Varices pelviennes : un redoutable mal féminin enfin soigné !

30% des douleurs pelviennes chroniques sont dues au syndrome de congestion pelvienne. Mais la source de ces douleurs au bas-ventre est très sous-estimée et sous-diagnostiquée. Avec de graves répercussions sur la vie quotidienne. Quelques équipes spécialisées ont vu le jour en France, dont celle des docteurs Florian Desmot et Pierre Cassagneau, radiologues interventionnels à l'hôpital Saint-Joseph à Marseille. Ils traitent par embolisation les patientes atteintes de varices pelviennes.

Santé

Nous connaissons les varices disgracieuses sur les jambes. Or il est des varices internes au ventre qui peuvent causer des douleurs autrement vives pour les femmes : ce sont les varices pelviennes. De quoi s’agit-il ?

 

Docteur Pierre Cassagneau : Les varices pelviennes et les varices en général correspondent à une insuffisance veineuse. A la différences des artères où le sang circule dans un sens avec une pression importante, les veines sont un système avec une pression qui est faible. Et pour empêcher un retour du sang, les veines sont dotées de valvules anti-retour. Donc l’insuffisance veineuse survient lorsque ces valvules deviennent incontinentes. Du coup le sang va stagner ou refluer dans les veines, ce qui va faire d’abord grossir les grosses veines, puis les petites veines. Et il va y avoir également des phénomènes d’inflammation qui vont se créer.

Comme une éponge gorgée de sang…

Ensuite le pelvis présente 2 particularités : c’est une zone où toutes les veines d’organes vont être connectées les unes avec les autres, mais elles vont être également connectées aux veines de la paroi pelvienne. L’autre particularité, c’est que la veine ovarienne gauche se jette dans la veine rénale gauche – c’est une veine qui est très longue et qui au cours des grossesses va avoir tendance à devenir incontinente facilement. Elle n’exerce plus son rôle de rejeter le sang de l’ovaire vers la veine rénale gauche. Mais ensuite elle va même aspirer le sang veineux rénal dans le pelvis et ça va faire gonfler toutes ces petites veines pelviennes qui vont former comme une sorte d’éponge. Et c’est cette éponge gorgée de sang qui va devenir douloureuse.

Une pathologie fréquente mais sous-estimée

Cette pathologie est-elle fréquente et quelles sont les personnes particulièrement touchées ?

Docteur Florian Desmots : On estime que jusqu’à 30% des douleurs pelviennes chroniques chez la femme sont liées à un syndrome de congestion pelvienne. Donc c’est une pathologie qui est fréquente mais qui est très sous-estimée, car sous-diagnostiquée en raison d’une présentation assez polymorphe, et non familière en fait de la communauté médicale. Pour revenir sur les personnes touchées, ce sont esentiellement les patientes en âge de préménopause et généralement multipares, c’est-à-dire ayant eu une ou plusieurs grossesses. D’autres facteurs de risque ont été également identifiés : les anomalies de l’anatomie veineuse abdominale, des antécédents de douleurs pelviennes dans la famille, des troubles hormonaux, un taux élevé d’oestrogènes, mais aussi le syndrome des ovaires polykystiques.

Douleurs pendant et après les rapports sexuels

Comment peut-on suspecter que l’origine des maux de ventre vient de ces varices ? Qu’est-ce qui doit y faire penser quand on est une femme ?

Dr Cassagneau : Les symptômes, ce ne sont pas que des douleurs. Evidemment les symptômes douloureux sont importants. Il s’agit de douleurs veineuses comme pour les varices des membres inférieurs, c’est-à-dire des sensations de gonflement et de pesanteur qui augmentent à la station debout prolongée ou en station assise, et qui vont s’améliorer lorsque les patientes s’allongent, le soir. Le 2e symptôme, qui est assez important, ce sont les douleurs pendant et surtout après les rapports sexuels. Il y a un 3e symptôme avec des douleurs rythmées par les règles. Ce sont plutôt des douleurs qui sont avant les règles et qui vont s’améliorer après les règles, contrairement à l’endométriose où c’est plutôt pendant les règles.

Hémorroïdes, pseudo cystites : et si c’était les varices pelviennes ?

Ensuite, il peut y avoir également des douleurs et des pesanteurs au niveau des jambes, des varices au niveau de la ceinture pelvienne, du périnée, de la vulve, surtout des lèvres, et également des fesses. Quand il y a des varices dans ces zones là, c’est vraiment caractéristique de varices pelviennes. Il peut y avoir également des symptômes digestifs, qui sont assez fréquents finalement, comme des hémorroïdes, des douleur rectales, des troubles fonctionnels intestinaux. On peut également avoir des symptômes urinaires telles de pseudo cystites, des fausses infections urinaires qui amènent à aller vite aux toilettes, des besoins d’uriner pressants. Enfin, parce que c’est une maladie qui peut évoluer pendant très longtemps avant qu’on s’en occupe, il peut y avoir un retentissement psychologique, notamment des troubles anxio-dépressifs, une hypersensibilité générale à la douleur et également des répercussions sur la vie de couple lorsque les patientes évitent d’avoir des rapports parce qu’elles ont mal.

L’interrogatoire de la patiente est fondamental

Quand une patiente vient vous voir et vous fait part de douleurs, comment confirmez-vous  l’origine de ces douleurs ?

Dr Desmots : Question délicate ! Diagnostiquer un syndrome de congestion pelvienne, c’est un diagnostic d’élimination. On y va pas à pas. Les patientes ont déjà eu un premier bilan assez poussé d’examens cliniques ou paracliniques, des échographies, des scanners, voire des IRM pelviennes. Elles ont déjà un dossier médical constitué assez étoffé que l’on doit prendre le temps de relire pour analyser. La première des choses, c’est l’interrogatoire. Il faut reprendre vraiment l’interrogatoire et essayer de savoir si oui ou non la symptomatologie est concordante et peut faire évoquer une congestion pelvienne : les douleurs pelviennes chroniques, les dyspareunies (NDLR : douleurs ressenties pendant et après les rapports sexuels), les douleurs post-coïtales, les lourdeurs de jambes et typiquement avec un horaire veineux, c’est-à-dire s’aggravant au cours de la journée.

Ensuite, on va aller chercher dans les examens paracliniques, d’imagerie, des signes cardinaux qui sont essentiellement la présence de varices, de veines dilatées qu’on peut très bien voir à l’échographie, sur des IRM pelvienne ou sur des scanners. L’IRM a l’avantage à la fois d’éliminer des diagnostics différentiels – des kystes aux ovaires, des fibromes utérins, etcetera -, et aussi de pouvoir mettre en évidence ces varices et d’avoir une approche dynamique : quand on injecte un produit de contraste dans le corps humain, on peut voir si les veines circulent à rétro, à contre-courant, et ça c’est vraiment tout l’intérêt de l’IRM dynamique.

Le seul traitement : boucher les veines

Quel traitement proposez-vous ? Comment se passe l’intervention ?

Dr Cassagneau : Le seul traitement qui permet de traiter la cause des douleurs, c’est l’embolisation. Cela consiste à boucher des vaisseaux. En l’occurrence, on va boucher les veines qui refluent et les veines dilatées. L’intervention se fait de manière ambulatoire, les patientes entrent le matin et ressortent l’après-midi. Elle se passe avec une sédation légère et une anesthésie locale au niveau du point de ponction. Il y a une anesthésie générale, mais en début d’examen les patientes sont en état vigile (éveillées) puisque on va avoir besoin d’elles pour faire des injections de produit de contraste avec des manœuvres de Valsalva, c’est-à-dire pousser sur le ventre. Ce qui va nous permettre de démasquer les varices. Une fois qu’on a bien fait le bilan des varices, qu’on a bien démasqué les varices pelviennes, on va pouvoir emboliser les varices pathologiques. On le fait en endormant les patientes.

Et on leur injecte un produit qui va aller boucher les varices ?

Tout à fait ! On injecte un produit qui s’appelle l’onyx, qui est une sorte de colle qui va mouler les varices et les veines incontinentes. C’est ce qu’on utilise ici. D’autres radiologues utilisent de la colle avec la même efficacité.

Le succès dans 95% des cas

Le résultat de cette intervention est-il définitif ? Ou bien, comme pour les varices des jambes, de nouvelles varices pelviennes peuvent-elles se développer ?

Dr Desmots : L’embolisation est une technique sûre et efficace pour le traitement de ces varices, avec un succès clinique dans 95% des cas. Mais il peut y avoir des récidives, généralement tardives – la nature à horreur du vide. De temps en temps il peut y avoir des points de fuite, des communications anormales qui s’ouvrent avec le temps et qui peuvent effectivement reprendre en charge ce réseau variqueux, comme les varices des membres inférieurs.

L’embolisation n’empêche pas les grossesses

Vous avez précisé que c’est une pathologie qui concerne essentiellement des femmes en préménopause. Mais des femmes plus jeunes peuvent-elles être touchées ? Et l’embolisation peut-elle être réalisée si la personne envisage d’autres grossesses ?

Dr Cassagneau : Bien sûr ! La pathologie peut apparaître dès la première grossesse, et même avant toute grossesse lorsqu’il existe des facteurs favorisants anatomiques. L’embolisation peut être réalisée à n’importe quel moment. Il n’y a pas d’incidence sur la possibilité d’avoir des grossesses par la suite.

Plus globalement, prend-on désormais suffisamment au sérieux les douleurs, pelviennes en l’occurrence, dont se plaignent les femmes ? On a longtemps mis cela peut être sur le compte des douleurs inhérentes à la féminité, au cycle menstruel, sans chercher de solutions…

Dr Desmots : Je l’espère ! Et je le pense ! Et je le souhaite ! De toute façon on assiste quand même à une transformation sociétale où les patientes sont de mieux en mieux informées par les réseaux sociaux, par internet. Elles ont besoin d’écoute, de reconnaissance et de prise en charge de leurs douleurs chroniques. La vision archaïque de dire que les douleurs étaient inhérentes à la condition féminine n’a plus lieu d’être. Le problème, c’est qu’on diagnostique ce que l’on cherche. Et très souvent, nous les premiers, radiologues, on ne décrivait pas forcément la présence de varices sur des examens. Il y avait une sorte d’errance diagnostique. Les patientes consultaient plusieurs médecins et n’arrivaient pas à trouver le bon, en tout cas à tomber dans un réseau qui pouvait l’orienter vers un correspondant qui puisse prendre en charge ces varices pelviennes et ces douleurs.

Retour d’une activité sexuelle sans douleur

Vous avez dit que la patiente peut présenter des varices dans différents endroits de son corps. Est-ce que, une fois traitées, ces varices disparaissent ensuite ?

Dr Cassagneau : Normalement, quand elles sont traitées, elles disparaissent. Après, il y a pas mal de zones anatomiques où peuvent être développées des varices. C’est pour ça qu’il n’est pas toujours facile de traiter en un seul temps l’ensemble des varices pelviennes. Parfois on n’a pas traité dans un premier temps celles qui étaient à l’origine des symptômes. C’est pour cela que, parfois, il faut plusieurs traitements.

Une personne traitée peut-elle retrouver une vie normale, sans douleur, et une activité sexuelle notamment ?

Dr Cassagneau : Bien sûr !

La radiologie interventionnelle offre-t-elle d’autres solutions dans le cas de douleurs pelviennes autres que celles provoquées par ces varices ?

Dr Cassagneau : Oui. La radiologie interventionnelle permet de traiter d’autres causes de douleurs pelviennes de la femme. Par exemple, on peut traiter par embolisation des artères cette fois-ci, des artères utérines, l’adénomyose qui est une forme d’endométriose intra utérine et qui peut être très gênante. On peut aussi éventuellement emboliser les artères utérines pour traiter les fibromes utérins. Pour ces 2 pathologies là, il y a d’autres types de traitements – des traitements médicamenteux et des traitements chirurgicaux. Donc on fait cela en collaboration avec les gynécologues lorsqu’ils en ont besoin.

Il y a aussi les traitements percutanés. Par exemple lorsqu’il existe une névralgie du nerf pudendal (NDLR: qui innerve le périnée), on peut infiltrer ce nerf sous contrôle du scanner. Il peut y avoir également des traitements qui consistent à détruire des nodules d’endométriose au niveau de la paroi abdominale, par cryothérapie cette fois-ci.

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