Cancer de la prostate : on manque d’infos !

Salle comble une nouvelle fois pour la tournée de conférences de MProvence sur la sensibilisation au cancer de la prostate. Le public réuni à l'Institut du cancer Sainte Catherine d'Avignon était avide d'informations. Il est reparti avec des conseils fort utiles que l'on vous partage.

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Un inquiétant constat se profile en cette fin novembre, mois dédié à la prévention des cancers masculins. Ce constat a encore été pointé ce mercredi à l’occasion de la conférence organisée par notre média à l’Institut Sainte Catherine d’Avignon : c’est un manque d’informations sur la prévention notamment du cancer de la prostate. Selon les témoignages, pas mal de médecins généralistes oublient d’évoquer avec leurs patients le diagnostic précoce pourtant recommandé à partir de 50 ans et au moins jusqu’à 75 ans.

Conférence Mprovence La Prostate Parlons-en
Conférence Mprovence La Prostate Parlons-en

Et même après 75 ans !

Il existe pourtant des journées de formation proposées, comme le rappelle le docteur Julien Le Nobin, urologue à la clinique Rhône Durance d’Avignon. Qui invite en retour les auditeurs à solliciter leur médecin traitant. Le docteur Medhi Blah, urologue à la clinique Synergia de Carpentras, insiste : « Le diagnostic précoce, c’est pour les hommes ayant une espérance de vie d’au moins 10 ans, donc même au-delà de 75 ans pour certains. Cela passe par le dosage du taux de PSA total dans le sang et par un toucher rectal« .

Dr Mehdi BLAH, urologue, Clinique Synergia, Carpentras
Dr Mehdi BLAH, urologue, Clinique Synergia, Carpentras

Si le médecin traitant est réticent à vous mettre un doigt dans l’anus afin de palper votre prostate qui affleure à cet endroit – il s’agit de repérer si elle présente une forme anormale et dure, signe d’une possible tumeur cancéreuse – on peut prendre rendez-vous avec un urologue. Il faut un certain savoir faire pour réaliser un toucher rectal qui ne dure cependant que quelques secondes.

« On préconise cet examen et la mesure du PSA tous les 2 à 4 ans en l’absence d’anomalie à la première consultation, soit un PSA inférieur à 3 nanogrammes/litre et un toucher normal, précise le Dr Blah. Sinon, c’est tous les ans et il faut voir un urologue. Mais ne faites pas un PSA tous les trois mois, ça ne sert à rien ! »

Gare aux antécédents familiaux

Ces recommandations ne valent pas si vous avez des antécédents familiaux. « Si vous avez 3 cas de cancers de prostate, du sein ou de l’utérus parmi vos apparentés du 1er ou du 2e degré (frères, soeurs, parents, oncles, tantes, grands-parents, neveux…) ou 2 cas avant 50 ans, il faut absolument voir un spécialiste« , souligne le Dr Blah.

Dr Le Nobin : « En cas de PSA douteux et de toucher rectal qui nous inquiète, le patient passe une IRM qui est l’examen d’imagerie optimal pour une analyse fine du tissu prostatique. C’est beaucoup mieux que le scanner, et l’échographie ne sert à rien. » L’IRM déterminera si la biopsie est nécessaire, elle va également fournir des indications sur l’importance d’une tumeur.

 Dr Julien LE NOBIN, urologue, Clinique Rhône Durance, Avignon
Dr Julien LE NOBIN, urologue, Clinique Rhône Durance, Avignon

Un cancer qu’on surveille sans intervenir…

Le pire n’est toutefois jamais sûr même en cas de présence d’un cancer ! C’est ce qu’a indiqué le docteur Alessandro Di Rosa, urologue cancérologue à la clinique Rhône Durance. Il a présenté la surveillance active, un traitement de plus en plus appliqué et qui retarde voire même évite carrément la chirurgie et la radiothérapie. » C’est le traitement de référence du cancer de faible risque, soit près de la moitié des cancers détectés (NDLR : 60 000 nouveaux cas par an en France). »

Dr Alessandro DI ROSA, urologue cancérologue, Clinique Rhône Durance, Avignon
Dr Alessandro DI ROSA, urologue cancérologue, Clinique Rhône Durance, Avignon

Dans ce cas, il n’y a pas de traitement curatif tant que le cancer reste indolent, qu’il n’évolue pas. Ainsi le patient ne subit pas les importants effets secondaires urinaires et sexuels des traitements (lire en détail plus loin). « La surveillance active suppose un dosage du PSA tous les 3 à 6 mois (il doit rester en dessous de 10) puis une IRM de contrôle à 12 mois et une biopsie entre 12 à 18 mois, note le Dr Di Rosa. Si l’IRM montre une lésion qui évolue, plus évidente, si le PSA monte, on passe en traitement actif à but curatif pour soigner et guérir le cancer si possible. »

50% de ces patients n’ont pas de traitement 5 à 10 ans après

« La surveillance active permet de préserver la qualité de vie tout en offrant la même survie à long terme qu’avec un traitement curatif. 50% des patients inclus dans ce protocole de surveillance le sont toujours 5 à 10 ans plus tard. Environ 30% doivent être soignés car leur cancer a évolué et 10% à 15% demandent à avoir un traitement car ils sont trop anxieux de vivre avec un petit cancer, même s’il ne bouge pas et ne présente pas de risque. »

Ah, les troubles sexuels et urinaires tant redoutés ! Un silence religieux plane sur l’assistance de l’Institut Sainte Catherine pendant que le docteur Edouard Fortier, urologue à la clinique Rhône Durance, et Flora Ancelin, infirmière et sexologue, se lancent en binôme parfaitement rôdé sur le sujet. « 100% des patients auront des conséquences sur leurs érections et leur sexualité, au moins temporairement, prévient le médecin. Quand nous en discutons avec les futurs opérés, c’est le premier domaine de la qualité de vie qui intéresse les patients. Pour 60% la sexualité est importante. Mais 40% reconnaissent qu’ils avaient déjà des difficultés érectiles avant la maladie. »

Mme Flora ANCELIN, sexologue
Mme Flora ANCELIN, sexologue

Avoir une érection satisfaisante

Après la chirurgie, la dysfonction érectile est observée pendant 6 à 12 mois. Puis ça peut revenir doucement, souligne Mme Ancelin. « Si les nerfs érectiles qui bordent la prostate sont sectionnés durant l’intervention – parce qu’ils sont aussi touchés par le cancer ou qu’il n’est pas possible de les préserver – « il faudra prendre un traitement pour avoir une érection satisfaisante. » Après une radiothérapie, le délai de récupération est très long, 2 à 3 ans.

« Après chirurgie avec préservation d’un ou des deux nerfs érecteurs, 40% des patients récupèrent une fonction érectile normale, 40% doivent être aidés par un médicament (la pilule bleue) et 20% ont une dysfonction érectile, résume le Dr Fortier. Après radiothérapie c’est 50% de récupération à plus long terme et seulement 30% suite à une hormonothérapie » (qui est souvent couplée à la radiothérapie d’ailleurs).

Dr Edouard FORTIER, urologue, Clinique Rhône Durance, Avignon
Dr Edouard FORTIER, urologue, Clinique Rhône Durance, Avignon

Ne prenez pas cela à la légère…

Il ne faut pas prendre cette question à la légère. D’abord parce que la sexualité peut être vitale dans un couple. « Il y a une fausse croyance qui dit que le cancer provoque souvent la séparation, c’est faux. Il est un accélérateur de séparation mais il y avait déjà des difficultés avant« , explique la sexologue. Qui met en garde contre un autre effet pervers : « Si le patient a déjà eu des pannes sexuelles s’instaure un cercle vicieux qui peut empêcher l’efficacité des traitements comme le Viagra. »

Cette perte de confiance, il faut donc en parler avec un soignant. C’est même fondamental si les érections ne sont plus spontanées pour une raison complètement ignorée des patients : la vascularisation de la verge ne se fait plus, puisque c’est l’afflux de sang qui déclenche l’érection. Et dans ce cas, les tissus s’atrophient et se nécrosent, la verge rétrécit définitivement.

La piqûre ou la pompe : ne lâchez rien !

Il existe diverses solutions et notamment les piqûres intra-caverneuses, indolores, que le patient s’auto-administre avant un rapport sexuel et… même sans rapport. Et ceci deux fois par semaine. Il faut entretenir son membre, Messieurs, que vous soyez en couple ou célibataires ! On peut aussi utiliser une sorte de pompe à vide, un vacuum. Tout ceci, l’urologue ou le sexologue en expliquent la manipulation.

Et les fuites urinaires post-traitement ? Là aussi, c’est une crainte des patients. Vais-je devoir porter des protections ? Sans doute oui, dans les premières semaines au moins. « Le risque est de 5% à 7% après chirurgie et de 1% à 2% après radiothérapie, constate le Dr Le Nobin. On propose de la rééducation périnéale, et en cas d’échec un traitement chirurgical. On peut aussi faire de la neurostimulation tibiale postérieure avec un petit boîtier sur la jambe, ça marche très bien. »

Les rayons ciblent l’ADN des cellules cancéreuses

Ce qu’ont voulu expliquer les médecins vauclusiens, c’est qu’il existe une panoplie de solutions pour traiter les effets secondaires aux traitements du cancer.

Les traitements justement, c’est l’affaire également des oncologues radiothérapeutes comme la docteur Nathalie Rouard qui exerce à Sainte-Catherine. « On utilise des rayons X de forte énergie dirigés vers la zone à traiter afin de cibler l’ADN des cellules cancéreuses. On abîme cet ADN, on crée des erreurs pour qu’elles meurent et arrêtent de proliférer. » Les rayons s’adressent à des patients présentant des tumeurs localisées à la prostate ou avec quelques métastases à proximité ou plus loin, mais en nombre limité.

« Le traitement comporte entre 20 et 40 séances de 10 à 15 minutes chacune tous les jours. C’est plutôt bien toléré, avec peu d’effets secondaires« , estime la Dr Rouard. « On a ici à Avignon la radiothérapie adaptative couplée à l’intelligence artificielle, qui permet de s’adapter aux conditions anatomiques du jour et ainsi d’être plus efficaces sur la tumeur. »

Dr Nathalie ROUARD et Dr Lysian CARTIER, oncologues radiothérapeutes, Institut Sainte-Catherine, Avignon
Dr Nathalie ROUARD et Dr Lysian CARTIER, oncologues radiothérapeutes, Institut Sainte-Catherine, Avignon

5 000 cas de cancer métastatique

En cas de cancer métastatique d’emblée, le patient est dirigé vers l’oncologue. « Ce sont 10% des nouveaux cancers en France, soit environ 5 000 par an« , note le docteur Ludovic Bastide du Centre hospitalier d’Avignon. « Nous développons en permanence des milliards de cellules cancéreuses que le système immunitaire détruit. Quand ce n’est plus le cas, le cancer survient et les cellules se disséminent vers les autres organes via notre système artériel et veineux, notre système ganglionnaire et nos nerfs. Et cela donne à terme des métastases (issues de la tumeur primitive située dans la prostate), qui se fixent souvent sur les os et les ganglions. »

Dr Ludovic BASTIDE, oncologue, Centre hospitalier d’Avignon
Dr Ludovic BASTIDE, oncologue, Centre hospitalier d’Avignon

« Ce cancer métastatique n’est pas guérissable. Mais on peut vivre avec pendant des années et des années grâce à un arsenal thérapeutique élargi qui ne cesse de s’améliorer et des soins de support! assure le Dr Bastide. Il rappelle que l’âge médian de survenue de ce cancer est 69 ans, avec un âge du décès vers 83-84 ans. Nous vivons des changements majeurs dans la prise en charge du cancer de la prostate, les patients vivent de plus en plus longtemps. »

Bouger c’est combattre le cancer

Les soins de support enfin ! C’est le Dr Lysian Cartier, oncologue radiothérapeute à l’Institut Sainte-Catherine qui les a présentés. « Souvent on est fatigué quand on affronte un cancer et après un traitement, on n’a pas envie de bouger. Or l’activité physique est fondamentale. On a une meilleure oxygénation des tissus qui permet une meilleure efficacité des traitements. Il est recommandé 2 à 3 heures d’activité par semaine. » Comment y parvenir ?

Dr Lysian CARTIER, oncologues radiothérapeutes, Institut Sainte-Catherine, Avignon
Dr Lysian CARTIER, oncologues radiothérapeutes, Institut Sainte-Catherine, Avignon

Simple, selon le médecin : il suffit de marcher 30 mn par jour à un bon rythme, c’est-à-dire en étant essoufflé si on doit parler en marchant. « Vous allez ainsi conserver votre masse musculaire sur le long terme et ça c’est très important. » Surtout qu’en vieillissant on perd naturellement du muscle.

Et la nutrition ? Essentielle évidemment. Il s’agit de manger de façon équilibrée, et de fuir les régimes selon le Dr Cartier. « Il faut également envisager un soutien psychologique pour affronter toutes les étapes de la maladie. »

 

 

 

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