Voyez-vous réellement de plus en plus d’hommes accepter de suspendre leur fertilité ?
Professeur Romain Boissier : Oui, complétement. C’est vrai en particulier sur la pratique de la vasectomie. En France, je ne dirais pas qu’on a du retard, mais on en a fait jusqu’à présent beaucoup moins que dans les pays anglo-saxons. On sait qu’il peut y avoir jusqu’à 20% d’homme vasectomisés, au Canada, en Angleterre.
Mais qu’est-ce que la vasectomie ?
C’est une technique de contraception considérée comme définitive chez l’homme. Elle consiste à sectionner les deux petits canaux déférents. Ce sont des canaux qui vont des testicules jusqu’à la prostate. Ils permettent d’acheminer les spermatozoïdes fabriqués par les testicules jusqu’à la prostate où ils vont, lors du rapport et de l’orgasme, être mélangés au sperme et donner l’éjaculation chez l’homme. Comme on coupe ces canaux, on les interrompt. Il y a toujours une éjaculation, mais il n’y a plus de spermatozoïdes à l’intérieur.
Une contraception définitive
S’agit-il d’une intervention chirurgicale sous anesthésie générale ?
C’est une intervention assez légère avec deux petites incisions sur le trajet des cordons testiculaires, qui sont juste au-dessus des testicules, au niveau du scrotum. Cela peut se faire sous anesthésie générale ou sous rachis-anesthésie, avec une piqûre dans le dos qui fait qu’on ne sent rien sous le nombril. Cela peut même être fait sous anesthésie locale sur le site des incisions qui font 10 à 15 millimètres au-dessus de chaque testicule. Cela se pratique en ambulatoire. Les patients sortent quelques heures après l’intervention.
Etant donné que c’est une contraception définitive, le patient doit-il observer un temps de réflexion avant de prendre sa décision ?
Cela est considérée comme une méthode de contraception définitive. Il y a bien une intervention qui consiste à reconnecter les canaux déférents, c’est la vasovasostomie. On va réanastomoser le canal déférent.
4 mois de réflexion avant de se faire couper les canaux
Est-on sûr que ça marche ?
Eh bien justement, ça ne marche pas très, très bien. Et sauf certains experts qui ont de bons taux de succès, on ne peut pas dire qu’on arrive dans 100% des cas à refaire la connexion et la circulation des spermatozoïdes. Quand on voit un patient pour une vasectomie, il y a un délai médico-légal de quatre mois. C’est seulement quatre mois après l’avoir vu en consultation qu’on pourra envisager la chirurgie.
Il faut savoir que ce n’est pas une technique de contraception efficace le jour J de la chirurgie. Il y a tous les petits spermatozoïdes en aval dans le canal déférent et qui vont mettre du temps à se vidanger, à se drainer. Cela prend en moyenne trois mois. On insiste bien avec les messieurs pour dire qu’il faut compter trois mois après la chirurgie pour réaliser un spermogramme. Dans l’intervalle, il faut bien garder un autre moyen de contraception. Ce n’est qu’une fois que le spermogramme dit qu’il n’y a plus du tout de spermatozoïdes, que l’on peut autoriser la levée de contraception. Précisons que ça ne protège pas des maladies sexuellement transmissibles en particulier, comme le préservatif.
Un embouteillage de spermatozoïdes sans conséquence
La vasectomie modifie-t-elle les rapports sexuels ?
Pas du tout. On interrompt l’arrivée des spermatozoïdes du testicule vers la prostate et le sperme. Vous me direz que ces spermatozoïdes s’accumulent dans le testicule et que ça les fait gonfler ? Non ! C’est tellement petit, ce sont des cellules, que ça n’engendre aucune conséquence locale au niveau des testicules ni ne donne des douleurs spécifiques. Les testicules ne vont absolument pas changer. Ce qui se produit après plusieurs années, c’est un « embouteillage » de spermatozoïdes en amont de là où on va ligaturer les déférents.
Petit à petit, les testicules vont arrêter de fonctionner et de fabriquer des spermatozoïdes. Mais ils vont continuer à faire leur autre travail qui est celui de fabriquer de la testostérone. C’est l’hormone chez l’homme qui fait qu’on se rase le matin, qu’on a des muscles, qu’il y a un morphotype spécifique chez les hommes. Cela ne change rien aux rapports sexuels, sur les érections, sur la qualité des rapports. Cela ne change rien non plus sur le volume du sperme puisqu’il est fabriqué par deux petites vésicules, les vésicules séminales, situées en arrière de la prostate. La vasectomie ne touche pas cette fonction. Elle n’a pas d’incidence sur les fonctions sexuelles : érection, orgasme, éjaculation.
Les pères de famille et des hommes qui ne veulent pas d’enfants
Quel est le profil des hommes qui réclament cette intervention ?
Il y a plusieurs profils. Jusqu’à présent, on avait surtout des hommes qui avaient autour de la quarantaine, qui étaient en couple, qui avaient déjà eu des enfants et qui souhaitaient assurer leur part de contraception en déchargeant leur compagne de cette tache-là. Soit parce que leur compagne tolère mal la pilule, le stérilet, ou a eu des soucis avec les différents contraceptifs. Soit spontanément, d’eux-mêmes, ils considèrent que les enfants sont faits et que c’est à eux de prendre en charge la contraception.
A côté de ça, on a vu une population d’hommes plus récemment qui apparaît : des messieurs qui n’ont pas d’enfants, qui n’en veulent pas de toute façon, qui sont en couple avec quelqu’un qui ne veut pas non plus d’enfants, ou qui vivent tout seuls. Cela va dans le sens de certains mouvements qui considèrent qu’ils ne veulent pas d’enfants, à la fois pour eux et pour la planète.
Injections de testostérone : attention, danger
On parle beaucoup de la pilule pour homme. Sera-t-elle bientôt réalité et en quoi devrait-elle consister ?
Ce qui existe en alternative à la vasectomie pour une contraception chez l’homme, ce n’est pas tellement une pilule. Ce sont des injections de testostérone. On va saturer le corps humain en testostérone, de sorte que les testicules vont arrêter d’en fabriquer car il y en a trop dans le sang. Ces injections ont lieu toutes les 3 à 4 semaines. Leur problème est que l’efficacité ne porte que sur une courte période et ce n’est pas validé à long terme, comme la pilule ou le stérilet chez la femme. Cela a des effets secondaires. Lorsqu’on est saturé en testostérone, on voit une augmentation de la concentration d’hémoglobine dans le sang. Il y a des effets indésirables puisque la testostérone est utilisée comme un produit dopant dans certains sports.
Ici on le surveille de façon étroite sur un plan médical, mais ce n’est pas forcément bien toléré par tous les messieurs. Ce n’est pas quelque chose qui pourrait être maintenu à long terme et le plus important est que cela n’a pas d’autorisation de mise sur le marché en France. Pour le moment, la supplémentation en testostérone n’a pas d’autorisation à but contraceptif. Ça se prescrit, mais hors indication thérapeutique en France.
Chauffer les testicules pour neutraliser les spermatozoïdes !
Donc la pilule pour homme n’est pas pour demain ?
Eh bien non ! Il y a d’autres alternatives. C’est le slip chauffant, l’utilisation d’anneaux spécifiques. Ces dispositifs ont la particularité de plaquer les testicules contre l’abdomen pour élever leur température. Les testicules sont faits pour fonctionner à 34 degrés. C’est pour cela qu’ils sont dans le scrotum, à l’extérieur du tronc chez l’homme. Ces dispositifs vont augmenter la température des testicules et donc faire qu’ils arrêtent progressivement de fabriquer des spermatozoïdes. Mais c’est assez contraignant car il faut porter ces dispositifs plusieurs heures dans la journée pour qu’ils soient efficaces. Certains, comme les anneaux, on ne peut pas les porter en continu.
Comment fonctionne le slip chauffant ?
Il y a un site internet qui vend un slip qui plaque bien les parties contre l’abdomen pour augmenter leur température. Cela nécessite d’être porté au moins plus de la moitié de la journée pour être vraiment efficace.
« Cela va dans le sens de la société… »
Estimez-vous que l’on va aller de plus en plus vers un partage de la contraception au sein du couple ?
Oui, cela va dans le sens de la société, de l’égalité homme-femme, en particulier le partage de la contraception. Il est vrai que la contraception féminine – la pilule oestro-progestative – peut avoir des conséquences, sur les phlébites, ou des effets indésirables chez certaines femmes. Cela cumulé au tabac. On sait que ce n’est pas très bon quand on est une fille, que l’on fume et que l’on prend la pilule, sur le risque de thrombose et le risque d’événement vasculaire. Il y a ensuite le stérilet, qu’il faut poser puis le changer, sans compter les stérilets aux hormones. Certaines femmes n’y trouvent pas leur compte. Aussi certains hommes, une fois que les enfants sont faits, que le couple est stabilisé, ou qu’il n’y a plus forcément de compagne, s’accommodent très bien de faire cette vasectomie.
Elle est sans conséquence, ni sur leur vie sexuelle ni sur leur vie au quotidien. C’est une intervention assez facile à faire. La loi ne dit pas s’il faut déjà avoir eu des enfants ou pas. Légalement, chez les personnes majeures qui ont fait le délai de réflexion de quatre mois, on peut proposer des vasectomies. On en fait moins que dans les pays anglo-saxons, où jusqu’à 20% des hommes sont vasectomisés, comme au Canada, et à peine un peu moins dans des pays comme l’Angleterre qui ne sont pas si loin de nous…
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