Pourquoi l’aéroport Marseille Provence y croit …

Economie

… à son déploiement taille XXL. La croissance est là. Les rapports de force évoluent au sein des aéroports. Les aéroports régionaux ont quelques raisons d’espérer … pour faire sauter les derniers verrous qui les bloquent dans leur développement à l’international. Enquête au long cours sur les enjeux.
 
Ciel. Que le secteur aéroportuaire est chargé en turbulences. Avec autant de facteurs d’incertitudes mais aussi d’accroissement, de risques, de coups à prendre, de virages à opérer pour les gestionnaires et exploitants … Là sera peut-être le prix à payer pour … l’émancipation des grands aéroports régionaux. L’heure du « Grand Soir » va-t-il sonner pour les plateformes de province que le centralisme (très français et très jacobin) a bridé dans leur développement et condamné à n’exister qu’à la marge des puissants Aéroports de Paris ? Une revanche pour ces infrastructures élevées au statut de sociétés dans le cadre de la réforme aéroportuaire engagée en 2004-2005*, et qui espèrent aujourd’hui que l’ouverture programmée du capital à des opérateurs privés leur donne des ailes pour envisager le monde dans sa globalité (si possible en liaison directe) ?
Faut-il le rappeler dans ce pays sillonné de lignes ferroviaires à grande vitesse et où la centralisation des systèmes de transport n’est pas une figure de style, la connectivité mondiale à partir de la France ne s’appréhende que par Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly, têtes de pont du trafic intérieur français pour l’accès aux lignes intercontinentales. Une situation héritée de la stratégie d’Air France, qui « en concentrant son activité internationale moyen et long-courrier sur Paris,  a condamné d’emblée toute initiative des aéroports régionaux pour ouvrir des liaisons aériennes long-courriers, en en faisant des foyers d’alimentation du hub d’Air France à Roissy-CDG » rappelle régulièrement l’UAF, dont les 137 membres exploitent près de 155 aéroports en France métropolitaine et Outre-mer, soit la totalité du trafic commercial français.
Et l’on imagine que cette position de force sera encore renforcée quand les développements envisagés dans le cadre du Grand Paris rendront les gares de Saint-Lazare et de l’Est ainsi que la ligne LGV sud encore mieux connectées aux aéroports parisiens … pour le plus grand bénéfice des habitants des espaces régionaux desservis par ces lignes !

 
Les lignes intercontinentales sur les doigts d’une seule main
Certes, toutes les études attestent d’une « bonne connectivité aérienne des territoires français » (dans la mesure où la plupart seraient à moins de deux heures d’un aéroport connecté à un hub intercontinental). Vu ainsi, les aéroports régionaux de Lyon, Marseille, Nice et Bâle-Mulhouse, par exemple, apparaissent bien connectés à 7-8 hubs intercontinentaux tandis que Bordeaux ou Nantes accèdent à 4-5 hubs.
Ce faisant, les lignes intercontinentales au départ des aéroports de province se comptent donc sur les doigts d’une main (au niveau mondial, les flux long-courrier concernent également un nombre réduit de grands aéroports : 6 aéroports mondiaux peuvent se targuer d’offrir 80 destinations longue distance tandis que 319 n’en ont pas 5 à afficher).
La desserte internationale du continent nord-américain (10,2 % de l’offre mondiale en sièges au départ de la France) est emblématique de cette situation. Á partir de la province, la seule ville de France à bénéficier d’un vol direct quotidien pour New-York est Nice, opéré par Delta en partage de code (des vols vendus et opérés par l’une ou l’autre compagnie) avec Air France.
Lyon, ville à seulement 2 h en TGV du hub de Roissy – CDG, a profité un bref moment (du 17 juillet 2008 au 4 novembre 2009) d’un vol direct pour New York cinq fois par semaine, également en partage de code avec Air France.
Marseille avait obtenu un temps, en 2013, l’ouverture d’une ligne directe mais saisonnière sur New York, opérée par la compagnie long-courrier à bas prix XL Airways, qui a dû la suspendre (en 2015) pour des raisons qui ne relèveraient pas d’un déficit d’exploitation (XL Airways était alors en quête de nouveaux partenaires pour renforcer son capital). La ligne avait, selon ses promoteurs, trouvé son équilibre avec 11 000 passagers sur les 13 709 sièges mis sur le marché.
 

Performances de leur trafic à l’international

Galvanisées par les performances de leur trafic international** (dans la hotlist des médias, le titre « pulvériser des records » détiendrait sans doute « le record » de la reprise en boucle pour décrire les résultats des aéroports régionaux sur ce segment), rares sont les plateformes métropolitaines de province qui ne désirent pas passer à une vitesse mach supérieure sur les lointaines destinations.
Rares sont celles qui ne croient pas fermement au potentiel physique de leur infrastructure pour jouer dans la grande catégorie. C’est particulièrement vrai pour les 6 ou 7 aéroports régionaux qui comptent dans l’Hexagone. D’autant que « redit avec force » Jean-Paul Ourliac, le président du Conseil de surveillance de l’aéroport Marseille-Provence : « Un aéroport attractif, qui attire les compagnies étrangères est aussi un outil qui facilite la prospection à l’étranger des entreprises locales. Il lui faut être compétitif pour accompagner l’économie régionale ». Comprendre : un aéroport est solidaire et pas solitaire dans son développement. De sa connectivité*** aérienne dépend le développement économique de toute une région.
Coeur d’aérogare de Marseille Provence tel qu’il sera une fois reconfiguré par les équipes de Norman Foster

 
Danse planétaire
Manifestement, l’aéroport Marseille Provence entend entrer dans cette danse planétaire. Cela fait en tout cas partie des orientations stratégiques de la société aéroportuaire édictées dans son projet Cap 2025, qui, s’appuyant sur des marges de manœuvre financières saines, peut envisager « une des plus importantes périodes d’investissement de son histoire » avec 205 M€ engagés dans l’expansion de ses installations « de façon à fournir les capacité et la qualité de service requises par les divers modèles commerciaux des transporteurs aériens et atteindre son objectif de 13 millions de passagers à horizon 2030 », justifie Jean-Paul Ourliac, en ouverture de la conférence de presse annuelle de Marseille Provence Aéroport.
Le monde ne va pas toujours mais l’aéroport va bien
L’aéroport va bien (tous les aéroports dits métropolitains dépassent allégrement la croissance moyenne de long terme fixée à 3,5 %). Son trafic a encore gagné 530 000 passagers cette année et il ne lui manque plus que 997 914 voyageurs pour comptabiliser les 10 millions (en province, rares sont les élus, seul Nice a franchi le rubicond).
Ouvertures de lignes, augmentations des capacités de 11 compagnies, création d’une base par la low cost espagnole Volotea (en avril 2018), performance des vols vers l’étranger (+ 9 %), confirmation du low cost (+ 12,8 %). La part internationale représente désormais 60 % du trafic, dont 20 % pour les vols hors Europe. Les vols long-courriers vers Montréal ont enregistré à eux seuls une envolée de 80 % (effet Air Transat et Air Canada Rouge, qui s’est positionné plus récemment).
Au total, Marseille Provence gagne 21 nouvelles routes, portant sa connectivité aérienne à 160 lignes directes (soit 107 destinations dans 27 pays).
Philippe Bernand, président du directoire AMP ©AMP

La société aéroportuaire est saine
Son chiffre d’affaires de 139 M€ est en croissance de 5 %. Indicateur financier fondamental pour apprécier l’efficacité de son cycle d’exploitation, son excédent brut d’exploitation est de 42 M€ (soit rapporté au chiffre d’affaires, un ratio supérieur à plus de 30 % reconnu dans le secteur comme le signe de bonne gestion). Mieux, l’entreprise réalise 45 % de son chiffre d’affaires avec l’extra-aéronautique (recettes tirées des boutiques, restaurants, parkings …), ce qui « met en lumière que les redevances aéronautiques (frais payés pour l’utilisation de l’infrastructure, ndlr) ne pèsent que 25 % dans total », appuie Philippe Bernard, qui dirigeait les Aéroports de Lyon depuis 2007 et qui a été nommé président de directoire à Marseille le 20 décembre dernier.
Le successeur de Pierre Régis, parti à la retraite après avoir incarné la plateforme phocéenne pendant 28 ans, fait bien d’insister sur cet autre indicateur-clef de l’équilibre financier d’une société aéroportuaire. Car c’est cette ressource qui permet de dégager des marges de profit plus élevées et, ce faisant, de modérer le niveau des redevances aéroportuaires, un fabuleux instrument de compétitivité « pour inviter les compagnies aériennes à opérer chez nous », achève Philippe Bernand.
Il sera à cet égard sans doute difficile de faire beaucoup mieux car en développant les transports en commun comme s’y est sérieusement engagé l’aéroport (objectif de 2,8 millions de passagers en transports en commun en 2025, soit un doublement de la part modale, il risque d’affaiblir ses recettes extra-aéronautiques, pour grande partie abondée par les parkings. Conflit d’intérêt en vue …
La gare routière de l’aéroport a été inauguré en fin d’année dernière ©AMP

700 000 passagers long-courriers
Quoi qu’il en soit, cet ensemble « en forte progression et très satisfaisant » est « tout à fait appréciable pour atteindre nos objectifs et relever quelques défis », dira Jean-Paul Ourliac. « Développer la desserte aérienne et l’attractivité du territoire en renforçant les liaisons vers l’Europe et les grands hubs internationaux », peut-on lire dans la feuille de route 2025 validée début 2017 par l’ensemble des actionnaires réunis au sein du conseil de surveillance (État, Région, CCI, Département, Métropole), lequel s’assigne l’objectif de capter les 700 000 passagers long-courriers et de rendre 15 grandes métropoles accessibles en vol direct à partir de Marseille Provence.
Les dessertes internationales directes long-courrier, au départ de Marseille, se limitent à l’heure actuelle à 9 lignes, vers les Antilles (premier vol direct opéré en janvier), Montréal, La Réunion, le Sénégal, Israël, le Liban et, atypique, Séoul, dont les vols charters vont doubler cette année. Un trafic totalement asymétrique (en seul sens) mais « c’est un joli coup, reconnaît fair-play l’ex-directeur de Lyon Saint-Exupéry, qui avait suivi cela de Lyon : ce qui est intéressant dans l’existence de ces vols, c’est ce que cela dit de la capacité de Marseille d’aller capter du potentiel touristique à travers l’aérien : Marseille a été identifiée comme point d’entrée pour effectuer plusieurs circuits qui rayonnent de Chamonix à Nice ».
« 9 % de croissance pour le segment international versus 2,4 % sur le national. C’est très clairement l’international qui se développe. C’est un point très positif pour Marseille car il y a aujourd’hui une corrélation entre l’attractivité des grandes métropoles et leur ouverture sur le monde par les voies aériennes », affine Philippe Bernand.

25 M€ générés par la seule desserte vers le Canada
« C’est sur le long-courrier que nous avons enregistré les plus fortes croissances : de 25 % entre 2016 et 2017 avec un résultat exceptionnel sur le Canada : 80 % de passagers en plus », explique pour sa part Jullien Boullay, le directeur marketing et communication de AMP, qui table sur une progression similaire pour 2018.
Reflet du potentiel de la ligne, l’opérateur historique Air Transat, qui a renforcé sa desserte au départ de Marseille, a été rejoint en juin dernier par Air Canada Rouge, qui grâce à son hub de Montréal peut irriguer toute l’Amérique du Nord avec à la clé, des facilités de correspondance (horaires des vols et formalités de douanes et d’immigration pour les États-Unis facilitées à l’aéroport de Montréal) vers les grandes villes américaines.
L’affaire est loin d’être neutre. Marseille, une des six villes de province « titulaires » d’une desserte du Canada, a ainsi capté deux des trois compagnies canadiennes à opérer en France.
Et selon les calculs des services marketing de l’aéroport, « ce seul développement génère 10 000 touristes américains supplémentaires sur notre territoire ». Air Transat aurait ainsi injecté quelque 13 M€ dans le territoire (moyennant 970 € par personne), ce qui permet d’estimer, avec l’arrivée d’Air Canada à Marseille en 2017, que la clientèle en provenance du Canada dépenserait environ 25 M€ chaque année sur le territoire.
Champs de bataille nombreux
Une chose est certaine. En moins de 20 ans, la révolution aéroportuaire de 2004-2005 et la libéralisation du transport aérien ont fait leur œuvre : les aéroports, simples infrastructures gérées par l’État et les CCI, sont devenus des entreprises à part entière qui se battent selon une logique entrepreneuriale. Avec ce que cela suppose de ruses pour avoir droit à un bout de ciel. Le transport low-cost a fini le travail en faisant entrer les aéroports dans l’ère de la concurrence régionale, nationale et européenne.
Dans ce secteur à forte intensité capitalistique et à coûts fixe, où il s’agit parfois de jouer les démineurs tant le monde va ou ne va pas (la moindre fluctuation de trafic sanctionne la rentabilité), la compétition est montée de plusieurs crans … pour capter les flux en correspondance intercontinentale, rafler les ouvertures de routes long-courrier, saisir les nouvelles routes, gagner de nouvelles fréquences pour les flux intracontinentaux (cf. étude Oxera pour Airports Council International Europe sur la généralisation de la concurrence à tous types d’aéroports).
Une nouvelle ligne de démarcation vient d’être violée
Une nouvelle ligne de démarcation vient d’être violée. Chasse gardée des transporteurs aériens historiques et apanage des grands hubs, les liaisons de longue distance s’envisagent désormais en low cost. De 33 routes en 2015, le low-cost long-courrier représentait déjà en 2017 près de 90 routes au départ de l’Europe (selon l’UAF).
Certains aéroports dits secondaires voient donc dans l’ouverture de ce nouveau marché une nouvelle raison d’espérer … pour faire sauter les lignes Maginot qui les bloquent aujourd’hui.
Nouvel espoir car ils n’en sont pas à leur première tentative de détournement pour s’affranchir entre autres de la stratégie Air France.
Lors d’un des aménagements qui ont jalonné l’histoire du terminal low cost à Marseille. ©DR

 
Stratégie de contournement
La première fut l’« OPA » mené avec succès sur l’intra-européen et l’Afrique du Nord avec le concours des transporteurs low cost, Easyjet, Ryanair et Transavia comptant parmi les principaux « accélérateurs » dans l’émancipation des aéroports de province qui le leur rendent bien en leur permettant des tarifs attractifs grâce à leurs redevances plus faibles et slots disponibles.
Ils ont aussi défié la major historique Air France (et par ricochet l’exploitant de son hub, le groupe ADP) en militant pour le desserrement des droits de trafic des transporteurs aériens du Golfe. Ces droits (nombre de vols, villes desservies, compagnies autorisées à le faire) sont extrêmement réglementés à l’égard des compagnies asiatiques et moyen-orientales. Et si la Commission européenne a reçu mandat des États-membres, dont la France, d’ouvrir des négociations pour une grande ouverture, la phase de négociation va prendre quelques années.
Dans cette ambition, les plateformes métropolitaines ont croisé l’intérêt d’Emirates (basée à Dubaï), Qatar Airways (à Doha) ou encore Etihad (à Abu Dhabi), qui cherchent à se déployer depuis quelques années dans les villes secondaires de leurs pays-cibles en Europe, depuis et vers des aéroports de second rang (en témoigne le Lyon-Dubaï-Sydney avec Emirates versus le Lyon-Francfort-Singapour-Sydney avec Lufthansa/Singapore Airlines).
« Notre plus grand obstacle à nous, plateformes de province, c’est le centralisme parisien », n’hésite pas Philippe Bernand. Bien que nous ayons le potentiel de trafic, il n’est pas évident pour des compagnies étrangères de prendre le risque d’ouvrir des lignes transatlantiques au départ de la province face à des politiques agressives de dumping qui se font sur de grands hubs. A fortiori sur le segment New York où Air France assurent 8 vols quotidiens et où les compagnies se livrent une guerre tarifaire (5 Françaises et 3 américaines se partagent le marché. Air France assure 46 % de l’offre française, ndlr). Mais lorsque des compagnies font le pari de développer ces routes au départ d’un aéroport de Province, comme Air Transat, il y a de belles réussites à la clé ». Sous sa direction à Lyon, l’aéroport a notamment enregistré l’arrivée d’Emirates, notamment, d’Air Canada et d’Aéroflot vers Moscou.
 

 
Lufthansa opère indifféremment au départ de Francfort, Munich ou Düsseldorf
Le diplômé de Polytech et ingénieur des Ponts et Chaussées rappelle « juste » qu’en la matière, la stratégie de l’Allemagne fut bien différente : « Le transporteur historique Lufthansa opère indifféremment au départ des aéroports de Francfort, Munich, de Düsseldorf… ceci expliquant qu’ils ont tous un trafic de 25 millions de passagers ».
Et pour celui qui a conduit le développement de projets de concessions-privatisations d’aéroports à l’international, le centralisme parisien n’est pas qu’une histoire de tradition jacobine mais aussi de bassin économique. « Quand vous aurez des sièges sociaux et l’emploi qui se déplaceront en Province, on aura nécessairement une modification du cours des choses. Les aéroports sont tributaires du trafic lié à la puissance économique de la région et à la capacité d’accueil des touristes ».
Processus long et exigeant
Pour un aéroport, convaincre une compagnie aérienne de mettre en place un nouveau service aérien est un processus de négociation long et exigeant. L’aéroport ne vend pas seulement « un potentiel de trafic » mais un territoire et/ou une destination (points d’intérêt touristique). La compagnie considère certes le coût global de touchée (poids des taxes + niveau des redevances aéroportuaires + coûts des prestations d’assistance en escale), qui ont fortement augmenté ces dernières années en France, mais aussi d’autres éléments comme l’attractivité de la desserte, la zone de chalandise, la démographie, l’accessibilité de la plateforme, le poids du secteur économique, le nombre d’entreprises, le type de connectivité internationale dont elles ont besoin …
Et si les compagnies sont particulièrement sensibles à l’importance du bassin économique, ce n’est pas exclusivement pour embarquer des hommes d’affaires.
« Quand on évoque auprès d’Emirates le développement incroyable des croisières et la présence à Marseille des leaders européens du secteur, Costa et MSC Croisières, ils sont tout ouïs car ils y voient un gros potentiel aérien », note Julien Boullay. Et ce, d’autant que les armateurs sont en train de démarcher commercialement les marchés asiatiques. Inutile de rappeler la localisation géographique avantageuse de Dubaï entre l’Europe et l’Asie.
D’ailleurs, dans le rapport sur « une stratégie pour le développement des croisières», commandé par l’ex-ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius auprès de Jacques Maillot et Alain Vidalies, « l’accompagnement des aéroports français, concernés par la croisière, pour obtenir des dessertes », faisait clairement partie des propositions. On pouvait aussi y lire « qu’un appui politique apparait nécessaire pour mener à bien certaines négociations comme à Marseille, qui a d’ores et déjà réalisé des investissements d’accueil portuaires importants lui permettant une croissance immédiate, son principal défi demeurant l’accessibilité, notamment aérienne ».
Lors du lancement par Norwegian des vols low cost long-courriers de Barcelone vers les Etats-Unis ©DR

Le transcontinental, nouvel horizon pas si indépassable que cela ?
Pour l’heure, la direction de la plateforme phocéenne se dit extrêmement confiante. Car le modèle économique à longue distance, dépendant aujourd’hui du coût siège au km (moins cher en A380 qu’en A320, favorisant donc les transports de masse) est en train de changer « à vitesse grand V » avec l’arrivée prochaine sur le marché d’une nouvelle génération d’appareils « qui va accélérer le nombre de lignes long courrier transatlantiques et favoriser les aéroports régionaux », suppose Julien Boullay.
« Des appareils comme l’A321neo, avec une capacité de 200 à 220 passagers, sont configurations idéales pour desservir des aéroports de région et opérer davantage de fréquences pas semaine contrairement aux gros avions. Pas mal de compagnies low cost long-courrier en ont commandé comme Norwegian, XL Airways ou Air Transat ».
Le directeur marketing fait référence à la dynamique qui anime actuellement le low cost long-courrier, utilisant encore des avions long-courriers, mais « switchant » pour les dernières versions des B737 et A320, capables grâce à leurs nouveaux moteurs, d’atteindre la côte Est américaine ou l’Asie. Mais la grande affaire est surtout l’arrivée prochaine sur le marché des monocouloirs, tels les B737 MAX 8, A320neo ou encore A321LR, plus petits (donc plus faciles à remplir), moins coûteux à l’achat et au rayon d’action aussi long que les superjumbos. Le modèle devient attractif dans le sens où ils peuvent aussi bien servir à un vol transatlantique qu’à un vol intra-européen.
Dans ces conditions, des plateformes déjà bien desservies par des low cost en moyen-courrier (comme Bordeaux ou Marseille-Provence par exemple) pourraient très bien servir de têtes de pont à quelques ambitieuses compagnies désireuses de défricher le marché low cost à plus de 5 heures de vol. Surtout que les nouvelles compagnies low cost long-courriers disposent quasiment toutes d’une activité moyen-courrier, permettant de remplir les vols avec des passagers en correspondance, un élément clé pour assurer leur rentabilité.

Le grand sujet aérien de 2018
Il est dit que la concurrence entre compagnies low-cost long-courrier, surtout sur l’axe transatlantique, sera le grand sujet aérien de 2018. À n’en pas douter, la France est un marché en demande de low cost transatlantique. Incontestablement, des aéroports régionaux, « business friendly » pour les accueillir, ne sera pas un problème.
Au-delà de la viabilité de la longue distance opérée à bas coûts qui reste à prouver, il reste l’éternelle question : est-ce que l’Hexagone, compte tenu de toutes ses spécificités déjà évoquées peut être une priorité pour les jeunes loups du low-cost au long cours ? Sans doute pas avant à Barcelone, qui détient le record du nombre de vols à bas coût et qui se rêve en hub européen des vols long-courrier ou Düsseldorf, voire les aéroports secondaires qui enregistrent les meilleures performances : Berlin, Sofia, Cologne, Lisbonne, Dublin ou Manchester.
Marseille à moins de 300 euros de la Silicon Valley ?
En attendant de pouvoir renverser la table, pour assurer leur connectivité au monde, les aéroports se consoleront d’avoir la liberté du choix d’accès à un hub. « Roissy, desservi par Air France et les lignes TGV, est la porte naturelle. Mais de Marseille, on a aussi un accès au hub de Madrid, intéressant pour atteindre l’Amérique Latine, Lisbonne pour Brésil mais aussi Londres, Amsterdam, Francfort et désormais Zurich (Swiss vient de se positionner sur la plateforme, ndlr) », explique Jean-Paul Ourliac.
Pour ce connaisseur de la chose « aéroportuaire » capable de phaser les grandes étapes qui ont jalonné la construction des aérogares en France (sic), « les choses changeront quand on sera capable de démontrer économiquement que les routes sont viables ».
Pour le coup, le marché s’en charge visiblement. C’est la citation Lapalissade préférée des directions aéroportuaires : « ce sont les compagnies aériennes qui décident sur quels aéroports opérer et non l’inverse ».
 
— Adeline Descamps —
* La loi du 13 août 2004 a décentralisé la gestion de 150 aéroports locaux aux collectivités ou à leurs groupements. La loi du 20 avril 2005 a transformé Aéroports de Paris (ADP) en SA et permis aux aéroports régionaux (exclus de la décentralisation) d’être transférés à des sociétés aéroportuaires spécialement constituées. Processus achevé en 2014.
** Pour les aéroports qui ont publié : Bordeaux à 6,2 millions de passagers, dont 3 millions à l’international (+ 17 %), Toulouse avec 9,2 millions de passagers (+32,8 % à l’international), Montpellier qui gagne 20 % de passagers à l’international. Avec 101,5 millions de passagers, Aéroports de Paris affiche une croissance moindre de son trafic en général (4,5 %) et en particulier de l’international (6,2 %).
*** Les spécialistes estiment qu’un surcroît de 10 % de connectivité représente un gain de 0,5 % de PIB. La connectivité est le nombre total de vols directs offerts par un aéroport vers tous les autres aéroports.

 
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Privatisation : un non-sujet ? Pas d’actualité ?
Jean-Paul Ourliac, president conseil de surveillance AMP ©Almodovar

En marge de la conférence de presse annuelle, la question de la privatisation a inévitablement été posée. Ce à quoi a été répondu qu’elle était justifiée puisque la loi de 2005 qui a créé les sociétés aéroportuaires a prévu la possibilité d’une cession par l’Etat d’une partie de son capital. Mais qu’à l’heure actuelle, « le gouvernement n’a fixé aucun calendrier. Il n’y a pas de réflexion sur ce sujet aujourd’hui. Je rappelle que depuis la loi Macron 2, l’ouverture du capital des sociétés d’autoroute et les aéroports nécessite une loi particulière, ce qui ne figurait pas dans la loi 2005. Donc c’est une étape supplémentaire dans le parcours ».
En intégrant le travail préparatoire de la proposition de loi, l’examen respectif du projet de loi par les deux chambres, les amendements, le vote et l’adoption, les navettes entre les deux assemblées avant que le texte ne soit voté dans les mêmes termes, et enfin, la promulgation de la loi et sa publication au JO, puis la rédaction du cahier des charges avant le lancement de l’appel d’offres … « ceci pour dire que nous avons des signes avant-coureurs deux ans avant et qu’en l’occurrence cela ne semble pas un sujet d’actualité de ce que j’ai pu percevoir de la dernière communication de l’agence des participations de l’Etat », commente le président du conseil de surveillance de l’aéroport Jean-Paul Ourliac.
Pour autant, il comprend que les collectivités territoriales se mettent en ordre de bataille sur le sujet.
— A.D —
 
 

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