Cancer de la prostate : même plus peur d’en parler !

Les épouses veulent savoir elles aussi ! De nombreuses femmes ont participé à la conférence d'information sur le cancer de la prostate organisée hier à Saint-Raphaël par MProvence. Car cette maladie bouleverse les couples. Les médecins ont rassuré et proposé des solutions.

Santé

Et si le tabou autour du cancer de la prostate était en train de tomber peu à peu ? Les habitants de Fréjus et Saint-Raphaël en ont fait l’éclatante démonstration hier soir à l’Estérel Arena pleine comme un oeuf pour discuter sans sourciller de toucher rectal, de vigueur (ou de mollesse) des érections et d’incontinence urinaire. Certes il n’y a pas que ça quand on évoque le cancer de prostate, mais ce sont là des sujets de préoccupation majeurs pour les Messieurs, jusqu’à être bloquants pour certains.

« La Prostate, parlons-en ! » Conférence grand public – Estérel Arena (Fréjus/Saint-Raphaël)
« La Prostate, parlons-en ! » Conférence grand public à l’Estérel Arena (Fréjus/Saint-Raphaël) ce jeudi 12 novembre 2025 (Photos Killian Blisson et Chloé Garabedian)

« Mon mari fait l’autruche »

Ils ne veulent alors pas entendre parler de ce cancer qui touche la glande séminale située sous la vessie. Malheureusement, c’est le cancer le plus fréquent chez l’homme avec 60 000 nouveaux cas annuels. Au risque d’en mourir – 1 décès chaque heure dans notre pays, 9 220 par an – ou de subir des traitements très lourds s’il n’est pas diagnostiqué à temps.

« Mon mari fait l’autruche, alors on est venus ensemble à cette conférence, témoignait une septuagénaire. Les exposés des médecins m’ont donné des éléments de compréhension pour qu’on en discute tous les deux tranquillement à la maison. » C’est bien là l’objectif recherché au fil de cette campagne de sensibilisation conduite par MProvence avec ses partenaires et les praticiens des cliniques et hôpitaux engagés à nos côtés : parler de ce cancer comme de n’importe quelle maladie.

Martine Dufavet -Conférence grand public – Estérel Arena (Fréjus/Saint-Raphaël)
Les médecins avec quelques lecteurs et Martine Dufavet du centre hospitalier de Fréjus Saint-Raphaël.

Il n’y a pas que la pénétration !

Force est de constater que les femmes sont beaucoup plus à l’aise avec ces thèmes qui touchent à l’intimité et impactent la sexualité car les traitements détériorent quasi inévitablement les nerfs érecteurs qui longent la prostate. « Les troubles sexuels sont inhérents aux traitements par radiothérapie et par chirurgie, confirme le docteur Quentin Bandelier, chef du service d’urologie à l’hôpital de Fréjus Saint-Raphaël et coordinateur scientifique de cette soirée. Il existe de multiples solutions pour provoquer des érections, depuis la pilule bleue jusqu’aux implants péniens en passant par la très efficace injection intra-caverneuse avant un rapport. C’est facile à réaliser soi-même comme nous le montrons aux patients et ce n’est pas douloureux dans cette zone. »

« Après un traitement, il faut voir la sexualité de manière différente. Il n’y a pas que la pénétration et l’érection, on aborde plus les choses avec la tendresse. J’invite d’ailleurs vivement à consulter un sexologue pour parler du sujet ouvertement et sans être jugé. »

Dr BANDELIER Quentin, urologue, CHI Fréjus Saint-Raphaël
Dr BANDELIER Quentin, urologue, CHI Fréjus Saint-Raphaël

Moins d’érections : le pénis retrécit…

Attention prévient encore le toubib : ne pas favoriser régulièrement l’érection provoque une atrophie du pénis. Il convient donc de trouver une solution sans trop tarder pour s’exercer si la sexualité est importante pour le patient et son couple. Le chirurgien ajoute toutefois que lors de l’entretien pré opératoire, nombre de ses patients lui confient qu’ils n’ont plus de vie sexuelle et s’en accommodent déjà parfaitement. Donc ces conséquences ne sont pas un problème pour eux.

Cette conférence publique et gratuite accueillie grâce au soutien d’Estérel Côte d’Azur Agglomération et à son remarquable service Santé Vaccination Prévention, est l’occasion d’aborder également l’incontinence urinaire avec le docteur Michaël Caullery. Selon cet urologue exerçant à la clinique Saint-Georges, à la clinique Notre-Dame de Saint-Raphaël et au CHU de Nice, c’est l’un des effets secondaires les plus fréquents et les plus redoutés après les traitements de ce cancer. « On observe 15% à 30% d’incontinence urinaire à l’effort dans les 6 mois après chirurgie, c’est 3 fois moins important après radiothérapie. Un homme sur 5 conserve une incontinence plus ou moins importante un an après le traitement. »

Dr CAULLERY Michael, chirurgien urologue, Clinique Saint-Georges
Dr CAULLERY Michael, chirurgien urologue, cliniques Saint-Georges et Notre Dame, CHU de Nice.

Les fuites urinaires engendrent l’isolement et la dépression

« L’incontinence affecte la confiance en soi, la vie sociale, la sexualité et parfois la santé mentale en favorisant l’anxiété, l’isolement et la dépression. » C’est sûr que lorsqu’on porte des protections on a moins envie de sortir jouer aux boules avec les copains, d’aller à la plage ou de se faire des week-ends en amoureux. « Donc restaurer la continence, c’est restaurer la dignité et l’autonomie des hommes après un parcours de soin lourd, insiste le Dr Caullery. Mais beaucoup de patients n’osent pas en parler, c’est un vrai tabou culturel. Ils pensent que c’est « normal » ou inévitable. Cela conduit à une sous-prise en charge alors que des solutions existent. »

Parmi celles-ci, la rééducation du périnée qui doit débuter le plus tôt possible, même avant le traitement si possible pour renforcer le plancher pelvien. « On dispose de plusieurs méthodes de rééducation périnéale précocement. 40% à 70% des patients rapportent une amélioration significative de leur incontinence. »

Oubliez le café, l’alcool, le tabac

Il existe ensuite des traitements médicaux et chirurgicaux qui vont de l’injection de toxine botulique (si ! si !) à l’implantation d’une sorte de pacemaker de vessie. « Sur le plan chirurgical, on a aussi recours au sphincter artificiel pour des fuites sévères et des bandelettes sous-urétrales pour des fuites légères à modérées ». Conseils importants du Dr Caullery : si on a des fuites, il est recommandé de limiter le café, l’alcool et le tabac. L’activité physique est hautement préconisée, mais de façon adaptée, donc avec l’avis d’un professionnel.

Evidemment, le préalable à tout ceci qui peut concerner jusqu’à un homme sur 7, c’est le diagnostic. Pour les 6 autres aussi, s’ils veulent avoir l’esprit tranquille et ne pas risquer de nourrir un cancer mortel, il convient de réaliser un dépistage à partir de 45 ou 50 ans. « Il s’agit d’une banale prise de sang pour mesurer le taux de PSA doublée d’un toucher rectal qui dure 10 secondes et ça se passe très bien de l’avis des patients, sourit le Dr Bandelier. Si votre médecin ne vous en parle pas, il faut lui demander ce diagnostic qu’il fera lui-même ou en vous adressant à un urologue. »

Dr CAULLERY Michael, chirurgien urologue, Clinique Saint-Georges
Dr CAULLERY Michael, chirurgien urologue, Clinique Saint-Georges

Toucher rectal : la prise de sang ne voit pas tout

Pourquoi le toucher rectal – on vous met un doigt dans l’anus pour palper la prostate qui affleure à cet endroit, et ainsi repérer si elle est dure, signe d’un possible cancer ? « Parce que 10% à 15% des cancers ont un taux de PSA normal. On réalise le toucher rectal tous les 2 à 4 ans, mais parfois tous les ans selon certains profils de patients. » Ces cancers ainsi détectés par toucher rectal sont souvent très agressifs donc à traiter radicalement.

Si le praticien repère une anomalie, il prescrit une IRM. « Cela dure 30 minutes, sans douleur, sans irradiation. L’IRM a révolutionné la prise en charge. Elle permet de visualiser la taille des lésions cancéreuses, leur nombre et d’établir un score PIRADS indiquant la gravité du cancer, explique le docteur Cédric Vallier, urologue à la clinique des Lauriers. Mais l’IRM permet aussi de dire s’il n’y a rien de suspect et donc d’éviter l’étape suivante, la biopsie de prostate. »

Dr VALLIER Cédric, urologue, Clinique des Lauriers
Dr VALLIER Cédric, urologue, clinique des Lauriers

Evitez tout rapport sexuel avant dosage du PSA

D’accord, mais si le PSA a monté, quelle est la raison alors ? « Cela veut dire que ce n’est pas lié à la présence d’une tumeur. » Il peut s’agir d’une infection (prostatite) ou d’une hypertrophie bégnine de prostate, c’est-à-dire un grossissement de la prostate dû à l’avancée en âge, qui n’a cependant rien à voir avec le cancer ! Sachez également qu’une sortie à vélo (plusieurs heures) ou un rapport sexuel dans les 48 heures précédant la prise de sang peuvent fausser l’interprétation en faisant monter le taux de PSA.

Donc pas de galipettes 3 jours avant ce dosage… Dans le secteur de Saint-Raphaël Fréjus, il faut 3 à 4 mois pour obtenir un rendez-vous d’IRM. « Néanmoins il n’y a aucune perte de chance à cause de ce délai, car ce cancer évolue généralement très lentement. En 4 mois il ne va pas progresser« , assure le Dr Vallier.

La biopsie est indispensable

Dans le cas où l’IRM confirme un cancer, il faut procéder à une biopsie sous anesthésie locale au bloc opératoire, poursuit le Dr Frédéric Fernandez, urologue à la clinique des Lauriers. « Cet examen, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi, ça fait très mal« , affirme un auditeur.

Le médecin relativise et de toute façon la biopsie reste indispensable. « On réalise 12 prélèvements dans la prostate avec une seringue par voie endorectale. L’analyse nous fournit de nombreuses indications et notamment le score de Gleason qui va de 6 (le meilleur pronostic) ) à 10 pour les tumeurs les plus agressives. Après une biopsie, on peut retrouver un peu de sang dans le sperme et l’urine durant quelques jours. »

Dr FERNANDEZ Frédéric, urologue, Clinique des Lauriers, Fréjus
Dr FERNANDEZ Frédéric, urologue, clinique des Lauriers, Fréjus

Après 75 ans, on se fait encore dépister ?

Jusqu’à quel âge faut-il effectuer ce simple diagnostic comprenant dosage du PSA + toucher rectal ? Difficile de trancher. Cela dépend de votre espérance de vie. Eh oui, désolé de le dire ainsi, mais si elle est inférieure à dix ans, vous pouvez arrêter le dépistage. Car ce cancer, notamment après 75-80 ans, évolue la plupart du temps lentement. Donc même en cas de maladie, afin de préserver la qualité de vie, on peut décider de ne pas engager un traitement lourd aux effets secondaires importants.

Les patients décèdent d’ailleurs en général d’une autre cause que de ce cancer. « N’oublions pas qu’on peut faire une infection grave après une biopsie, or c’est dommage si le patient n’avait pas besoin de ce dépistage. Mais un patient de 80 ans qui est en pleine forme, on peut lui proposer un dépistage« , indique le Dr Bandelier. Qui souligne qu’on ne proposera pas de chirurgie à un patient âgé mais plutôt de la radiothérapie et/ou de l’hormonothérapie.

Dr BANDELIER Quentin, urologue, CHI Fréjus Saint-Raphaël
Dr BANDELIER Quentin, urologue, CHI Fréjus Saint-Raphaël

La surveillance active évite le surtraitement

On en vient avec ce chirurgien à parler de la fameuse « surveillance active » qui concernerait de 20% à 30% des nouveaux cas de cancers. « On sait que le patient est malade mais on va différer le traitement qui, on le rappelle, a des effets secondaires importants qui affectent la qualité de vie. On décide donc avec l’accord du patient de « surveiller » son cancer en réalisant des examens de contrôle tous les 6 mois puis tous les ans. Il s’agit bien sûr de cancers de faible risque, avec un PSA inférieur à 10, un score de Gleason inférieur à 6 et un toucher rectal plutôt rassurant. »

Le résultat de cette approche maintenant généralisée, qui remonte à une dizaine d’années, est très encourageant : les 2/3 de ces patients ainsi restent en surveillance active après 5 ans de suivi, un tiers est traité. « Après 10 ans, le cancer n’a tué quasiment personne qui était en surveillance active. C’est un traitement qui permet d’éviter le surtraitement. » Auparavant, on traitait tout le monde.

Chirurgie : le recours au robot

Passons à la chirurgie. Le Dr Davide Vanacore, urologue à l’hôpital de Fréjus Saint-Raphaël, a montré un film impressionnant sur la prostatectomie (ablation de la prostate malade) robot-assistée. « Cela dure 2 à 4 heures, le patient reste hospitalisé entre 1 à 3 jours et il garde une sonde urinaire entre 7 et 10 jours. » L’hôpital local ne disposant pas de robot, les patients sont opérés par leur chirurgien à l’hôpital de Toulon.

Des prostatectomies sont cependant toujours réalisées en chirurgie ouverte ou en coelioscopie selon les centres. L’important est de s’adresser à un praticien rompu à cette opération, qu’elle soit robotisée ou « traditionnelle ».

Dr VANACORE Davide, urologue, CHI Fréjus Saint-Raphaël
Dr VANACORE Davide, urologue, CHI Fréjus Saint-Raphaël

Radiothérapie : 20 séances de 5 minutes

Le docteur Nicolas Benziane-Ouaritini, radiothérapeute au Centre Azuréen de Cancérologie de Mougins, a détaillé comment il cible les tumeurs avec des rayons pour détruire les molécules d’ADN. Objectif : éviter la multiplication des cellules cancéreuses. Le patient doit suivre 20 séances à raison de 5 par semaine, chacune durant 5 à 6 minutes.

« Selon les risques, nous avons différentes techniques de traitement. Les malades concernés présentent un risque intermédiaire faible ou fort, et parfois la radiothérapie est associée à l’hormonothérapie. » D’ailleurs le patient se voit proposer le choix entre la chirurgie et la radiothérapie. Les effets secondaires peuvent dicter le choix de l’une ou l’autre.

Dr BENZIANE Nicolas, oncologue radiothérapeute, Centre Azuréen de Cancérologie
Dr BENZIANE Nicolas, oncologue radiothérapeute, Centre Azuréen de Cancérologie.

Et en cas de métastases sur les os ?

Il restait au docteur Marc Pujalte, oncologue médical aux hôpitaux de Fréjus Saint-Raphaël et Draguignan, d’évoquer les traitements médicamenteux en cas de cancer métastatique, quand il a essaimé au-delà de la prostate et particulièrement vers les os et les ganglions. « 5% à 10% des patients entrent dans la maladie au stade métastatique. On peut en mourir. Mais nous avons des traitements qui marchent bien. La pierre angulaire est l’hormonothérapie. La testostérone est le fuel du cancer, il s’en nourrit. On bloque cette sécrétion par des médicaments ou des injections. »

Une autre option existe si la maladie progresse : la chimiothérapie qui, elle, va détruire les cellules cancéreuses. « Ce n’est pas un traitement à vie », rassure le Dr Pujalte. Des innovations sont permanentes, comme la radiothérapie interne vectorisée.

Dr PUJALTE Marc, oncologue Centre Hospitalier Draguignan
Dr PUJALTE Marc, oncologue CHI Fréjus Saint-Raphaël et Centre hospitalier Draguignan.

Prochaines conférences gratuites

Après Marseille et Saint-Raphaël, MProvence invite la population à 3 nouvelles conférences :

  • Nice : lundi 24 novembre à 18h au Stockfish, 5 avenue François-Mitterrand. Tram : arrêt Vauban.
  • Avignon : mercredi 26 novembre à 18h à l’Institut du Cancer Sainte-Catherine, 250 chemin de Baigne-Pieds.
  • Toulon : jeudi 27 novembre à 18h, salon VIP du Palais des Sports TPM, 420 avenue Amiral Aube
Soirée "La Prostate, parlons-en pour nous protéger"
Soirée « La Prostate, parlons-en pour nous protéger »

Renseignements : 06 33 78 35 79

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