Messieurs, prenez soin de vos testicules !

Les glandes reproductrices sont fragiles et sujettes à certaines douleurs et pathologies. Mais il reste tabou d'en parler et des hommes vivent avec une gêne permanente plutôt que d'oser consulter. Quant aux parents, ils feraient bien d'informer leurs ados sur le risque de torsion des testicules qui survient entre 15 et 30 ans et peut conduire à leur ablation en quelques heures ! Le professeur Romain Boissier, urologue, chirurgien à l'hôpital de La Conception (Assistance Publique de Marseille), explique comment en prendre soin, notamment après les rapports sexuels, en limitant la consommation de cannabis, et en les maintenant à... 34 degrés !

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Pour ceux qui auraient oublié leur cours de biologie, un rappel : à quoi servent les testicules ?

Professeur Romain Boissier : Les testicules, il y en a normalement deux. Ils ont deux fonctions : 1- fabriquer une hormone, la testostérone, qui fait que les hommes ont des poils, se rasent, ont des muscles et donc un morphotype assez différent des femmes; 2- la fabrication des spermatozoïdes pour la reproduction, ces cellules qui vont produire la fécondation avec l’ovule pour faire des enfants. C’est assez amusant, mais chez le foetus, les testicules ont la même origine embryologique que les deux reins. Ils sont fabriqués assez haut dans le dos et au cours de la croissance du foetus, ils vont descendre à travers la paroi abdominale et aller se positionner dans le scrotum (NDLR: le scrotum est familièrement appelé « bourses »). Les testicules ne sont pas faits pour fonctionner à 37 degrés mais à 34 degrés, c’est pour cela qu’ils sont à l’extérieur de l’abdomen. Chez tous les petits garçons qui naissent, on vérifie que les testicules sont bien en place. Parfois la migration a pu s’arrêter en chemin et on le corrige après la naissance.

Varicocèle, hydrocèle : des gênes persistantes

Régulièrement, les adolescents ou les hommes se plaignent de douleurs, ou de lourdeurs, dans les testicules. Faut-il s’en inquiéter systématiquement ?

Dans la plupart des cas, ce n’est pas bien grave. Il y a deux situations dans lesquelles il faut s’en inquiéter. C’est surtout quand se développe autour du testicule une pathologie qui s’appelle la varicocèle. C’est une dilatation du réseau veineux qui entoure le testicule. Comme tous les organes, il y a du sang qui est amené par une artère, et du sang qui est ramené par la veine au coeur. Il y a plusieurs veines dans le cas du testicule et parfois ça peut se dilater. C’est un peu comme les varices qu’ont les personnes un peu âgées sur les jambes. Sauf que là, ça survient plutôt sur les hommes jeunes.

Cela se manifeste essentiellement par des douleurs ou des lourdeurs, plutôt en fin de journée ou après avoir fait un effort physique. J’avais un patient qui faisait de l’haltérophilie et qui me disait qu’après avoir soulevé des poids pendant une heure, il avait une tension sur le testicule. C’est plutôt sur le testicule gauche, il y a une raison anatomique à cela.

Testicule-ascenseur : pas de panique !

Chez des patients un peu plus âgés, au-delà de 50 ans, on peut avoir d’autres pathologies, c’est le cas avec l’hydrocèle. Quand de l’eau s’accumule autour du testicule, ça le fait gonfler, avec un poids qui pèse et qui est gênant. Par ailleurs, on voit beaucoup d’hommes jeunes qui se plaignent de douleurs car ils ont un testicule-ascenseur, qui peut monter, aller jusqu’au dessus du pénis, et puis redescendre. Il n’y a pas grand-chose à faire, on peut le fixer chirurgicalement, mais c’est dans la plupart des cas pas nécessaire.

Enfin, il y a parfois des petites douleurs qui arrivent alors que l’examen clinique est normal, que l’échographie est normale. Donc on rassure ces hommes jeunes en leur expliquant qu’il faut porter des sous-vêtements un peu serrés, que ça évolue par phases et que ça peut rentrer dans l’ordre progressivement. Ce n’est pas inquiétant.

Après un infarctus du testicule, quelques heures pour le sauver

Il y a un événement que le grand public connaît peu mais qui peut avoir des conséquences terribles s’il n’est pas traité, c’est la torsion de testicule. Comment survient-elle et comment la soigner ?

La torsion du testicule, c’est quand le testicule, qui est appendu à sa veine et à son artère qui cheminent dans le cordon testiculaire, se tord sur lui-même, un peu comme quand on essore un torchon. Quand plusieurs tours de spires se font, la vascularisation du testicule s’arrête, le sang n’arrive plus à passer. Cela crée un infarctus du testicule. Comme on fait un infarctus du myocarde quand les coronaires sont bouchées. Comme on fait un accident vasculaire cérébral quand les artères du cerveau sont bouchées. Cela se manifeste par une douleur très violente du testicule, qui survient chez les patients jeunes à la différence des maladies cardiovasculaires, entre la puberté  et l’âge de 20-30 ans, souvent en deuxième partie de nuit.

Quand on interroge les patients, ils ont eu des douleurs diffuses qui allaient et venaient dans les jours et semaines précédents car il ne suffit pas d’un seul tour de spire. Il y a plusieurs tours qui se font et se défont. Et arrive un soir où c’est le tour de spire de trop. Et là, c’est une douleur brutale, violente, souvent associée à des nausées, voire à des vomissements. Dans le cas classique, le patient est vraiment en chien de fusil avec une douleur extrêmement intense.

Et dans tous les cas il convient d’aller à l’hôpital au plus vite…

Oui et consulter en urgence. Le risque est que cet infarctus testiculaire soit irréversible et se transforme en une nécrose testiculaire. On fait une prise en charge en urgence et on fait une exploration testiculaire. Le chirurgien réalise une petite incision en bas du ventre et on regarde le testicule pour confirmer le diagnostic : on a les tours de spire et un testicule noir, violacé, pas bien vascularisé. On le détord, on fait des manoeuvres pour le réanimer et refaire la circulation sanguine. Et puis on fixe ce testicule avec deux petits points (de suture) pour éviter que cela se reproduise.

Faites pipi après un rapport sexuel pour éviter une infection

Quelles sont les autres pathologies des testicules concernant particulièrement les jeunes hommes ?

Il peut s’agir de pathologies infectieuses. Chez les hommes jeunes, la contamination des testicules, c’est souvent au départ une prostatite, que les patients attrapent essentiellement lors des rapports sexuels. Il est important d’aller faire pipi après les rapports, comme le font les femmes. Car au cours du rapport les germes remontent dans l’urètre et peuvent donner à bas bruit une infection dans la prostate. Et comme les testicules et la prostate sont en communication directe, eh bien cette infection peut remonter jusqu’aux testicules. Ce qui se manifeste alors par un testicule douloureux, qui est rouge, chaud, inflammatoire – il y a souvent des brûlures urinaires associées. Dans ce cas, on suspecte une orchite épididymique.

Chez les hommes jeunes il y a un autre contexte en pathologie du testicule, ce sont les traumatismes. C’est un mauvais coup de pied, un choc : on peut avoir d’authentiques fractures du testicule. Il n’y a pas d’os dans le testicule, mais une enveloppe assez rigide qui l’entoure, un peu comme un pneu autour d’une roue. Quand il y a un choc trop fort, cette enveloppe peut se rompre. Dans ce cas, la pulpe contenue dans le testicule sort du testicule. Ce n’est pas grave en soi, ce n’est pas une urgence vitale. Mais quand cette albuginée est rompue, on peut se mettre à fabriquer des anticorps contre les spermatozoïdes. Ce qui peut secondairement donner des stérilités. C’est pour cette raison que ça se prend en charge en urgence. On ouvre, on suture le testicule et on le remet en place.

« Dire qu’on a les testicules pleins, c’est une image ! »

Existe-t-il une corrélation entre l’activité sexuelle et la bonne santé des testicules, parce qu’on entend à ce propos tout et son contraire ?

On entend souvent des hommes dire qu’ils n’ont pas eu de rapports sexuels depuis longtemps et que les testicules sont pleins, etc. C’est vraiment une figure de style. Stricto sensu le testicule produit une hormone qui est libérée dans la circulation sanguine, et là-dessus les rapports sexuels n’agissent absolument pas. La testostérone maintient la libido, l’envie d’avoir des rapports. Il n’y a pas d’andropause stricto sensu chez l’homme, comme il y a une ménopause chez les femmes. Néanmoins certains hommes, avec l’âge, peuvent fabriquer moins de testostérone. Quand c’est associé à une gêne, on donne un traitement substitutif à la testostérone.

Ensuite, le testicule produit des spermatozoïdes. Mais ce sont des cellules, donc le volume est extrêmement faible. L’idée que les testicules enflent ou sont remplis quand on n’a pas eu de rapports sexuels pendant longtemps, c’est vraiment une image. Car ce qui fabrique le sperme, ce n’est pas le testicule mais deux petites glandes, les vésicules séminales, qui sont en arrière de la prostate. Et donc oui, elles peuvent être remplies. Mais rien à voir entre le sperme et les testicules, qui eux n’apportent que moins de 1% du volume du sperme avec les spermatozoïdes.

Un cancer typique de l’homme jeune

Il existe également un cancer qui touche spécifiquement les testicules. Est-il grave et quelles en sont les conséquences ?

Le cancer du testicule est une pathologie spécifique à l’homme jeune. On peut même dire que c’est le premier cancer solide de l’homme jeune. Car quand les hommes jeunes font des cancers, ce sont plutôt des hémopathies du type leucémie ou lymphome. Cela peut arriver entre la puberté et 35-40 ans, ça se diagnostique souvent à l’autopalpation avec un homme qui vient en consultation et qui dit : « sous la douche ou en m’habillant, j’ai senti une induration du testicule ». C’est une augmentation de taille du testicule qui n’est pas douloureuse, avec une induration (NDLR : un épaississement ou un durcissement anormal des tissus organiques) vraiment pierreuse dans le testicule.

On suspecte alors en première intention un cancer du testicule. Mais il est rare, car les hommes jeunes font peu de cancers. Il est plutôt de bon pronostic, car même des formes diagnostiquées avec des métastases pulmonaires ou dans d’autres organes sont curables. Même les pires des pires formes de cancer de testicule peuvent avoir jusqu’à 50% de survie à 3 ou 4 ans.

Cannabis : attention aux abus

Des facteurs favorisent-ils la survenue d’un tel cancer ?

Oui, par exemple quand on est né avec un testicule qui n’était pas en place dans la bourse à la naissance. Cela s’appelle une cryptorchidie. Si elle n’est pas opérée avant la puberté, le risque de cancérisation de ce testicule est dix fois plus élevé qu’avec un testicule en place normalement. Si on corrige avant la puberté, le risque de cancérisation diminue, il n’est plus que cinq fois plus élevé. On sait aussi que quand on a deux testicules, celui restant est plus à risque de faire un cancer.

Il y a également des pratiques qui favorisent les cancers du testicule, en particulier la consommation importante de cannabis. C’est clairement un facteur déclenchant pour les cancers du testicule. Il y a aussi l’infertilité et des formes génétiques, des patients qui ont un chromosome X en trop, c’est en général diagnostiqué à l’adolescence ou à la puberté.

Quels conseils donneriez-vous pour garder des testicules en bonne santé ?

Pour les garder en bonne santé, il faut surtout les laisser tranquilles ! Pensez, si vous êtes jeune, à faire une autopalpation de temps en temps pour le dépistage des cancers. Il y a des vidéos mises en ligne par certaines sociétés savantes, comme la société canadienne, assez rigolotes et qui montrent comment faire une palpation (1). Et n’hésitez pas à demander à votre conjoint(e) de participer, on ne sait jamais, ça peut aider au dépistage !

(1) Pour apprendre l’autopalpation, voir la vidéo de l’association canadienne « Cancer testiculaire Canada » intitulée « Le merveilleux monde des Cuys » (prononcer « couilles »). Tout est dans le jeu de mots. C’est hilarant et très pédagogique.

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