Changement de sexe : des demandes toujours plus nombreuses

Pour répondre à la profonde souffrance de nombreuses personnes, les chirurgiens plasticiens réalisent des opérations complexes permettant de changer de sexe. A l'hôpital de la Conception (APHM) à Marseille, le professeur Baptiste Bertrand est notamment spécialisé dans la transition de genre. Il détaille le processus pour des hommes voulant devenir femme et pour des femmes souhaitant devenir homme. La plupart veulent échapper à un mal être profond depuis leur plus tendre enfance, et s'épanouir dans leur sexe de réassignation. Le parcours est exigeant. Il nécessite une forte détermination et dure près de cinq ans.

Santé

Les demandes d’intervention pour un changement de sexe sont-elles de plus en plus nombreuses ?

Professeur Baptiste Bertrand : Effectivement, ces demandes d’intervention dans le parcours de la transition de genre sont de plus en plus nombreuses. De plus en plus de patients nous demandent des chirurgies au niveau de la poitrine, des organes génitaux, pour finaliser complètement leur transition et être enfin dans leur vrai corps.

Concernent-elles plus d’hommes ou de femmes ?

Cela concerne autant d’hommes que de femmes Mais je dirais que les hommes trans – c’est-à-dire les femmes natives -, qui font tout le processus pour faire une transition en homme, sont plus déterminés. Ce sont finalement eux que nous voyons plus souvent en consultation et que nous sommes plus souvent amenés à opérer. Nous avons beaucoup d’hommes et beaucoup de femmes en transition.

Ces patients s’habillent dans le sexe opposé depuis tout jeunes

Qu’est-ce qui pousse une personne à changer de sexe ? Que vous disent vos patients ?

Cette transition de genre est quelque chose de très profondément ancrée. Ce n’est pas un patient qui se réveille un matin en se disant « tiens, je ne suis pas un homme, je suis une femme ». Pas du tout ! Toutes ces personnes en transition, tous nos patients, nous disent que c’est une sensation qu’ils ont depuis la plus tendre enfance, depuis leurs premiers souvenirs. Ce sont des patients qui s’habillent dans le sexe opposé, depuis qu’ils sont tout jeunes. Ils veulent se mettre en robe pour les garçons, s’habiller en garçon pour les filles. C’est vraiment un mal être, une douleur profonde qui existe depuis leur plus jeune âge et qui bien souvent est cachée, camouflée au plus profond pour vivre plus socialement, plus facilement.

Une douleur qui peut représenter une vraie souffrance…

Parmi tous les patients que je suis amené à traiter, les personnes en transition sont vraiment les plus souffrantes, et sont du coup très attachantes, très motivées pour ce parcours. Elles sont extrêmement remerciantes, mais très en souffrance.

Un an d’évaluation avant un traitement hormonal

Prenons le cas des hommes en transition pour devenir une femme, en quoi consiste une telle opération ?

Pour devenir une femme trans, le parcours est long, mais c’est vrai pour la transition dans les deux sexes. La chirurgie arrive tout au bout du processus. On démarre par une évaluation psychologique, avec des médecins, des psychologues, pour être sûr que la transition est bien réelle, et bien nécessaire. Cette évaluation que va nécessiter la vie dans le sexe choisi, le sexe de réassignation, va durer environ un an. Puis ces experts en psychologie vont diriger la personne en transition vers un endocrinologue spécialisé pour démarrer tout un traitement d’hormones soit féminisantes, soit masculinisantes, qui va commencer à modifier le corps.

Pour les hommes en transition pour devenir une femme, on va avoir petit à petit une petite glande mammaire qui va pousser, moins de pilosité, une qualité de la peau qui va s’améliorer. Mais ces hormones ne vont jamais permettre le développement d’une vraie poitrine féminine. Très souvent les patientes vont nous demander une aide avec de la chirurgie. Pour ce qui est du protocole de chirurgie, on essaie toujours de commencer par des chirurgies qui vont permettre au patient de mieux s’assumer. Ce qui lui permet d’avoir le plus possible l’aspect de femme avec le moins de désagréments.

Poitrine, pomme d’Adam, visage, vagin : la chirurgie est lourde

On commence très souvent par une chirurgie de la poitrine et de la pomme d’Adam. On fait également tout ce qui est féminisation faciale. Donc des chirurgies pour avoir un joli petit nez, un visage bien triangulaire avec des jolis reliefs, un front bombé. Pour permettre à la personne en transition d’avoir l’aspect le plus féminin possible et de bien vivre en société dans son sexe de réassignation. On terminera bien sûr par la vaginoplastie, qui est la création d’un vagin à partir de la peau de la verge. C’est une technique compliquée, très spécialisée, qui nécessite plus de quinze jours d’hospitalisation, qui est douloureuse. Elle demande de la part du patient une vraie adhésion au protocole de soins. Il va falloir qu’elle réalise plein de gestes à la maison, très contraignants, pour dilater toute la cavité créée et permettre que son vagin soit vraiment utilisable dans les mois qui suivent l’intervention.

Combien d’années va durer ce processus ?

Entre le début de rentrée dans le protocole de transition et la fin de toutes les chirurgies, c’est un protocole qui dure entre quatre et cinq ans.

Suppression des glandes mammaires et pousse des poils en priorité

Prenons le cas des femmes en transition pour devenir un homme. Comment se passe le processus ?

Les délais sont les mêmes. Les femmes en transition pour devenir un homme sont souvent jeunes, on les rencontre dès l’âge de 18-19 ans. Bien sûr on ne fait jamais de chirurgie chez les patients mineurs. Les choses s’accélèrent peut-être un peu plus chez ces patients-là. La chirurgie de masculinisation du thorax, qui va consister à enlever complètement la glande mammaire d’une part, et d’autre part à remodeler l’étui cutané, la peau, pour que le thorax ressemble à un thorax masculin, c’est la première chirurgie qui nous est demandée.

Vous imaginez bien que pour ce qui est de la transition vers la masculinité, les hormones jouent un rôle incroyable pour le développement des poils. Ces patients ont très vite une pilosité, une barbe, ce qu’on appelle le « passing », c’est-à-dire l’aspect extérieur tout à fait masculin, donc un super passing. Mais par contre ils sont très gênés parfois par de très volumineuses poitrines. La chose qui les fait le plus souffrir, c’est d’avoir ces reliefs sous le t-shirt. Pour arrêter de porter des bandages qui les compriment toute la journée, on fait très vite des mastectomies, des chirurgies du thorax.

Les patients doivent-ils prendre un traitement hormonal à vie ? Comment se passe le suivi médical ?

Bien sûr, il faut prendre le traitement hormonal à vie pour garder ses caractères sexuels du genre souhaité. Ce sont des traitements très spécialisés, qui ont quelques effets secondaires comme le méningiome ou qui peuvent entraîner des problèmes cardiovasculaires. Il ne faut surtout pas s’automédiquer. C’est très important de passer par un médecin spécialisé, un endocrinologue, dont la spécialité est de prescrire et de surveiller ces traitements. Il faut des bilans biologiques tous les six mois, des consultations rapprochées. Il est important de le faire dans un cadre très sérieux.

L’entourage joue un rôle fondamental

Vous avez dit qu’il y a un accompagnement psychologique avant l’intervention. Est-ce le cas après également ?

Tout à fait. Ces interventions sont lourdes et nous sommes très heureux de le faire main dans la main avec nos amis psychologues et psychiatres. Ils vont préparer les patients et les patientes avant les chirurgies, surtout les chirurgies de transformation du sexe. Et ils vont venir les voir à l’hôpital, les accompagner lors du retour à la maison, vérifier que les aidants soient bien autour des personnes pour qu’il y ait un vrai cocon; pour que cette chirurgie se passe le mieux possible au niveau du corps comme au niveau de l’esprit.

Cette chirurgie et les traitements sont-ils pris en charge par l’Assurance Maladie ?

C’est complètement pris en charge par l’Assurance Maladie. On se bat depuis des années pour le faciliter. Car ça nécessite des demandes spécifiques. Cela rentre dans le cadre des maladies chroniques, qu’on appelle ALD. Le patient est pris en charge pour tous ses soins.

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