On doit malheureusement le répéter : le cancer du poumon se porte très bien en Provence Alpes Côte d’Azur. Au terme des conférences de sensibilisation organisées en ces mois d’avril et mai par MProvence et associant les plus grands experts, le constat est amer avec 3 500 nouveaux cas de cancer et 2 700 décès chaque année. Il faut dire que le nombre de fumeurs (1 adulte sur 3) et d’anciens fumeurs (1 sur 3 également) y est particulièrement élevé, la région PACA détenant le record français en la matière. Et le tabagisme est responsable de 80 à 85% de la maladie.

Un traitement garanti sous 45 jours
Mais ce n’est pas pour autant que les médecins baissent les bras. Ils développent même de nouvelles solutions comme on l’a encore vu à Aix-en-Provence ce mercredi soir. Pneumologue et cheffe du service des maladies respiratoires au Centre hospitalier du Pays d’Aix où se tenait la réunion publique, la Dr Stéphanie Martinez a rappelé 3 choses : 1- s’il demeure l’un des plus faibles parmi les grands cancers, le taux de survie à 5 ans a tout de même doublé en 25 ans pour atteindre 20% aujourd’hui. 2- Les hôpitaux, dont le sien, ont mis en place des filières rapides après le diagnostic. Le patient bénéficie d’une consultation dans les 7 jours et de la mise en route d’un traitement sous 45 jours, le temps de réaliser les multiples analyses permettant d’identifier le profil de son cancer. 3- On fait beaucoup de recherches actuellement et de nouveaux traitements plus efficaces sortent régulièrement.

Le miracle de l’immunothérapie
C’est notamment ce qu’a expliqué la Dr Marie Bernardi, pneumologue chargée de présenter les évolutions thérapeutiques. « Il y a 30 ans, on n’avait que la chimiothérapie, assez toxique et pas très efficace. L’immunothérapie a été l’avancée majeure de ces dix dernières années. Son but est de réactiver notre propre système immunitaire lorsqu’il s’est fait déborder par le cancer, pour aller combattre la maladie. C’est beaucoup mieux supporté que la chimiothérapie. »
Administré en perfusion toutes les 3 ou 4 semaines, le traitement peut cependant être associé à une chimiothérapie qui, elle, va aller détruire les cellules cancéreuses. « C’est cette association qui fait qu’on a doublé le nombre de patients encore en vie 5 ans après le début de la maladie, souligne la Dr Bernardi. On l’utilise également depuis peu sur des patients opérés. »

Mais le grand espoir, c’est le dépistage précoce
Les thérapies ciblées constituent une autre avancée notable. Toutefois, elles restent réservées à un nombre restreint de patients. Le vrai grand espoir pour cette pneumologue, c’est bien le dépistage précoce par scanner à faible irradiation (appelé « low dose ») pour lequel l’Etat s’apprête à lancer une étude jusqu’en 2030.
Baptisée « Impulsion », elle doit intégrer à partir de cet automne 20 000 participants et l’hôpital d’Aix a été retenu pour y participer. Impulsion s’adressera aux 50 à 74 ans, fumeurs et ex-fumeurs sevrés depuis moins de 15 ans avec une consommation tabagique cumulée d’au moins 1 paquet par jour pendant 20 ans. Ils seront appelés à réaliser un scanner thoracique à faible dose, à le renouveler un an plus tard puis tous les deux ans.
Un cancer qu’on peut opérer, c’est bon signe
Dans la réalité et sans attendre ce projet, les pneumologues et les médecins traitants informés prescrivent déjà cet examen. Dans (seulement) 1 à 3% des scanners ils détectent un cancer, souvent dans sa forme précoce, sous forme d’un nodule localisé au poumon. C’est-à-dire opérable. Le taux de survie à 5 ans bondit alors à 75%. Bien sûr, cela s’accompagne de l’arrêt du tabac (au passage les médecins rappellent que le tabac est impliqué dans 16 autres cancers et les maladies cardiovasculaires).
Il est en effet important de rappeler que le cancer du poumon est longtemps silencieux, sans symptômes particuliers. Quand ils surviennent – des crachats de sang par exemple -, la tumeur primitive a métastasé, la maladie n’est plus arrêtable. D’où l’intérêt majeur du dépistage chez les fumeurs qui vont très bien, comme chez ceux qui ont arrêté la clope…
1 cancer sur 2 chez les anciens fumeurs
« La moitié des cancers du poumon surviennent chez des anciens fumeurs« , note le Dr Nicolas Naggara, radiothérapeute à l’hôpital. « L’idée est de faire un dépistage de masse pour diminuer l’incidence de ce cancer. » 2 millions de Français seraient concernés.
Le médecin a rapporté une étude belgo-néerlandaise (Nelson) ayant inclus 8 000 fumeurs et anciens fumeurs surveillés par scanner à faible dose sur dix ans versus un groupe témoin qui n’a pas été dépisté. Le dépistage a permis de réduire nettement le taux de mortalité (-24% pour les hommes et -34% pour les femmes).

Un scanner garanti dans les 30 jours
« La dose totale d’irradiation est 3 à 4 fois inférieure à un scanner classique. Et l’intelligence artificielle nous permet une seconde lecture pour repérer d’éventuels nodules que n’aurait pas vus le radiologue. » Est-il aisé d’obtenir un rendez-vous rapide si mon médecin préconise cet examen ? L’hôpital aixois s’engage à proposer une date dans les 30 jours.
Ce mercredi, un ancien gros fumeur soigné d’un cancer du poumon a ému l’assistance par son récit et par ses remerciements envers les médecins. Marc Demauret a été opéré en 2021 à Marseille par le Dr Bouabdallah et quatre ans plus tard toutes les analyses sont au vert. Son cancer n’est plus là mais il tremble à chaque scanner de contrôle par crainte d’une récidive.

Un cancer qui se déclenche vers 66 ans
Aujourd’hui, ce cadre supérieur dans les assurances mène une guerre à la cigarette, milite à la Ligue contre le cancer à Aix et Marseille, et il a fondé avec son chirurgien l’association Le Souffle d’Après pour aider les patients en rémission à se relancer dans la vie. Ah oui, en prime il affiche une forme olympique puisqu’il court régulièrement le marathon !
Les femmes sont particulièrement concernées par la maladie. Elles sont de plus en plus nombreuses autour des 60 ans à déclencher un cancer du poumon (âge médian : 66 ans). Plus de 10 000 femmes en meurent chaque année dans notre pays. La Dr Joséphine Chenesseau, chirurgienne thoracique à l’Hôpital Privé de Provence, estime que le cancer du poumon va rapidement dépasser le nombre de victimes par cancer du sein, qui est le plus mortel.

La femme est plus sensible à la cigarette
« En 25 ans, la mortalité par cancer du sein a diminué de 38% grâce aux traitements et au dépistage organisé. Or nous n’avons pas encore de dépistage pour le poumon. » Selon elle, « la femme est plus sensible à la cigarette. On a constaté un taux de sevrage tabagique inférieur chez la femme ainsi qu’un nombre accru de rechutes après un arrêt du tabac. » Cela pourrait expliquer en partie cette recrudescence de malades chez les fumeuses, sans oublier que « à consommation égale, on a plus de cancers du poumon que chez l’homme« .
Il conviendrait par ailleurs d’inclure dans ce sombre tableau les décès liés au tabagisme passif, qu’ont subi ou que subissent encore plus souvent les femmes que les hommes. Au total, près de 15% des cancers du poumon sont provoqués par des causes différentes du tabagisme actif.
Méfiez-vous du radon sur la côte !
A lui seul, comme l’a souligné le Dr Olivier Aze, chirurgien thoracique au Centre hospitalier du Pays d’Aix, le radon serait responsable de 10% des cancers du poumon (52 000 nouveaux cas/an). Si l’on se fixe sur le seuil maximum de 100 Bécquerels par mètre cube recommandé par l’OMS, ce gaz naturel radioactif inodore est particulièrement présent dans certaines zones rocheuses de la région : le massif de la Sainte Baume et la zone côtière s’étendant de La Ciotat à Cannes.
« A Aix, on est à la moitié du seuil maximum« . Ouf ! Si l’on peut dire. Une règle de base consiste à bien aérer son habitation et à vérifier la circulation d’air dans les sous-sols et les vides sanitaires comme à contrôler l’étanchéité avec l’habitation et repérer les fissures par lesquelles ce gaz peut pénétrer. Chacun peut voir si sa commune est impactée et obtenir les informations nécessaires en se rendant sur le site gouvernemental irsn.fr. Avant d’envisager réaliser un dépistage de son habitation par l’installation de dosimètres radon dans les pièces de vie principales durant plusieurs semaines.

Aix saupoudrée de particules fines
Responsable de 4% des cancers broncho-pulmonaires, la pollution atmosphérique n’épargne pas l’agglomération aixoise ni marseillaise. En cause particulièrement ici, les particules fines émises par les moteur Diesel. Le Dr Aze résume : plus on vit près d’une autoroute avec une forte circulation, plus le risque augmente. Les politiques publiques incitatives voire coercitives peuvent modifier la donne – par exemple avec l’imposition de zones à faibles émissions. Il appartient enfin à chacun de moins utiliser son véhicule et d’adopter un mode de chauffage moins polluant.
On fume dans les bars
Rappelant que le non fumeur est exposé à un risque accru de 30% de développer un cancer du poumon, ce chirurgien en a remis une couche sur le tabagisme passif et dénoncé « ces bars où ça fume beaucoup à Aix-en-Provence, à tel point qu’on ne se voit même plus. » C’est pourtant interdit. Une remarque qui a interpellé l’adjointe au maire présente à la conférence, la Dr Marie-Pierre Sicard Desnuelle, qui estime qu’il faut renforcer les contrôles.
On a encore parlé du cannabis. Son usage démultiplie le risque de cancer du poumon, a insisté la Dr Caroline Giordanengo. Or quand on sait que 46% des adultes avouent avoir goûté au chichon et que 11% déclarent être des consommateurs réguliers (+ tous ceux qui ne le reconnaissent pas), ça fait du monde en danger !

La fumée de cannabis 4 fois plus toxique
« Un joint équivaut à fumer 2 ou 3 cigarettes, explique la pneumologue. La fumée est 4 fois plus toxique pour les poumons et l’effet irritant est bien plus important que la cigarette. La tendance à la mortalité par cancer du poumon est plus élevée chez les fumeurs de cannabis. Nous voyons de plus en plus de sujets jeunes dans nos consultations et nous devrions explicitement leur demander s’ils fument du cannabis en plus du tabac. »
Comme pour la cigarette, même fumer un joint de temps en temps est potentiellement délétère. Plus que fumer beaucoup quelques années avant de s’arrêter, c’est fumer sur la durée qui est le plus dangereux. Même 2 ou 3 cigarettes par jour, ce serait redoutable sur 20 ou 30 ans…
Vapoter : la question à 100 millions d’euros
Il reste à faire le plus dur : décrocher du tabac. Se définissant comme un « ancien gros fumeur », le Dr Youssef Trigui y est arrivé. Pour lui, le plus efficace et le moins nocif, ce sont les patchs nicotiniques. Ils sont sans danger. Mais ils ne remplacent pas la gestuelle des doigts et de la bouche, si importants. D’où le recours au vapotage.
Ce pneumologue et tabacologue de l’hôpital n’y est pas opposé et reconnaît que la cigarette électronique est efficace pour aider au sevrage tabagique. « Plus de 700 000 fumeurs en France ont réussi à se sevrer du tabac grâce à elle. Ce sont autant de gens qui ont réduit leur risque de développer un cancer du poumon. On constate des effets secondaires comme de la toux, des irritations de gorge, une possible toxicité cardiaque. La question à 100 millions d’euros est de savoir s’il y a des risques à long terme. On n’a pas de données claires pour le moment car le phénomène est récent. » D’autres pneumologues sont cependant bien plus alarmistes (voir notre article précédent sur le cancer du poumon en Corse).

Quand on fumait au bloc opératoire…
Le Dr Trigui est donc favorable au vapotage à condition qu’il soit de courte durée, associé ou non à un substitut nicotinique. Selon son expérience, ce qui fonctionne le mieux pour inciter les fumeurs à arrêter c’est de les frapper… au porte-monnaie.
En effet, avec un paquet à 11 ou 12 euros, ça fonctionne, le nombre de fumeurs recule. Il est bien loin le temps rapporté par la Dr Sicard Desnuelle, adjointe au maire d’Aix–en–Provence qui a débuté sa carrière d’anesthésiste à la fin des années 60, où les médecins fumaient jusque dans le bloc opératoire ! Des toubibs faisaient également la promotion des cigarettes dites « light » qu’affectionnent les femmes. Or elles sont encore plus dangereuses, justement parce que leur supposé caractère allégé peut inciter à en fumer plus.

Très reconnaissante envers ses jeunes consoeurs et confrères aixois qui ont pris le temps de venir parler devant leurs concitoyens, la présidente du conseil de surveillance de l’hôpital aixois (et infatigable adjointe au maire) a insisté sur la nécessité de telles réunions publiques : « Il faut penser prévention et partage des informations, pas seulement thérapeutiques. »
Merci au Centre hospitalier du Pays d’Aix représenté par sa secrétaire générale, Cécile Aubert, et à la directrice de la communication Aurélie Biagini pour leur accueil.
Merci aux partenaires ! Retrouvez tous les articles de la campagne dans la rubrique santé
cet article vous a plu ?
Donnez nous votre avis
Average rating / 5. Vote count:
No votes so far! Be the first to rate this post.