, Centre Hospitalier d’Avignon
Dr Carlos Daniel BEYRNE, chirurgien digestif, Centre Hospitalier d’Avignon

Recul des effets secondaires

Onco-radiothérapeute à Sainte Catherine, le Dr Pierre Trémolière a présenté les différentes combinaisons de traitements possibles, où les médecins associent rayons et chimiothérapies par exemple. On observe depuis dix ans une sorte de désescalade thérapeutique, avec des séances moins nombreuses et moins longues. « L’objectif est de guérir les patients avec moins de traitements et moins d’effets secondaires. » Une patiente, à laquelle des polypes avaient été retirés à la suite de son dépistage, a témoigné de l’efficacité du traitement par radiothérapie.

Dr Pierre TREMOLIERE, onco-radiothérapeute, ICAP Sainte Catherine, Avignon
Dr Pierre TREMOLIERE, onco-radiothérapeute, ICAP Sainte Catherine, Avignon

Le progrès des thérapies ciblées

La Dr Julie Sigrand, gastroentérologue et oncologue digestif au Centre hospitalier d’Avignon, a rappelé la formidable évolution des traitements depuis vingt ans. « On peut soigner des gens plus longtemps même dans des situations métastatiques car on a personnalisé le traitement à la maladie de chacun. » Les thérapies ciblées ont fait nettement progresser le taux de survie à 5 ans (63%). Quasiment chaque année apporte son lot de nouveautés. On évoque même désormais la possibilité d’une greffe hépatique pour des patients métastatiques atteints d’un cancer colorectal.

Dr Julie SIGRAND, gastroentérologue, CH Avignon
Dr Julie SIGRAND, gastroentérologue, CH Avignon

Cyril ou les conséquences du cancer à 50 ans

Puis est arrivé Cyril Sarrauste, colosse de 1,95m, et président de l’association de patients « Mon Réseau cancer colorectal ». Il n’y va pas avec le dos de la cuillère lui non plus. « Je ne comprends pas la difficulté qu’ont les gens pour prendre deux minutes afin d’analyser leurs selles. » Lui aurait bien aimé avoir la chance de faire le test !

Mais le cancer a devancé l’appel : « On a découvert mon cancer juste après mes 50 ans. On m’a totalement enlevé le rectum, les traitements ont été très lourds. Je suis guéri mais les effets secondaires liés aux traitements peuvent être très importants. J’avais 30 selles par jour, donc une vie sociale assez limitée et une vie intime quasi à zéro. Et des gens hésitent encore à aller gratter leur petite crotte pour faire le test ? » interroge-t-il avec humeur.

Myriam TEYSSIE, présidente de l’Union d’Associations françaises des Stomisés, Cyril SARRAUSTE, responsable de l'association de patients "Mon réseau cancer colorectal"
Myriam TEYSSIE, présidente de l’Union d’Associations françaises des Stomisés, Cyril SARRAUSTE, responsable de l’association de patients « Mon réseau cancer colorectal »

120 000 Français vivent avec une poche

« Vivre avec une stomie, c’est un changement de paradigme de la vie, ajoute Myriam Teyssié, présidente de l’Union d’associations françaises de Stomisés (UAFS).  Certes, ça ne se voit pas, mais la stomie sur le ventre c’est parfois à vie. » 120 000 personnes en France vivraient avec une stomie, c’est-à-dire une poche fixée sur leur ventre et reliée à leur côlon afin de recueillir les excréments. « Plus on multiplie l’accès à l’information, plus on dédramatise« .

Congrès le 13 juin à Grenoble

C’est dans ce but qu’elle participera avec Cyril Sarrauste et le Dr Mineur au premier congrès national « Parcours de soins et de vie des patients stomisés » le 13 juin à Grenoble (Alpexpo). Organisé par l’UAFS et l’IAS Dauphiné Grenoble, il permettra aux patients et soignants de mieux s’informer sur la décision de poser une stomie, la préservation des organes, l’accompagnement administratif et social du patient et de l’aidant, la possibilité d’activité physique… On peut s’inscrire via Helloasso, envoyer un mail à union.stomises@gmail.com ou regarder la vidéo ci-dessous pour en savoir plus.

Dernière conférence publique à Nice le 25 mars

Prochaine conférence « Prévenir et guérir le cancer colorectal » organisée par MProvence en partenariat avec les médecins et associations de patients : mardi 25 mars à 18h à Nice, salle Le Stockfish, Maison de l’Etudiant, 5 avenue François Mitterrand. Entrée libre.

Inscription ici : https://forms.gle/ywXWej8XwjgXsqKb7

Participez également ce week-end à la course  Mars Bleu ci dessous :

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