Qu’appelle-t-on précisément le syndrome du « paillasson » ?
Dr Véronique Delaporte : Le syndrome du « paillasson » ou le syndrome de « la clé dans la porte » s’inscrit plus largement dans ce qu’on appelle les urgenturies ou plus anciennement les impériosités mictionnelles. Il correspond la plupart du temps à une augmentation de la fréquence des mictions au cours de la journée, avec un besoin d’uriner qui va se manifester notamment de façon très impérieuse au moment où on arrive chez soi, où l’on met la clé dans la serrure, avec parfois des fuites d’urine. Ces troubles sont très handicapants sur le plan social et peuvent amener à une désocialisation.
En tant qu’urologue, il est important d’éliminer les problèmes qui peuvent être facilement réglés comme une infection urinaire, par un examen d’urine, un calcul dans la vessie, un polype dans la vessie, qui peuvent entraîner ce type de symptôme. Il y a certaines maladies neurologiques qui peuvent aussi entraîner des urgenturies, donc il est important de consulter un urologue afin d’envisager des traitements.
« 35% des cas sont des hommes »
Qui est le plus touché par cette envie pressante, les femmes ou les hommes ?
Dans deux tiers des cas, ce sont des femmes, mais les hommes aussi sont concernés. On remarque que cette maladie touche plus fréquemment les femmes d’un certain âge, et notamment dans la période péri-ménopausique, mais ça touche aussi les femmes jeunes. Cela correspond également à un vieillissement naturel de la vessie.
Quelles sont les méthodes pour traiter cette envie d’uriner en urgence ?
Il existe plusieurs méthodes, des méthodes simples de rééducation où l’on va apprendre au patient à retarder le besoin d’uriner. Cela peut passer par une meilleure hygiène diététique en évitant les boissons excitantes comme le thé, le café, certains alcools, des produits épicés, et jusqu’à la prise de médicaments qui vont diminuer les contractions de la vessie mais qui ont un inconvénient, qui amène parfois à l’arrêt du traitement, c’est d’entraîner une bouche sèche.
« Un bracelet à la cheville pour éviter les fuites »
Et puis il y a une autre méthode, étonnante pour les profanes : la pose d’un bracelet à la cheville…
Cela s’appelle la neurostimulation tibiale postérieure, soit la mise en place d’électrodes que l’on propose aux patientes. Elles doivent mettre ces électrodes 20 minutes par jour, ça stimule le nerf tibial postérieur qui envoie un message au cortex cérébral permettant de réguler le contrôle de la vessie. C’est un moyen assez simple, peu contraignant puisque ce n’est que 20 minutes par jour. Ce n’est pas un bracelet électronique qu’on porte toute la journée ! Et surtout, ça ne donne aucun effet secondaire.
Cette méthode paraît incroyable. Est-elle très efficace ?
Elle est très efficace. Elle suppose de porter le bracelet 20 minutes, ce n’est d’ailleurs pas le médecin qui le fixe mais le patient. Il faut environ deux mois pour espérer obtenir une efficacité, ce qui suppose une certaine compliance et d’être patient.
Ainsi quand on est atteint du syndrome du « paillasson », il faut aller consulter car dans la plupart des cas vous allez trouver une solution ?
Oui, consulter est important car cela permet d’évacuer des choses simples pouvant être réglées. Et puis on a beaucoup de traitements – on a parlé de médicaments, de la stimulation tibiale – et on peut aller dans certains cas, quand on n’arrive pas à régler le problème avec des choses simples, jusqu’à l’injection de Botox dans la vessie ou la neuromodulation sacrée, qui est l’implantation d’un « pacemaker » vésical.
« Les grossesses favorisent l’incontinence urinaire »
Finalement, est-il naturel d’avoir des problèmes pour uriner quand on dépasse un certain âge ou, quand on est une femme, que l’on a eu plusieurs grossesses ?
C’est assez naturel d’avoir des problèmes pour uriner à partir d’un certain âge, qui peuvent être couplées à une incontinence urinaire d’effort. Elle sera favorisée par des grossesses multiples et cela s’inscrit alors dans ce qu’on appelle une incontinence urinaire mixte, qui associe une incontinence par impériosité et une incontinence à l’effort qui va être traitée de façon différente.
Les hommes également sont-ils concernés à partir d’un certain âge par des envies pressantes ?
Souvent cela s’inscrit dans ce que l’on appelle l’hypertrophie bénigne de la prostate, qui va entraîner des troubles soit obstructifs, soit irritatifs, soit les deux. Il est important pour les hommes de plus de 50 ans de consulter un urologue une fois par an, afin de faire le point sur ces manifestations cliniques et de faire le dépistage du cancer de la prostate.
« Le tabou est en train de sauter »
Pendant longtemps l’envie pressante d’uriner est restée taboue chez les femmes comme chez les hommes. Or on a l’impression que, maintenant, les gens vont consulter plus facilement, est-ce le cas ?
Oui, le tabou est en train de sauter. Les gens consultent beaucoup plus facilement, notamment les femmes. C’est une très bonne chose sur le plan sociétal.
Quels conseils simples donneriez-vous aux personnes qui ont souvent besoin d’aller aux toilettes, ce qui peut gâcher la vie quand on voyage beaucoup ou que l’on travaille en extérieur, ou simplement qu’on veut passer une soirée avec des amis ?
Des conseils simples, comme réduire sa consommation de thé, de café, d’excitants. Si on est très gêné par des mictions nocturnes, c’est réduire la prise de boissons à partir de 18 heures. Je pense aux personnes âgées qui prennent du potage, de la tisane. A partir de 18 heures il faut éviter la prise d’aliments qui sont trop hydriques.
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