Plutôt que de se persuader, en ces temps mouvementés, que la France va s’effondrer, pourquoi ne pas tenter de croire en la possibilité d’un avenir plus rayonnant où économie et écologie progresseraient dans un juste équilibre au bénéfice de tous ? Autour de l’étang de Berre et du Golfe de Fos, aujourd’hui, les habitants peuvent essayer de porter ce regard positif sur le futur qui les attend. Quel autre territoire français dispose d’une perspective de 20 milliards d’euros d’investissements publics et privés et 10 000 emplois potentiels dans la réindustrialisation, la décarbonation et une souveraineté accrue ? D’avril à mai, ces projets ont été débattus, sous l’égide de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Ils ont donné lieu, parfois, à des échanges tendus entre industriels, associations, riverains, représentants de l’État ou des collectivités… Ils ont suscité aussi beaucoup d’interrogations et d’exigences.

D’un côté, le monde économique a réclamé en priorité la réalisation d’une ligne haute tension (400 kV) entre le Gard et Fos-sur-Mer pour accroître l’approvisionnement énergétique de la zone industrialo-portuaire afin de faciliter les implantations de nouvelles industries et l’électrification des procédés des usines existantes. Les pouvoirs publics ont également souligné son intérêt « stratégique » pour l’alimentation à long terme de Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec l’explosion des usages quotidiens de l’électricité (véhicules, numérique…).De l’autre, les associations et les citoyens impliqués sur les rencontres et ateliers ont revendiqué un environnement mieux préservé, un cadre de vie débarrassé de ses nuisances (pollutions, engorgement des routes…), des impacts sur la santé mieux évalués et pris en compte… Ce 13 septembre, la CNDP publiera sur internet le rapport synthétisant ces attentes et espoirs. Le 18, elle le dévoilera à Istres dans une réunion plénière où chacun pourra réagir aux points retenus. Le préfet de Région, Georges-François Leclerc, a promis qu’il tiendrait compte des avis exposés avant d’arbitrer et de décider au nom de l’intérêt général. Une tâche complexe dans un contexte politique agité et budgétairement fragilisé. Ce qui n’empêche pas les acteurs concernés de persister dans la pédagogie sur les enjeux en cours.
Des enjeux pour l’ensemble du territoire

Après la réunion du 3 septembre du collectif d’entrepreneurs « Provence, Fabrique des Possibles », quelques-uns ont pu le faire encore le 9, à Châteauneuf-les-Martigues, à l’occasion d’une réunion des sociétaires du Crédit Agricole Alpes Provence. Le directeur général, Laurent Fromageau, invite à chausser des lunettes plus optimistes pour analyser les potentiels en place. « Il y a des difficultés, mais il y a surtout un tissu entrepreneurial et un écosystème d’innovation très puissants. Il faut bien comprendre les enjeux pour valider les conditions de réussite. On est à bord des projets. Gardons donc le cap et faisons rayonner la compétitivité de ce territoire ! ».

Le président de la CCI Aix-Marseille-Provence, Jean-Luc Chauvin, confirme la dynamique : « En 8 ans, le nombre d’entreprises a progressé de 94 000 à 151 000 ». Il évoque aujourd’hui le « momentum historique » qui peut « impacter les 30 à 40 prochaines années » sur le plan économique, le logement, les équipements publics, les infrastructures… « C’est le sujet de l’ensemble du territoire » insiste-t-il, en particulier « pour l’avenir de la jeunesse ». L’urgence à ses yeux : que l’État acte définitivement « avec courage » le lancement d’une seconde ligne 400 kV parce qu’elle conditionne le reste. Il s’emploie à être rassurant, face à une assistance de sociétaires où se nichent de nombreux agriculteurs. « La première ligne passe à Saint-Rémy-de-Provence, Mouriès, Maussane… Elle n’a pas empêché les agriculteurs de produire une huile d’olive de qualité, l’agritourisme n’a pas disparu, le prix des propriétés n’a pas diminué puisque Saint-Rémy est la ville la plus chère du département… Les oiseaux qui passent au-dessus de la ligne dans les Alpilles peuvent aussi passer au-dessus si elle est en Camargue ».
Un étang au potentiel inestimable
Chargée de mission au Groupement d’Intérêt Public pour la Réhabilitation de l’Étang de Berre (GIPREB), Hortense de Lary de La Tour avance à son tour la nécessité de regarder autrement un plan d’eau en pleine renaissance, après des décennies où il fut le réceptacle de tous les rejets (industriels, stations d’épuration…), au mépris de sa faune et de sa flore. Elle évoque l’évolution des « représentations » que se font les habitants de ce « joyau pluriel » par ses activités : pêche, nautisme, baignade, randonnée, tourisme… « Son état sanitaire est excellent, son état écologique est sur une trajectoire où il va de mieux en mieux » dit-elle. La définition de nouvelles conditions d’expérimentation de rejets d’eau douce avec EDF depuis l’an dernier l’a préservé de dégradations de ses milieux. Là aussi, les raisons de se réjouir au lieu de se lamenter progressent : « Depuis 2019, les zoostères repoussent. Il y avait 7 hectares, il y en a 70 ».

Si les projets de dérivations à l’étude (sous le nom de Provence Bleue) pour une partie des volumes d’eau douce voyaient le jour, malgré leur coût estimé (entre 900 millions d’euros et 1,2 milliard d’euros), elle y voit une « opportunité » de répondre à plusieurs ambitions écologiques (nappe de la Crau, Basse Durance, protection de l’étang…), énergétiques (hydroélectricité) et économiques (sécurisation de l’alimentation en eau des industries et des communes). Et d’autres études vont éprouver une réouverture à la courantologie, entre la Méditerranée et l’étang, via le tunnel du Rove.
Écrire encore l’histoire
Directeur général du SMAVD, le syndicat de gestion de la vallée de la Durance, Christian Doddoli rappelle que la Durance serait peut-être toujours l’un des « fléaux de la Provence » par les risques d’inondation qu’elle présente, s’il n’y avait pas eu des acteurs et des investisseurs visionnaires, voici quelques décennies, pour s’entendre afin de mieux la gérer, l’aménager et la préserver, après la chaîne Durance-Verdon qui a valorisé une énergie renouvelable, l’hydroélectricité, et pérennisé l’alimentation en eau des terres agricoles, des industries et des communes. « 3 millions de personnes sont alimentées par la Durance. Sans eau, il n’y a pas de développement » glisse-t-il. Il espère que le milliard de mètres cubes d’eau douce rejeté dans l’étang de Berre va pouvoir être exploité, parce qu’il est une richesse pour le futur, quand tant de pays luttent pour éviter un stress hydrique. « Il faut y aller, l’étang de Berre et la Durance s’en porteront mieux. On créera du cadre de vie. Nous devons être au rendez-vous. Nous ne serons pas à la hauteur des anciens si nous gâchons ce potentiel. »
Il souligne l’importance de « trouver le bon curseur ». À quelques heures de la découverte du compte-rendu de la CNDP, ses rapporteurs, sous la présidence locale d’Audrey Richard-Ferroudji, sauront-ils faire émerger, à partir des contributions au débat, les clés partagées qui pourront demain à notre territoire d’ajuster les parties les plus diverses sur le « bon curseur » ? L’impératif de décarboner s’est imposé comme une ambition unanime. Tout le monde y gagnera. Il reste juste à en prendre conscience et à dénicher les moyens et les financements pour y parvenir. Tout aussi collectivement.
Source : Débat public « Fos Berre Provence, un avenir industriel en débat » — CNDP
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