Cancer de la prostate : adieu les érections, bonjour les fuites ?

Les traitements de ce cancer très fréquent chez l'homme causent souvent des troubles sexuels et des fuites urinaires. Certains doivent dire adieu aux érections ! Il existe heureusement des solutions très efficaces que présente le Pr Gilles Karsenty, chirurgien urologue à l'hôpital de La Conception à Marseille.

Santé

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Le cancer de la prostate touche un homme sur 8, 60 000 nouveaux cas sont identifiés chaque année en France et plus de 9 000 en décèdent. C’est un cancer qui, heureusement, se soigne bien quand il est dépisté tôt. Mais alors, deux grandes craintes s’emparent des malades devant être traités. D’abord, pourrais-je encore avoir une sexualité après le traitement ? Et puis, est-ce que je vais avoir des fuites urinaires ?

Le professeur Gilles Karsenty, chef du service d’urologie de l’Hôpital La Conception (Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille), explique la prise en charge et rassure. Cet entretien a été réalisé par Esther Oyono et Ines Benamor, étudiantes en master 2 Communication d’Intérêt Général à l’Ecole de Journalisme et Communication d’Aix Marseille Université, dans le cadre d’un projet professionnel tuteuré avec MProvence et coordonné par Philippe Schmit, à l’occasion du mois dédié à la prévention des cancers masculins.

Par quels mécanismes surviennent les troubles de l’érection après un traitement du cancer de la prostate par chirurgie ?

Pr Gilles Karsenty: Les troubles de l’érection après chirurgie du cancer de la prostate, quand on enlève toute la glande, surviennent parce que les nerfs et également des vaisseaux, mais surtout des fins filets nerveux qui sont essentiels à l’érection, passent contre la prostate. Et donc, lorsqu’on enlève la prostate, on risque d’abîmer ces nerfs. Dans certains cas, on est même obligé de passer un petit peu « au large », parce que le cancer est tout proche des limites de la glande. Et si on veut pouvoir l’enlever correctement, on ne peut pas passer trop près de la glande. Toute chirurgie qui va enlever toute la prostate est à risque de créer des troubles de l’érection.

Difficile de conserver les filets nerveux

Quel est le pourcentage de patients concernés par les troubles de l’érection après chirurgie du cancer de la prostate ?

Ça dépend de beaucoup d’éléments : du patient, de son âge, de la qualité de ses érections avant qu’on l’opère, du type de cancer qu’il a et du type de chirurgie qu’on a prévu de faire. Et finalement du type de chirurgie qu’on a pu faire. Si on prend le cas le plus compliqué, c’est-à-dire un gros cancer qui est néanmoins localisé, qui est proche des limites de la prostate, chez un patient qui a une sexualité et une érection qui est déjà un peu altérée, eh bien on va devoir enlever la glande de manière un peu large. On ne pourra pas faire de technique de conservation de ces filets nerveux, de ces bandelettes vasculo-nerveuses qui passent très près de la prostate. Dans ce cas-là, les troubles de l’érection risquent d’être présents avec une très forte probabilité.

Les patients sont inquiets, on les rassure

Informez-vous clairement les patients de ce risque avant l’intervention et comment réagissent-ils lorsqu’ils en prennent conscience ?

Oui, nous informons, en tout cas nous devons informer les patients des risques que comportent la chirurgie, mais aussi les autres traitements, tous les traitements qu’on peut leur proposer. Et il faut les informer des risques qu’on appelle fonctionnels. Les risques de troubles de l’érection, et de troubles de la sexualité de manière générale, inquiètent. Bien entendu, quand on leur annonce qu’il y a des risques, à nous de les rassurer en les écoutant, en écoutant leurs attentes et en essayant de faire coïncider les propositions thérapeutiques au mieux avec leurs attentes et leurs priorités.

Ciao l’érection matinale !

Parlons de sexualité, comment se manifestent concrètement les troubles de l’érection dans la vie sexuelle quotidienne d’un patient ?

Pour ce qui est de la chirurgie, ils vont survenir immédiatement après la chirurgie. Donc ce sont des patients qui vont se rendre compte que les érections réflexes matinales par exemple ne sont plus là. Et également lorsqu’ils ont un ou une partenaire que l’érection, pour avoir un rapport pénétrant, n’est plus suffisante, trop molle, ne tient pas, ou est absente complètement. Il peut y avoir pour des patients qui n’ont pas forcément de partenaire mais qui ont une activité de masturbation, des difficultés à se masturber, donc en fait ça couvre tout le spectre de la vie sexuelle et de la vie intime. L’information et la discussion avec le patient avant sont capitales pour « savoir » à qui on a affaire. C’est-à-dire à quel homme, dans quelle relation, quelle est sa sexualité et quelles sont ses attentes.

Pr Gilles Karsenty, chef du service d'urologie de la Conception
Pr Gilles Karsenty, chef du service d’urologie de la Conception

Diabète, surpoids, hypertension : un impact certain

Est-ce que des facteurs comme l’âge ou le mode de vie peuvent influencer l’intensité des troubles de l’érection après traitement ?

Vous avez dit traitement et non pas seulement chirurgie et vous avez raison. Ces facteurs, c’est bien sûr tous les facteurs qui influencent la sexualité avant le traitement. L’âge, le mode de vie, un mode de vie très sédentaire, un surpoids, d’autres pathologies qui elles-mêmes affectent l’érection. On peut en citer qui sont très fréquentes comme le diabète, l’hypertension artérielle dont certains médicaments altèrent l’érection et on pourrait en trouver encore de nombreux autres. Et non seulement certains peuvent être corrigés mais leur connaissance peut aussi permettre un meilleur choix entre les différentes options de traitement puisque, je reprends votre question, vous avez bien dit traitement et pas seulement chirurgie. Lorsqu’on va choisir le traitement qu’on propose, on va prendre en compte ces facteurs puisqu’il y a certains patients qui seront de meilleurs candidats pour la chirurgie, de meilleurs candidats pour la radiothérapie d’une forme ou d’une autre et cet échange, ce choix, il va aussi concerner la question de la sexualité après le traitement.

Des techniques moins délabrantes

Quelles solutions ou traitements peuvent aider les patients à retrouver une vie sexuelle satisfaisante après leur prise en charge ?

C’est pendant la prise en charge et c’est après que ça se joue. Avant, on l’a dit dans les questions précédentes, il est très important de savoir quelle est la sexualité, quelles sont les attentes d’un patient et éventuellement de son couple vis-à-vis de la sexualité. Identifier les facteurs de risques, modifier ceux qui peuvent l’être pendant. Pendant, c’est pendant le traitement et en particulier pendant le traitement chirurgical. Il y a des techniques chirurgicales qui permettent de préserver mieux les structures qui participent à l’érection. Ce n’est pas toujours possible. Certains cancers, du fait de leur localisation, ne le permettent pas ou ne le permettent pas complètement. Mais en tout cas, ces techniques de préservation des bandelettes vasculo-nerveuses autour de la prostate, lorsqu’elles sont mises en oeuvre à bon escient, participent à préserver la sexualité après la chirurgie. Il y a aussi des troubles de la sexualité qui peuvent survenir après radiothérapie. Lorsque les troubles sont là, il y a tout un éventail de traitements. Tout le monde a entendu parler de la petite pilule bleue, et la petite pilule bleue a fait des enfants avec des nouvelles molécules, donc il y a un ensemble de médicaments qui peuvent améliorer l’érection.

Médicaments et piqûre dans la verge

Il y a également d’autres médicaments, des médicaments qu’on peut injecter, faire les piqûres directement dans la verge pour déclencher les érections. Et il y a enfin des techniques qu’on peut combiner, de pompe à vide, qui permettent de générer une érection de manière mécanique. Il y a aussi des techniques chirurgicales avec des implants qui permettent d’obtenir une rigidité de la verge et une érection avec une prothèse, un implant qui ne se voit pas du tout, mais qui permet d’avoir une verge rigide lorsqu’on veut, et molle lorsqu’il n’y a pas besoin, et qui permet de réinvestir la sexualité.

L’autre grande inquiétude des patients traités pour un cancer de prostate, c’est l’incontinence urinaire. Est-ce que des conséquences systématiques après un traitement contre le cancer de la prostate ?

L’incontinence n’est pas du tout systématique après traitement du cancer de la prostate, et tout est mis en œuvre justement pour qu’il n’y ait pas d’incontinence.

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Pourquoi des fuites urinaires ?

Justement, quels sont les traitements proposés aux patients qui souffrent de ces incontinences urinaires ?

Il y a plusieurs options. La première chose, ça va être de faire un diagnostic, c’est-à-dire de savoir quel mécanisme et pourquoi il y a une incontinence urinaire. Comme on l’a dit précédemment, l’incontinence urinaire ne va pas toujours être due à la même chose, donc il y a une part de diagnostic à faire. Après chirurgie, la plupart du temps, c’est un problème d’urètre. Après radiothérapie, c’est plutôt un problème de vessie. Lorsqu’il s’agit d’une incontinence liée à l’urètre et au sphincter, on a un éventail de possibilités. On peut faire de la rééducation pour accélérer la récupération de l’incontinence. Il existe un médicament qui peut aider temporairement à récupérer un peu de force de contraction du sphincter. Et enfin, lorsqu’on est après huit mois, dix mois, douze mois et qu’on a une incontinence qui persiste, qui est gênante, on peut rentrer dans des traitements chirurgicaux avec plusieurs techniques qui permettent de traiter les fuites urinaires. On peut mettre une bandelette synthétique sous l’urètre, des petits ballons de compression autour de l’urètre, un sphincter urinaire artificiel, qui est une prothèse exactement comme une prothèse de hanche ou une prothèse de genou.

Un éventail très large de traitements

Ces techniques-là sont efficaces et permettent de traiter les fuites. Lorsqu’il y a des fuites liées à des problèmes de vessie, là encore, on a des médicaments qu’on peut prendre par la bouche, des médicaments qu’on peut injecter dans la paroi de la vessie, des traitements par stimulation électrique, donc un éventail de traitements pour limiter les fuites lorsqu’elles sont liées à des problèmes de vessie. On voit qu’au final, on a un éventail large pour ne pas laisser les patients avec des fuites urinaires seuls, isolés, à devoir acheter des protections, à avoir l’impact social et intime de cette incontinence qu’il ne faut pas rater et qu’il faut prendre en charge.

A 55 ou 70 ans, ce n’est pas la même solidité

Quels sont les facteurs qui peuvent aggraver la durée ou l’intensité de l’incontinence urinaire ?

Comme on l’a dit pour les troubles de la sexualité, il y a des facteurs de risque d’avoir plus d’incontinence urinaire. L’âge, là encore, joue un rôle en particulier vis-à-vis du risque d’incontinence urinaire après chirurgie. En effet, tout simplement, le sphincter urinaire, n’est pas aussi solide, pas aussi fort à 70 ans qu’à 55 ans. Lorsqu’il va être perturbé par la chirurgie, ses capacités de récupération ne vont pas être exactement les mêmes. Et puis, il y a d’autres facteurs, le surpoids, d’autres maladies, on peut encore citer le diabète qui peut avoir généré une neuropathie et qui va faire que le sphincter va moins bien récupérer. Donc, on a un ensemble d’éléments qui peuvent, avant la chirurgie, déjà nous annoncer qu’un patient est plus à risque d’avoir de l’incontinence, en particulier après chirurgie. Autre élément, c’est la technique chirurgicale. Là encore, la technique chirurgicale et l’anatomie du patient vont pouvoir limiter le risque ou le majorer. C’est-à-dire qu’un patient qui a une très grosse prostate, de très gros volume ou qui aurait déjà eu une chirurgie pour une hypertrophie bénigne de prostate, pourrait être plus à risque d’avoir des fuites qui durent après une chirurgie. Donc là encore, ça peut peser dans le risque et dans le choix qu’on va faire pour essayer de proposer un traitement efficace et en même temps un traitement qui n’induit pas derrière d’incontinence.

Des innovations tous azimuts

Existe-t-il aujourd’hui des recherches ou des innovations qui permettraient de réduire ces conséquences d’incontinence urinaire et de troubles d’érection et ainsi améliorer la qualité de vie des patients ?

La réponse est oui. Oui pour les deux. C’est-à-dire à la fois pour la recherche et pour l’innovation. Il y a de la recherche d’abord en pharmacologie pour de nouvelles molécules capables de mieux traiter en particulier les dysfonctions sexuelles et les troubles de l’érection. Il y a aussi des recherches là encore en pharmacologie pour mieux traiter les dysfonctions vésicales induites par la radiothérapie. Et il y a des innovations, des innovations en chirurgie, des innovations en radiothérapie pour limiter les conséquences fonctionnelles de ces traitements. En chirurgie en particulier, on peut parler de l’avancée de la chirurgie robotique et surtout des avancées qu’on attend, des avancées futures où on va pouvoir faire de la chirurgie avec de la réalité augmentée, c’est-à-dire introduire de l’imagerie en même temps qu’on opère pour essayer de mieux repérer des structures qu’il faut préserver.

Cibler juste la tumeur

Pour conclure, il y a aussi des innovations avec des traitements qui visent à ne pas traiter toute la glande prostatique, à faire des traitements focaux où on va essayer de ne traiter que le foyer principal de cancer de prostate pour là encore limiter l’impact sur la continence et sur l’érection. Donc au total, c’est un grand oui plein d’espoir pour améliorer le résultat fonctionnel après traitement de cancer de prostate.

3 conférences pour informer à Nice, Avignon et Toulon

Après Marseille et Saint-Raphaël, MProvence invite la population à 3 nouvelles conférences gratuites « La Prostate, parlons-en pour nous protéger » en présence des médecins des villes concernées :

  • Nice : lundi 24 novembre à 18h au Stockfish, 5 avenue François-Mitterrand. Tram : arrêt Vauban.
  • Avignon : mercredi 26 novembre à 18h à l’Institut du Cancer Sainte-Catherine, 250 chemin de Baigne-Pieds.
  • Toulon : jeudi 27 novembre à 18h, salon VIP du Palais des Sports TPM, 420 avenue Amiral Aube

Renseignements : 06 33 78 35 79

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