Un siècle d’histoire qui ne demande qu’à se prolonger

A l’heure où se joue le futur de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre, il n’est pas inutile de rappeler tout ce que cet ensemble d’entreprises industrielles de rang mondial a apporté aux Bouches-du-Rhône et à la France depuis bientôt un siècle. En termes d’emplois, de rayonnement et de prospérité économique, mais aussi de nuisances, de pollutions et d’impact sur les milieux naturels.

Economie

Aux origines d’un destin industriel

C’est en 1929, avec la construction de la raffinerie Shell de Berre-l’Etang, que s’est noué le destin industriel de cette zone comprise entre le nord de Marseille et l’embouchure du Rhône. Mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que son développement s’est accéléré, même si le projet élaboré dès le début des années 1950 a dû évoluer avec la réalité économique et géopolitique mouvante de l’époque, jusqu’à sa concrétisation véritable, à la fin des années 1960. Entretemps, l’empire colonial français avait eu le temps de se disloquer, assombrissant quelque peu les perspectives du port de Marseille, alors premier port de France, et conduisant l’Etat et les industries candidates à l’installation sur le littoral des Bouches-du-Rhône à revoir leurs ambitions et leur stratégie.

Vue ancienne de la raffinerie Shell à Berre-l’Étang (carte postale). Raffinerie de La Mède – carte postale ancienne, Domaine public (via Gallica / Wikimedia Commons)

La naissance de la zone industrialo-portuaire

Au début du processus, il avait ainsi été envisagé de créer à Fos, non seulement une usine sidérurgique, mais aussi d’y adosser une usine automobile pour y construire les voitures destinées au marché des colonies d’Afrique. La sidérurgie y verra bien le jour, non sans difficultés, mais pas l’usine automobile. C’est finalement en 1963 que fut actée par l’Etat la création de cette zone industrialo-portuaire, inaugurée fin décembre 1968 par le Premier ministre de l’époque, Maurice Couve de Murville. Lors de son discours, il martela d’ailleurs qu’il était « temps pour Marseille de reconvertir vers l’industrie ».

Maurice Couve de Murville, Bestanddeelnr 915-6674 .  Bundesarchiv, licence CC-BY-SA 3.0 DE, via Wikimedia Commons

Le pétrole et la pétrochimie en fer de lance

A ce moment-là, l’heure n’était déjà plus aux grandes industries manufacturières, mais bien au pétrole et à la pétrochimie, dans le droit fil des choix opérés avant-guerre avec la création successive de trois raffineries (Shell-Berre en 1929, Lavéra en 1933 et La Mède en 1935), adossées au terminal pétrolier de Martigues-Lavéra depuis le début des années 1950. Dix ans plus tard, ce terminal est déjà saturé et le bout de Camargue à l’ouest de Port-de-Bouc est pointé par l’Etat pour accueillir le projet de zone industrialo-portuaire. En l’occurrence un nouveau terminal pétrolier directement relié au complexe de pipelines sud-européen entre Fos et Karlsruhe, en Allemagne, opérationnel depuis 1962, et un grand port en eaux profondes capable d’accueillir des navires dont les dimensions ne cesse de s’accroître et qui ne peuvent plus accoster dans le port de Marseille ou franchir le canal de Caronte, entre la mer et l’étang de Berre, à Martigues. Soixante ans plus tard, Marseille-Fos reste d’ailleurs le premier port pétrolier européen.

La sidérurgie et l’ère Solmer

Pour ce qui est de l’industrie à proprement parler, il y a urgence : en même temps que la décolonisation et la fin de le rente de situation du port de Marseille, le tissu industriel local, fait de petites et moyennes entreprises, se délite à un rythme accéléré dès les années d’après-guerre et, avec l’arrivée des rapatriés d’Algérie au début des années 1960, le chômage s’installe et les problèmes s’accroissent. L’Etat en a conscience et la planification gaullienne détourne vers Fos-sur-Mer le projet d’usine sidérurgique que De Wendel envisageait de construire au Havre. Après moult péripéties, la Solmer ouvre en 1974 à Fos dans un contexte pourtant peu favorable pour la sidérurgie, même si la construction et la réparation navale, à La Seyne, La Ciotat et Marseille, reste à l’époque un secteur localement fort et potentiel acheteur de l’acier produit dans la nouvelle usine.

Fos‐sur‐Mer-  meeting CGT sur le chantier de l’usine sidérurgique Solmer, 19/06/1973 © Photo : Jacques Windenberger. Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration
Fos‐sur‐Mer – meeting CGT sur le chantier de l’usine sidérurgique Solmer, 19/06/1973 © Photo : Jacques Windenberger. Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration

Un tissu industriel bouleversé

Des métiers traditionnels qui disparaîtront progressivement du paysage régional, avec les fermetures successives des chantiers Terrin, en 1979 à Marseille, avant ceux de La Seyne et La Ciotat dix ans plus tard, puis le démantèlement de la CMR dans les années 2000. Désormais aux mains d’ArcelorMittal après, là encore après une existence chaotique, l’aciérie de Fos doit elle aussi prendre le virage de la décarbonation, qui constitue l’enjeu principal du projet de réindustrialisation de la zone.

 Les chantiers navals de La Ciotat, créés au 19ème° siècle, furent parmi les plus importants de France.
A la fin du 20ème° siècle, ils fermentent.

Puis redémarrent au 21ème° siècle pour s'occuper des plus grands yachts.
Les chantiers navals de La Ciotat, créés au XIXe siècle, étaient parmi les plus grands de France .
Ils ferment à la fin du 20e siècle.
Les chantiers navals de La Ciotat, créés au 19ème° siècle, furent parmi les plus importants de France. Grues à La Ciotat – Celeda, CC-BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons 

Un nouveau cycle industriel à inventer

Car avec la mondialisation, la concurrence de pays à bas coûts de main d’œuvre et moins exigeants en matière de normes environnementales, la perte de compétitivité des industries pétrochimiques et sidérurgiques a fragilisé l’avenir de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre. Combinée à la nécessité de sortir du tout-fossile, cette réalité doit la conduire à opérer une nouvelle révolution à même de prolonger cette histoire économique et humaine sans pour autant renoncer à l’essence même de ce qui a fait sa force depuis un siècle : les énergies.

Construite en 1935 à Châteauneuf-les-Martigues, près de Marseille, la plateforme de La Mède se transforme depuis 2015.
Construite en 1935 à Châteauneuf-les-Martigues, près de Marseille, la plateforme de La Mède se transforme depuis 2015. Crédit : TotalEnergies – Bioraffinerie de La Mède, tous droits réservés.

 

 

cet article vous a plu ?

Donnez nous votre avis

Average rating / 5. Vote count:

No votes so far! Be the first to rate this post.

Partagez vos commentaires.

Donnez nous votre avis

Average rating / 5. Vote count:

No votes so far! Be the first to rate this post.

Partager vos commentaires.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *