C’est quand même dingue d’en être là en 2025 lorsqu’on évoque le cancer de la prostate, cancer masculin le plus fréquent en France puisqu’il représente un cancer sur 4 ! Beaucoup d’hommes et leurs épouses, inquiets de cette maladie qui frappe 1 homme sur 7, ignorent le b-a-ba : comment se faire dépister. Preuve s’il en fallait encore que le discours sanitaire ne percute pas et qu’il faut travailler encore et encore pour informer, afin d’éviter des drames familiaux et des morts prématurées.
On a constaté cette mésinformation teintée d’une grosse pointe d’angoisse jeudi dernier, à Toulon, où il a fallu rajouter des chaises dans le salon VIP du Palais des Sports pour accueillir le public. « Comment doit-on s’y prendre pour se faire prescrire le PSA ? » « Comment avoir un rendez-vous chez un urologue ? » « Comment savoir quel est le meilleur traitement ? » Des questions de base parfois déroutantes.

70% des patients en vie dix ans plus tard
Des patients de 70 ans n’ont jamais été sensibilisés au diagnostic précoce de ce redoutable cancer. Leur médecin traitant ne l’a pas évoqué selon eux. Un dépistage qui est portant recommandé à partir de 50 ans, voire 45 ans selon son profil familial ou génétique. Surtout que 70% des patients dépistés sont encore en vie 10 ans plus tard, quand c’est seulement 50% pour le cancer colorectal et 9% pour le poumon. Cela vaut diablement le coup de diffuser le message du dépistage !
Coordinateur scientifique de la soirée, le docteur Pierre-Olivier Faïs, chef du service d’urologie de l’hôpital Sainte-Musse, a souligné l’ampleur de ce cancer dans notre pays et la nécessité de se faire tester régulièrement. Pour lui, il faut multiplier ce genre de réunion publique et briser le tabou qui entoure cette maladie masculine.

« Pas le cancer le plus méchant ! »
Très pédagogue, le docteur Yoann Koskas s’est voulu rassurant : « C’est le cancer le plus fréquent chez l’homme mais ce n’est pas le plus méchant ! Il est lent à évoluer, peu agressif la plupart du temps. » Bon alors pas de souci à se faire Doc ? « Pas du tout ! Car ce cancer ne donne pas de symptômes en phase précoce, sinon quand il est bien avancé, prévient l’urologue à la clinique Malartic. C’est pourquoi il convient de le dépister d’abord avec une prise de sang qui mesure le taux de PSA et un toucher rectal effectué par le médecin. On fait ce dépistage depuis les années 90 et on a divisé la mortalité par 2. »

L’objectif principal est de repérer les 15% à 20% de cancers agressifs d’emblée au moment du diagnostic. Après confirmation du cancer par une IRM et des biopsies, le malade se verra proposer soit un traitement curatif immédiat, soit pour la majorité une surveillance active. C’est le grand progrès de ces dix dernières années, comme l’a rappelé la docteur Claire Rion, urologue à la clinique des Fleurs à Ollioules.

La surveillance plutôt que la radiothérapie ou la chirurgie
« C’est le traitement recommandé en première intention pour les cancers de faible risque. Avant, on traitait tous les cancers de la prostate, les patients étaient surtraités. » Il est vrai qu’on manquait d’outils pour apprécier la dangerosité de la maladie – l’IRM a permis un bon considérable dans l’analyse. Donc jusqu’aux années 2010, on opérait ou on irradiait toutes les tumeurs, par précaution. Les patients avaient alors de bonnes chances d’avoir la vie sauve mais au prix d’importants effets collatéraux sur leur sexualité et la continence urinaire.
« La surveillance active concerne des hommes qui ont un PSA inférieur à 10 et un toucher rectal à peu près normal, indique la Dr Rion. On fera une biopsie de contrôle la première année pour vérifier qu’on n’ a pas sous-estimé le risque, un dosage semestriel du PSA et un toucher rectal annuel, puis une biopsie 2 à 3 ans plus tard. » On vit donc avec un petit cancer jugé indolent, qui ne bouge pas, que l’on garde à l’oeil, plutôt que d’aller le tabasser au scalpel ou aux rayons X. La chirurgienne l’assure : « Ce cancer ayant un développement très lent, si on le surveille ainsi il n’y a aucune différence significative sur la survie à dix ans avec chirurgie et la radiothérapie. »
Donc on peut continuer à jouir pleinement des ses capacités sexuelles et éviter les fuites urinaires sans pour autant risquer sa peau. « Si on se rend compte avec les contrôles réguliers que le cancer évolue, on le traitera. »
Les robots et l’IA changent tout
Les traitements sont parfaitement au point. Le docteur Cédric Khoury, radiothérapeute à la clinique Saint-Louis de la Croix-Rouge, précise que la radiothérapie est généralement adaptée aux patients d’un certain âge. En revanche les plus jeunes, 50-60 ans, sont souvent opérés afin de stopper l’agressivité de la tumeur. Les séances de rayons X sont désormais moins nombreuses grâce à un ciblage plus précis de la zone à traiter. « La technologie a également permis d’améliorer les troubles urinaires et digestifs. Avec la radiothérapie, les effets secondaires sont plus tardifs qu’avec la chirurgie, on suit le patient durant cinq ans après traitement. »

Urologue à l’hôpital privé saint-Jean, le docteur Pierre Munier a fasciné l’auditoire en racontant l’histoire de la chirurgie du cancer de la prostate. La première ablation de la glande séminale – « qui est indispensable à la reproduction et donc à la présence humaine sur Terre » a rappelé le Dr Koskas – a été réalisée en 1904 par le Dr Hugh Hampton aux Etats-Unis. En 120 ans, que de chemin parcouru ! La quasi généralisation de la chirurgie robot-assistée ces dernières années et l’arrivée fulgurante de l’intelligence artificielle ont modifié les pratiques.
Cancer de la prostate : adieu les érections, bonjour les fuites ?
Le résultat sur le cancer n’est pas meilleur
Si le résultat final n’est pour l’instant pas jugé meilleur par rapport à une chirurgie ouverte, conventionnelle – il faut quand même le préciser, d’autant que tous les hôpitaux ne disposent pas du très onéreux robot que ne finance par l’Assurance Maladie ! -, la récupération du patient est bien plus rapide. Certains sortent même dans la journée.
« On a maintenant un robot qui permet d’opérer avec une seule incision de 3 à 4 centimètres, souligne le Dr Munier. L’intelligence artificielle arrive et c’est peut-être le progrès pour demain. Aux Etats-Unis on vient de réaliser un cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire) sans intervention d’un chirurgien, l’IA avait tout programmé. C’est peut-être un bénéfice pour le patient, pour la recherche, mais au prix d’un coût financier très important qui peut mener à des inégalités de traitement. » En effet, les consommables nécessaires au robot coûtent cher et ne sont, eux non plus, pas remboursés par la Sécu.

Les Chinois débarquent au bloc opératoire…
Si la société américaine Intuitive Surgical qui fabrique le Da Vinci règne jusqu’à présent en maître sur la fourniture aux hôpitaux de ces robots, voilà que les Chinois arrivent et devraient faire baisser les prix. Des chirurgiens de Bordeaux et Strasbourg sont déjà allés se former en Chine, sans doute les premiers d’une longue lignée.
Autre innovation qui pourrait bousculer un peu plus la pratique des chirurgiens et des hôpitaux : la téléchirurgie. « Avec une bonne connexion, on peut opérer depuis la Chine ou ailleurs un patient en France. L’avenir sera peut-être à ces centres référents. »
Un traitement très prometteur pour les cancers avancés
Côté thérapies, il restait à la docteur Emilie Roméo, oncologue médicale à l’hôpital militaire Sainte-Anne de Toulon, à évoquer les traitements médicaux. Et notamment l’hormonothérapie qui bloque le taux de testostérone circulant afin de priver la cellule cancéreuse de son carburant. « Le protocole consiste en une piqûre tous les 3 mois, plus un cachet quotidien. » Car là aussi, les progrès sont rapides. « En dix ans, on a vu beaucoup d’innovations thérapeutiques. »

L’une des plus marquantes est la radiothérapie interne vectorisée : on irradie la cellule tumorale par un médicament introduit par perfusion, toutes les 6 semaines et à 6 reprises. Concernant le secteur géographique de Toulon, ce traitement est pour l’instant délivré uniquement à l’Institut Paoli-Calmettes et à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille. « Après 3 mois de traitement, on voit que le patient est en réponse, les tumeurs disparaissent« , affirme la Dr Roméo, image à l’appui. « Cela va concerner de plus en plus de patients qui ont une maladie avancée d’emblée ou qui présentent une métastase après chirurgie ou radiothérapie. »
L’activité physique : un bénéfice de 25%
Le docteur Benoit Molimard, urologue à Sainte-Anne, a rappelé les bienfaits de l’activité physique. Elle offrirait une réduction de 12% à 25% du risque de développer un cancer de la prostate. Quant à l’alimentation, elle demeure évidemment fondamentale car « elle construit un terrain anti-inflammatoire. »

Enfin, il revenait à Leslie Conte de boucler cette soirée varoise d’information sur le cancer de la prostate. Coordinatrice de l’éducation thérapeutique au Centre de coordination en cancérologie 3C Var-Ouest, elle a expliqué avec un belle jovialité qu’il existe un parcours permettant aux patients de mieux prendre en charge leur traitement. Ce programme éducatif est conduit avec les professionnels de santé. « Le but est d’arriver à une prise en charge plus complète, plus personnalisée, vous permettant d’être autonome. »

Il s’agit d’ateliers réunissant 10 personnes durant une heure autour d’un expert qui aide à aborder le quotidien du malade. « Cette possibilité est proposée aux patients dès la consultation d’annonce du cancer dans leur hôpital. Le plus difficile, c’est de venir la première fois. Ensuite, c’est 100% de satisfaction tellement les participants apprennent et partagent de choses pour devenir acteurs de leur traitement. »
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