La migraine, il faut la tabasser immédiatement !

Quand on est migraineux, c'est à vie. Mais ne laissez JAMAIS la migraine s'installer ! Quitte à prendre des médicaments très forts pour la stopper. Voici les conseils de la Dr Marine Mulatero, neurologue à l'Hôpital Saint Joseph à Marseille. Evitez le vin blanc, gare à l'abus de café, au stress... et même aux vacances !

Santé

La migraine tout le monde en a entendu parler ! Normal puisque 12% des adultes sont migraineux et même 10% des enfants. Ce qui fait tout de même 11 millions de personnes selon l’Assurance Maladie. Ce n’est pas un simple mal de tête passager, il s’agit d’une maladie à part entière qui souvent n’est pas bien prise en charge. Les migraineux racontent que les crises sont un enfer et beaucoup n’ont pas de solutions, sinon de s’assommer avec des médicaments pas toujours efficaces.

Peut-on mieux soulager la migraine et même en guérir ? Qu’est-ce qui la provoque ? Et pourquoi les femmes sont-elles plus touchées que les hommes ? Pour répondre à ces questions, voci la docteur Marine Mulatero, neurologue à l’hôpital Saint Joseph à Marseille.

Qu’appelle-t-on migraine ? Qu’est-ce qui la distingue des simples maux de tête ?

Dr Marine Mulatero : Eh bien vous avez commencé à le dire dans votre introduction : la migraine c’est une authentique maladie neurologique, qui est parfois banalisée. On a tendance à dire dans le langage courant « j’ai la migraine » dès qu’on a un peu mal à la tête, ce qui est loin d’être le cas pour tout le monde. C’est une maladie qui répond à des critères qui ont été déterminés de manière internationale par une société savante et donc quand on répond à au moins une certaine partie de ses critères, on peut poser le diagnostic de migraine. Donc c’est un diagnostic médical.

Dans les critères de migraine, il y a une douleur d’intensité modérée à sévère qui en général se répartit sur une partie du crâne, volontiers unilatérale, qui peut démarrer autour de l’œil ou bien dans la nuque. Ce qui cause parfois des problèmes un peu de confusion avec d’autres diagnostics, notamment la névralgie d’Arnold qui est souvent évoquée par excès. Cette douleur peut également être accompagnée de nausées ou de vomissements même, ce qui est parfois très invalidant. Elle crée également une sensibilité à la lumière et au bruit. Ce qui fait que les patients ont tendance à s’enfermer dans le noir, à quitter leur lieu de travail s’ils y sont au moment du déclenchement. Donc il y a un vrai côté invalidant lors des crises.

La femme jeune, cible N°1

Existe-t-il des profils types de migraineux ?

Le profil type du patient migraineux, ça serait plutôt une patiente en général. C’est une pathologie qui touche volontiers les femmes, volontiers les femmes jeunes. Donc on a un début de pathologie souvent entre 20 et 30 ans. Même s’il peut y avoir des débuts dès l’enfance avec des formes parfois un peu atypiques, avec des tableaux essentiellement digestifs et des vomissements au premier plan. Ce qui peut parfois créer de l’errance diagnostique. Mais effectivement on peut dire que le patient type est une femme, avec en général 2 femmes pour un homme atteint de migraine.

La Dr Marine Mulatero dans le service de neurologie de l’Hôpital Saint Joseph à Marseille (Photos Ph. S)

La migraine, c’est pour la vie !

Quand on a de la migraine jeune, à 20 ou 30 ans, on aura de la migraine toute sa vie ?

La migraine, il faut comprendre que c’est comme une vulnérabilité finalement au niveau cérébral. C’est-à-dire qu’on naît avec un cerveau de migraineux et on peut avoir des crises qui se déclenchent un peu à n’importe quel moment de la vie. Et avoir une variabilité finalement de cette vulnérabilité au fil de la vie. On peut avoir des moments où on est plus vulnérable et donc où les migraines sont présentes et en nombre, et avoir d’autres moments où les choses sont plus calmes et où on en ressent moins la gêne. Mais c’est quelque chose qui peut effectivement nous suivre toute la vie.

Les vacances… une source de migraine !

On va parler des causes. Par quoi la migraine est-elle provoquée ? Est-ce le stress, la fatigue ?

Comme je le disais, c’est une vulnérabilité. En fait le cerveau du migraineux est très sensible à ce qu’on appelle nous en termes médicaux l’homéostasie, c’est-à-dire l’équilibre de tout au niveau moléculaire. Finalement ça se traduit dans la vie des gens par le fait d’avoir une certaine routine. Donc tout ce qui peut sortir de la routine des gens, de leur quotidien, peut être un déclencheur d’une migraine. Chacun aura ses facteurs déclenchants qui lui sont propres et qu’il apprendra à connaître. Cela peut être des facteurs déclenchants en lien avec des émotions fortes, qu’elles soient positives ou négatives. Ou bien avec le sommeil.

Parfois ça peut être un peu déroutant. Car ça peut être quelqu’un qui a un rythme de vie par exemple très rythmé, qui se lève tous les jours à la même heure et qui se couche à la même heure, parce qu’on a un rythme métro-boulot-dodo et on suit ça au quotidien Eh bien il peut avoir de façon très désarçonnante et paradoxale des migraines quand il part en vacances. Parce que quand on part en vacances, on se relâche, on n’a pas du tout le même rythme et ça, parfois, ça peut être un déclencheur alors qu’on aurait tendance à croire qu’en vacances tout va bien.

Un démarrage 48h avant la crise ?

Est-ce que notre alimentation est en cause ? On parle du chocolat, de la charcuterie, de l’alcool et notamment bien sûr du vin blanc… Faut-il éviter ou limiter certains aliments ?

C’est une question très intéressante parce que débattue. Effectivement, quand on a la migraine, on réfléchit à ce qu’on a fait dans les 24 à 48 heures avant. On a tendance à vouloir trouver des coupables et le vin blanc et le chocolat sont dans le duo de tête des facteurs déclenchants qu’on peut évoquer.

Mais ces dernières années, on a une espèce de revirement de pensée où on se demande si en fait, 24 à 48 h avant de ressentir le mal de tête, on n’aurait pas déjà une phase qu’on appelle prodromale. C’est-à-dire qui précède la migraine mais qui fait déjà partie du processus douloureux et qui pourrait être sous-tendue par une baisse des mécanismes moléculaires : une baisse dans certains taux de certains ions comme le magnésium par exemple.

Le chocolat, coupable idéal ?

Ce qui pourrait expliquer qu’on ait dans cette phase là une certaine appétence pour certaines choses qui peuvent nous apporter un complément. Donc par exemple le chocolat qui peut être un apport en magnésium. Et que finalement il serait quelque chose qu’on décide de prendre pour combler ce manque dans notre phase prodromale, pour éviter que la migraine arrive ensuite, avec une efficacité tout à fait relative qui ferait que la migraine arriverait quand même après. Et finalement  le chocolat se retrouverait coupable alors qu’en fait il ne l’est pas forcément.

Il y a tout un tas de facteurs alimentaires comme ça pour lesquels la question peut se poser. Après, il y a des choses qui font un peu moins question : le vin blanc, c’est sûr que pour lui on a moins de doutes sur le fait qu’il peut être un déclencheur. Mais là encore à la discrétion de chacun, chacun ayant sa sensibilité propre.

Le café sur le banc des accusés

J’ai lu que le café pouvait être en cause alors que moi, j’ai toujours entendu dire que le café soulageait les migraines parce qu’il dilatait les artères du cerveau…

Cela aussi c’est une question très pertinente parce que tout est question de dosage. Quelqu’un qui boit un café de temps en temps et qui a tendance à prendre ce café au moment de sa migraine, peut tout à fait être soulagé. Parce que la physiologie sous-jacente de la migraine implique une vasodilatation. La caféine va venir contrer cette vasodilatation donc on peut être soulagé par une prise ponctuelle et raisonnée de café. En revanche, dans l’autre extrême, si on est consommateur de café quotidien et pluriquotidien – plus de 3 – 4 cafés par jour – on peut rentrer dans l’autre extrême et se créer du mal de tête par un surdosage en caféine.

On parle du café mais on peut étendre aux consommateurs de Coca Cola, de soda, de thé, de tout ce qui contient de la caféine. Mais finalement c’est un question de dosage.

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Ne pas confondre avec l’AVC

Est-il important d’être suivi médicalement si on est migraineux ? Je vais plus loin : est-ce qu’une migraine peut notamment déclencher un accident vasculaire, par exemple on pense à l’AVC ?

La migraine ne déclenchera pas en elle-même d’AVC mais elle peut être associée à un cortège de symptômes que nous, sur le plan médical, nous appelons l’aura migraineuse. Ils peuvent précéder la migraine ou bien être concomitants avec l’arrivée du mal de tête à proprement parler. Ce sont des symptômes qui peuvent être confondus effectivement avec un AVC. Ils peuvent être de l’ordre du trouble visuel, du flou visuel, des points blancs devant les yeux. Ils peuvent aussi être des troubles sensitifs, des picotements dans la bouche ou dans les mains. Ils peuvent même parfois être des troubles du langage. Ce qui est d’autant plus inquiétant quand on n’a plus un mot qui sort. Là, effectivement, la question de l’AVC peut être posée.

Mais ce qui est une différence fondamentale entre l’aura migraineuse et l’accident vasculaire cérébral, c’est la cinétique et l’évolution de ces symptômes qui, lors d’une aura migraineuse, débutent progressivement, s’installent successivement l’un après l’autre dans une espèce de marche migraineuse et disparaissent progressivement comme ils sont venus. Laissant place ensuite à la céphalée migraineuse. Tandis que dans l’AVC tous ces symptômes peuvent être associés et surviennent en éclair d’une seconde à l’autre de façon brutale, sans qu’il y ait de résolution spontanée de l’épisode. Donc c’est finalement la cinétique qui est bien différente.

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Si le Doliprane ne suffit pas…

Quelles sont les solutions pour mettre fin à une migraine, quand un comprimé de paracétamol ne suffit pas ?

Le paracétamol peut suffire dans des choses vraiment très légères à modérées. Mais il est effectivement très souvent mis en défaut. C’est là où l’importance du suivi médical, une consultation médicale peut s’avérer nécessaire pour proposer un traitement de crise, à prendre au moment où on a mal, et qui soit plus adapté que du paracétamol.

On a aujourd’hui 2 types de molécules qu’on peut proposer dans ce contexte là, qui sont d’une part les anti-inflammatoires non stéroïdiens type ibuprofène ou kétoprofène. Ils sont accessibles en pharmacie en vente libre mais peuvent être prescrits également. Ils peuvent être une molécule de premier recours quand on a un mal de tête d’intensité modérée à légère qui débute. Quand la première ligne thérapeutique ne suffit pas, on peut avoir une 2e proposition qui va être la famille des triptans. Ce sont des molécules antidouleur qui ont été développées vraiment pour la douleur migraineuse et qui sont un peu plus fortes, un peu plus efficaces. Sur prescription médicale par un médecin généraliste ou un neurologue, on peut subvenir à ça.

Attaquer la douleur à la racine

Quand on est sujet à la migraine, il faut attaquer la douleur tout de suite ?

Exactement; Ce qui est aussi important que la molécule en elle-même, c’est la façon dont on gère son traitement de crise. Et pour cela la prise précoce est primordiale. Il faut couper le mal à la racine, ne pas laisser la douleur s’installer parce qu’après on ne rattrape plus le train une fois qu’il est en marche. On n’arrive plus à endiguer une douleur une fois qu’elle est installée depuis plusieurs heures voire plusieurs jours.

Donc il faut prendre un traitement dès qu’on a mal et être agressif sur sa douleur. Et finalement insister et reprendre des traitements si la douleur ne disparaît pas, pour ne pas se retrouver dans une situation où on prend tous les jours quelque chose de partiellement efficace pour essayer d’endiguer une douleur avec quelque chose de peu efficace.

Un traitement permanent si + de 7 jours de migraine par mois

Existe-t-il des traitements préventifs si je suis migraineux, que ça revient souvent ? Est-ce que je peux prendre des choses qui vont éviter que ces migraines surviennent ?

Tout à fait. On peut dire qu’à partir de 7 jours dans le mois de migraines ou 2 jours par semaine, on rentre dans une fréquence de migraines qui commencent à être particulièrement invalidantes et où on peut justifier d’un traitement de fond. C’est un traitement qu’on va prendre tous les jours qu’on ait mal à la tête ou pas, dans l’idée d’avoir effectivement moins souvent mal à la tête et moins fort surtout. C’est là où la consultation spécialisée auprès d’un neurologue devient nécessaire pour choisir le traitement le plus adapté à chaque personne.

Est-ce qu’on peut se débarrasser de la migraine ? Est-ce qu’on peut en guérir ?

Comme je vous ai dit, malheureusement, non. C’est une vulnérabilité avec laquelle on naît et que l’on garde toute sa vie. Mais avec des fluctuations en fonction des périodes de la vie. Alors notamment chez les femmes qui sont particulièrement touchées, il peut y avoir des fluctuations aux grands moments de la vie des femmes, lors des grossesses, lors de la ménopause notamment. Ce sont des périodes assez clés pour les migraines et pour les patientes. Il est rare qu’on s’en débarrasse complètement.

Du bon sens, pas d’excès

Vous le disiez, il existe des consultations spécialisées pour prendre en charge la migraine. Mais elles restent parfois difficiles d’accès. Il n’est pas toujours facile d’avoir un rendez-vous avec un neurologue. Est-ce que mon médecin généraliste peut me donner un traitement adapté à mon cas particulier si je suis très migraineux ?

Complètement ! En ce qui concerne le traitement de crise, ils peuvent tout à fait prescrire des anti-inflammatoires et des triptans. Et même pour certains traitements de fond, quand on est un patient qui n’a pas de gros antécédents ou dans un cas finalement assez simple, le choix peut tout à fait être initié par le médecin généraliste, le temps ensuite de voir le neurologue pour préciser les choses.

Si je suis migraineux, il vaut mieux avoir une vie bien réglée, sans excès…

Souvent les patients le font d’eux-mêmes. C’est-à-dire qu’ils apprennent à se connaître et ils évitent d’eux-mêmes les choses qui peuvent être des facteurs déclenchants. Après, malheureusement, dans la vie il y a beaucoup de choses qu’on ne contrôle pas et il restera des facteurs déclenchant qui peuvent arriver même si on s’astreint à une certaine rigueur dans son quotidien. Je dirais qu’il faut faire preuve de bon sens, éviter les excès, s’autoriser des moments de plaisir tout en ayant à l’idée que, effectivement, la migraine peut arriver et avoir les armes sur soi, les traitements de crise, pour répondre immédiatement.

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