La coloscopie, une arme anti cancer qui ne doit plus faire peur

Plus d'un million de coloscopies sont réalisées chaque année en France. Cet examen est souvent redouté car il exige une préparation désagréable et nécessite une petite anesthésie. Pourtant, c'est une intervention essentielle pour retirer les polypes et éviter un cancer du côlon. Témoignages à l'Hôpital d'Instruction des Armées de Toulon, lors de la conférence sur la prévention du cancer colorectal organisée par MProvence le 19 mars.

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20 minutes d’anesthésie et c’est fini ! A peine le temps de s’endormir confortablement que déjà Frédérique Lalire est sortie du bloc opératoire de l’hôpital militaire Sainte-Anne de Toulon. La médecin principale Caroline Prieux-Klotz a retiré deux polypes, heureusement bénins.

Pourtant, la jeune retraitée de 68 ans redoutait la coloscopie comme la peste. « J’avais peur. J’appréhendais cet examen avec terreur, et d’abord celle de montrer ses fesses au médecin qui pratique la coloscopie. Or la pudeur est hyper respectée. On est recouvert d’un drap, tourné sur le côté, avec des gens qui nous parlent gentiment. Je n’avais plus du tout peur. »

Ce témoignage a ouvert la conférence « Sauver 10 000 vies, peut-être la vôtre ! » sur la prévention du cancer colorectal organisée par MProvence, mardi à Toulon, en partenariat avec l’Hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne.

Echange médecin patient
La médecin principale Dr Caroline Prieux-Klotz, gastro entérologue et oncologue digestif à l’HIA Sainte Anne et sa patiente (également médecin) Frédérique Lalire

La préparation : c’est comme une gastro, quoi !

C’est à la suite d’une parasitose contractée lors d’un voyage à l’étranger, et qui échappait au diagnostic, que Frédérique a consulté. Une coloscopie est prescrite. Il s’agit d’introduire par l’anus une sonde pourvue d’une caméra afin d’explorer le rectum et la totalité du gros intestin (le côlon) jusqu’à l’extrémité de l’intestin grêle. C’est là que la gastro-entérologue a repéré les deux polypes. Ces excroissances qui prospèrent dans le côlon peuvent se transformer en cancer au bout d’une dizaine d’années.

« Je suis désormais rentrée dans le circuit de contrôle tous les 5 ou 10 ans« , explique la patiente. Qui confie que, finalement, le plus désagréable, ce fut la prise d’une solution liquide – il faut avaler entre 1,5 litre et 3 litres en une ou deux heures – la veille de l’intervention afin de purger l’intestin pour que le médecin voit parfaitement sa paroi intérieure. « Ce n’est pas agréable, on se vide, comme quand on a la gastro. Rien de plus. » Bref, on passe la soirée sur les toilettes.

Son fils avait l’intestin bourré de polypes !

Et après la coloscopie ? « Aucune douleur, aucun symptôme. Je suis rentrée chez moi le jour-même. » Mais l’histoire de Frédérique ne s’arrête pas là. Elle évoque avec la Dr Prieux-Klotz le cas de son fils de 37 ans qui saigne régulièrement lorsqu’il va à la selle. « A deux reprises, on lui avait dit que c’était des hémorroïdes. Mais cela a interpellé la médecin, qui lui a prescrit une coloscopie. » Et là, c’est une grosse surprise…

« Il avait l’intestin bourré de polypes ! C’était peut-être le signe d’une polypose, une forme familiale de cette maladie. Il présentait le risque d’un cancer à court terme. On lui a donc enlevé tous les polypes lors de la coloscopie. »

Diapositive polypes

Ces cancers intestinaux sont redoutables

L’enjeu sanitaire en France est de taille. « Les cancers intestinaux représentent un cancer sur 4 dans le monde, et 1 sur 3 pour la mortalité« , rappelle la Dr Prieux-Klotz. Chaque année en France, le seul cancer colorectal tue 17 100 personnes. On a découvert 47 500 nouveaux cas en 2023, souvent grâce au dépistage proposé par l’Assurance Maladie à partir de 50 ans. La plupart seront soignés rapidement. Car, soulignent les médecins, ce cancer guérit 9 fois sur 10 lorsqu’il est dépisté tôt. Sinon, ce sont de grandes souffrances et une espérance de vie à 5 ans fortement réduite.

« L’incidence de ce cancer n’arrête pas de croître, prévient le Dr Claude-Pierre Gauthier, médecin coordinateur du Centre régional de dépistage des cancers Sud-Paca (CRCDC). Si on a un cancer de stade 1, c’est + de 90% de survie 5 ans après la découverte de la maladie. Si on est à un stade 4, c’est 5%. D’où l’intérêt de se dépister ! »

Après 65 ans, 1 Français sur 3 a des polypes

Le Dr Jean-Louis Wendling, oncologue et président du comité varois de la Ligue contre le cancer, insiste sur l’impact du dépistage organisé. « Il ya 1 200 nouveaux diagnostics de cancers (tous cancers confondus) chaque jour en France. Près de 20 millions de Français sont concernés par le dépistage du cancer colorectal, du sein ou du col de l’utérus. » Malheureusement une minorité s’y soumet alors que c’est gratuit. En Provence seul 1 assuré social sur 3 accomplit, entre 50 et 74 ans, le test FIT servant à dépister le cancer du côlon.

Dr Jean-Louis Wendling, oncologue, Président Comité Var de la Ligue contre le cancer
Dr Jean-Louis Wendling, oncologue, Président Comité Var de la Ligue contre le cancer

La Dr Ludivine Gan, gastro-entérologue à Sainte-Anne, fournit un autre chiffre éclairant: « 30% de la population présente des polypes intestinaux après 65 ans. » Ceux-là mêmes qui peuvent dégénérer en un cancer redoutable. « Le surpoids, l’obésité, la sédentarité ou l’alimentation, je pense par exemple à l’excès de viande rouge, favorisent leur apparition. Leur évolution cependant est lente et retirer ces adénomes permet de prévenir le cancer. »

Dr Ludivine Gan, gastro entérologue et endoscopiste interventionnel, HIA Sainte-Anne
Dr Ludivine Gan, gastro entérologue et endoscopiste interventionnel, HIA Sainte-Anne

Nouvelles armes thérapeutiques

Quand la maladie est trop avancée, c’est le chirurgien qui prend le relais. Le Pr Paul Balandraud a ainsi témoigné, accompagné d’un patient auquel il a retiré 20 centimètres d’intestin en 2019 et qui se porte comme un charme. Il n’a aucun symptôme, mange normalement, son transit est parfait.

Les armes thérapeutiques contre le cancer colorectal – qui reste le plus meurtrier en France après le cancer du poumon – progressent à pas de géant, comme l’a expliqué la Dr Prieux-Klotz. Par exemple, l’hôpital Sainte-Anne est engagé dans un essai thérapeutique pour tracer la cartographie de la tumeur de chaque patient. On la retire et on teste en laboratoire des produits afin de voir celui qui marche le mieux. Une technique que l’on peut espérer voir se transformer en traitement courant d’ici 5 à 10 ans.

D’ici là, n’ayez plus peur de la coloscopie !

 

Pr Paul Balandraud
Pr Balandraud, chirurgien viscéral, HIA Sainte Anne

Conférences à Gap le 28 mars et le 16 avril à Marseille

Les prochaines conférences sur la prévention du cancer colorectal organisées par MProvence « Sauver 10.000 vies, peut-être la vôtre! » auront lieu :

  • Jeudi 28 mars à 18h au Pôle Universitaire de Gap, IUT, 2 rue Bayard, 05000 Gap. Entrée libre. Venez poser vos questions aux médecins du Groupement hospitalier de territoire de Gap-Briançon et du Centre régional de dépistage des cancers Sud-Paca.
  • Mardi 16 avril à 18h à Aix-Marseille Université, amphi Gastaut, Jardin du Pharo, 58 Bd Charles Livon, 13007 Marseille. Entrée libre. Avec les médecins de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille, de l’Institut Paoli-Calmettes de l’Hôpital Saint-Joseph et de l’Hôpital Européen.

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