Cette interview est publiée dans le cadre de la 3e campagne d’information sur le cancer de la prostate organisée par MProvence. Elle a été réalisée par Yasmina Motassim et Anaïs Chennine, étudiantes en master 2 « Communication d’intérêt général » à l’Ecole de Journalisme et de Communication d’Aix Marseille Université. Elles ont rencontré Jean-Marc Barberin, médecin à La Ciotat.
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez découvert que vous aviez un cancer de la prostate ?
De manière toute simple ! Je me sentais un peu fatigué. J’ai une épouse pharmacienne qui m’a conseillé de faire un bilan sanguin. J’ai fait ce bilan sanguin biologique et mon ami biologiste le soir même m’a appelé et m’a dit “Oh mon petit coco, il y a un problème sur ton bilan, tu as un PSA – qui est le marqueur du cancer de la prostate – qui est très élevé » pour mon âge puisque j’avais 49 ans et demi. J’aurais dû avoir un chiffre inférieur à 4 et j’avais plus de 12.
Vu que je suis aussi médecin, je me suis effectivement douté qu’il y avait un problème. Alors deux choses : ou le laboratoire s’est trompé, ou moi j’ai un souci. Donc j’ai fait un contrôle qui a montré que le chiffre était exactement le même et après j’ai engagé tous les examens médicaux pour voir ce qu’il se passait au niveau de ma prostate, car je n’avais aucun signe.
« J’avais zéro symptôme donc… »
Quels ont été vos premiers sentiments en apprenant le diagnostic ?
Zut ! *Rires* Nan mais vraiment, je me suis dis ça comme ça : Ouais, zut ! Il va sans doute falloir faire quelque chose et se soigner, pas plus.
Pas de sentiment d’inquiétude ? D’angoisse ?
Franchement non. Mais je pense que ma profession y a beaucoup aidé. J’avais zéro symptôme donc je me disais : « au pire des cas, si je trouve quelque chose, ça sera petit ».
L’IRM confirme le cancer
Pouvez-vous nous expliquer plus en détails votre parcours médical, concernant par exemple vos consultations, vos examens ou les traitements que vous avez subis ?
Après cet examen biologique qui n’était pas bon, je l’ai confirmé, j’ai téléphoné à un copain radiologue pour qu’il me fasse une radiographie de la prostate, qui s’est avérée strictement normale, ce que moi je ne trouvais pas normal. Du coup effectivement j’ai fait une IRM de la prostate qui, elle, n’était pas normale, ce qu’il semblait être un petit cancer. Je me suis adressé au professeur Karsenty, qui est un copain de promo, je lui ai expliqué mon problème et mon dossier.
Il m’a organisé des biopsies à la Conception. Il m’a effectivement fait mes biopsies juste quand je revenais de vacances. Les biopsies se sont avérées normales, on s’est passé un petit coup de fil, on s’est dit “tiens! C’est bizarre quand même que les biopsies soient normales” parce que l’image en IRM faisait “cancer”. Donc il m’a dit : ou t’as pas de cancer ou je suis passé à côté. Donc on a dit “on fait quoi? On fait une IRM dans trois mois, et si on a toujours la même image, on refera des biopsies sous IRM.” Donc on a refait une IRM 3 mois après qui montrait toujours la même image, et on a refait des biopsies dans un autre endroit sous IRM et là elles se sont avérées positives : cancer de la prostate.
Le traitement le plus adapté était la chirurgie
Le plus adapté à mon cas c’était la chirurgie, et là en fait (le Pr Karsenty) était le très bon ami d’un chirurgien parisien qui est le professeur De la Taille et avec lequel il m’a mis en relation. J’aurais dû aller me faire opérer à Mondor à Paris, et M. de la Taille est venu passer un week-end avec M. Karsenty et il m’a opéré à Marseille, à la Conception.
Du coup je ne me suis déplacé qu’à la Conception à Marseille. En même temps il a donné des cours sur le robot, puisque c’était une opération robot assistée. Après le traitement et quelques effets secondaires, normalement j’étais guéri !
« Je raconte mon expérience à mes patients, ça les aide »
Concernant les aspects psychologiques, on sait que le cancer de la prostate est souvent un sujet tabou chez les hommes. Est-ce quelque chose que vous avez ressenti dans votre parcours ?
Non pas du tout, mais je n’ai aucun tabou, moi.
Vous êtes médecin généraliste et vous soignez peut-être beaucoup d’hommes de plus de 50 ans. Sont-ils réceptifs aux conseils de prévention et se font-ils majoritairement dépister ?
Oui ! Oui d’autant qu’ils savent ce qu’il m’est arrivé parce que je suis quelqu’un d’assez transparent et que je m’entends très, très bien avec mes patients. Je reconnais que je m’en sers.
Vous leur parlez de votre expérience ?
Je leurs parle de mon expérience, je leur dis que j’ai trouvé ça de manière totalement fortuite sur un bilan donc il ne faut pas qu’ils hésitent à me parler des petits troubles qu’il pourraient avoir, ou qu’on fasse des bilans et qu’on vérifie. Il n’y a aucun problème avec ça.
« J’étais quasi sûr de ne pas mourir »
Est-ce difficile pour les hommes d’aborder ce sujet ? Particulièrement quand il s’agit de questions autour de la sexualité et de la masculinité ?
Je m’entends superbement bien avec mes patients donc non, aucun problème par rapport à ça. Et moi, en tant que patient, ça ne me pose pas de souci.
Pensez-vous que le soutien émotionnel et psychologique est sous estimé dans la prise en charge du cancer de la prostate ?
Je ne sais pas. Je n’en ai pas eu besoin parce que j’ai été assez serein du début à la fin. Parce que je suis médecin et j’ai bien vu ce que j’avais et que ça aurait pu m’emmerder et me poser beaucoup de problèmes. Mais j’étais quasi sûr que je n’allais pas mourir de ça.
« Il faut rassurer les patients sur les suites du traitement »
Mais pour un patient qui justement n’est pas médecin ?
Lorsqu’un patient n’est pas médecin, il faut énormément le rassurer sur les suites du traitement. Je pense qu’il faut rassurer les gens sur la suite, moi c’est ce qui m’a le plus fait peur : c’est la suite, juste la suite. Je devais me marier effectivement le 20 février 2021, pour mes 50 ans. Donc finalement il se trouve que j’ai été opéré le 29 janvier et quand on avait prévu le mariage, on ne le savait pas du tout avec mon épouse. Donc on a retardé ça en septembre. Donc oui c’était un re-mariage, oui là il y a des tas de problèmes psychologiques qui peuvent se poser. Mais plus par rapport aux conséquences du traitement que par rapport à la maladie.
Justement, c’est la suite du traitement qui est un peu taboue…
C’est ça, après oui je pense que sur ça par contre, les hommes, il faut les rassurer.
Entre mourir et voir mes petits-enfants grandir, j’ai choisi !
Concernant votre vie sexuelle et votre masculinité, les traitements contre le cancer de la prostate, comme la chirurgie ou la radiothérapie, peuvent avoir des répercussions. Comment avez-vous vécu cette dimension ?
Ce que j’ai vécu le plus mal, c’est l’incertitude. Je savais très bien que pour me faire soigner il fallait que je sois opéré. Je savais très bien que quand vous faites une intervention comme ça, il y a un effet secondaire sûr. Effectivement vous n’avez plus d’éjaculation, mais encore à mon âge ce n’est pas dramatique, je ne vais plus faire d’enfants. Il y a des risques effectivement d’impuissance, donc c’est sur ça qu’il faut le plus rassurer les hommes. Maintenant bon, entre voir mon fils grandir, voir mes petits-enfants, profiter d’une femme formidable, et mourir… j’ai choisi la chirurgie.
« On peut retrouver une sexualité normale »
Est-ce possible, selon vous, de retrouver une vie sexuelle satisfaisante après un traitement contre le cancer de la prostate ?
Complètement !
Y’a t-il des exercices ?
Il y a une rééducation qui ne concerne pas forcément la sexualité mais qui concerne la continence urinaire puisqu’il faut savoir qu’au début c’est pas “youpi youpi tralala” ! Sur ce plan là je suis devenu à 95% normal. Je n’ai pas de protection, rien, je suis normal. Concernant les troubles sexuels, il faut en parler à son médecin. Je m’en suis auto-parlé et c’est vrai qu’il existe des comprimés, il existe des tas de choses qui permettent de retrouver une sexualité tout à fait normale.
« On ne vous laissera pas tomber ! »
Quels conseils donneriez-vous à un homme qui est inquiet de sa vie sexuelle après un traitement par exemple ?
En en parlant à son médecin. On a, à l’heure actuelle, des tas de moyens de gérer ça. Je veux dire qu’il existe des prothèses, il existe des injections intra-caverneuses (que le patient se fait dans la verge pour obtenir une érection avant un rapport, NDLR), il existe des médicaments. On a quand même beaucoup de choses qui permettent de redonner une vie sexuelle aux patients. Donc soignez-vous ! Et après, nous, on gérera le reste avec eux mais on sera là ! On va vous entourer, on ne vous laissera pas tomber.
Pour ce qui est de votre expérience personnelle, comment s’est passée votre rémission et comment avez-vous senti que vous étiez guéri ?
J’ai senti que j’étais guéri le lendemain de l’opération. Depuis, je continue à contrôler le PSA parce qu’il faut le contrôler mais ce que je dis à mes patients, c’est que c’est compliqué de faire un cancer à un organe qu’on n’a plus ! Donc comme je n’ai plus de prostate, je vais plutôt m’inquiéter d’autres cancers que de celui-là. Je me suis senti guéri dès le lendemain de l’intervention et je savais que je guérirai dès le diagnostic.
Parlez-en à votre médecin généraliste
Y a-t-il des choses que vous auriez aimé savoir au début de votre parcours, et que vous aimeriez partager aujourd’hui ?
Je pense qu’il faut en parler à son généraliste. Il faut être honnête, je me suis auto-rassuré parce que je suis généraliste. Mais il ne faut pas penser que les spécialistes vont passer des heures et des heures à tout vous expliquer, ils ont d’autres choses à faire. Dans ces cas là, il faut voir un généraliste en qui on a confiance, allez voir son médecin de famille qui vous expliquera tout, qui vous prendra en charge, qui vous suivra et qui vous permettra de retrouver une vie à 99% normale.
Conférence publique à Marseille le 13 novembre
Rendez-vous mercredi 13 novembre à 18h à Marseille pour la conférence publique et gratuite : La prostate, parlons-en pour nous protéger. Venez interroger les spécialistes. Amphi Gastaut, Aix Marseille Université, jardin du Pharo, 58 boulevard Charles Livon, 13007 Marseille. Parking Q-Park face au jardin.
VENEZ RENCONTRER LES SPECIALISTES LORS DE NOS CONFÉRENCES – Inscription ici : https://forms.gle/F2qUsqY6hiSg1iNo8
cet article vous a plu ?
Donnez nous votre avis
Average rating / 5. Vote count:
No votes so far! Be the first to rate this post.