Peut-on être rassuré quand on a 60 ans et qu’à l’occasion d’un bilan de santé on vous découvre un cancer de la prostate agressif qui nécessite une opération rapide ? Sans doute pas. En tout cas pas tant qu’on ne sera pas sorti des griffes de la maladie et qu’on n’aura pas retrouvé une qualité de vie optimale. C’est le cas de l’un des auditeurs venu assister à la première conférence sur le sujet organisée mercredi soir à l’hôpital de Fréjus Saint Raphaël avec les médecins du cru, ceux de la clinique des Lauriers et du Centre azuréen de cancérologie.
Diagnostic dès 50 ans
Heureusement, cet homme, sportif accompli, a obtenu de nombreuses réponses à ses angoisses et a pu écouter les témoignages d’autres patients et interroger les soignants. Premier constat : on n’est pas seul face à ce cancer masculin le plus fréquent avec 60 000 nouveaux cas chaque année en France. Le Dr Davide Vanacore, urologue à l’hôpital, a d’abord rappelé l’intérêt de se faire dépister à partir de 50 ans puis tous les un ou deux ans jusqu’à 75 ans – voire dès 45 ans s’il y a des antécédents familiaux de cancer de la prostate dans la famille (père, frère) ou si on est d’origine afro-caribéenne.
Une simple prise de sang et un toucher rectal effectué par son médecin traitant ou un urologue suffisent pour cette première étape, qui reste heureusement sans suite dans la majorité des cas. Il s’agit juste d’un contrôle, qui rassure. Et qui permet donc aux autres – en gros 12% à 15% des hommes – d’éviter une mort précoce. Mais comment savoir si on n’en fait pas partie sans effectuer ce diagnostic ? C’est jouer à la roulette russe.
L’IRM, l’arme fatale pour évaluer la gravité
En cas de suspicion de cancer, le patient passera une IRM, examen non invasif, comme l’a détaillé le Dr Frédéric Fernandez, urologue à la clinique des Lauriers. « Si l’imagerie voit un nodule, cela permettra de cibler la biopsie » puis de classer l’agressivité du cancer sur une échelle allant de 1 (faible risque) à 5 (haut risque).
Son confrère Cédric Vallier a expliqué comment se passe la biopsie sous anesthésie locale ou générale. Il consiste à aller prélever dans la petite glande reproductrice des échantillons qui permettront de confirmer la présence éventuelle de la maladie et de connaître son niveau de gravité. « On sépare la prostate en six cadrans et à l’aide d’une seringue on va prélever deux carottes par cadran. Cela se fait par guidage échographique endorectal. »
Surveillance active : comment ça marche ?
Et après ? Si la présence d’un cancer est confirmée, les médecins ont une panoplie de solutions. La première, qui concerne maintenant plus d’un patient sur 3 et est proposée de plus en plus souvent, c’est la « surveillance active ». Elle s’applique aux cancers indolents, à croissance lente, qui ne mettent pas en jeu la vie du patient.
Pas de traitement radical du cancer comme la chirurgie ou la radiothérapie aux effets secondaires redoutés mais, comme son nom l’indique, une surveillance rapprochée avec des prises de sang tous les 3 ou 6 mois, une IRM tous les ans voire des biopsies régulières. Et ça peut durer toute la vie.
70% de ces patients restent surveillés à long terme
Cela permet de garder le petit foyer cancéreux à l’oeil et d’intervenir uniquement s’il se développe. Aucun risque vital pour le patient. « Il faut cependant une forte adhésion du patient car la surveillance nécessite des bilans répétés », prévient le Dr Ciprian Frasinescu, urologue aux Lauriers. Cette proposition thérapeutique est encore récente, elle a été rendue possible grâce à la précision de l’IRM. « En dix ans de surveillance active, seulement 30% des patients auront besoin d’un traitement agressif contre leur cancer. Donc 70% vivent avec et conservent une bonne qualité de vie. »
Des traitements très efficaces
Il faut évidemment parler des traitements, que ce soit la radiothérapie, la chirurgie, la chimiothérapie ou l’hormonothérapie. Car ils sauvent la vie ! En France, 5 ans après la découverte de ce cancer, 93% des hommes sont en vie et beaucoup ne mourront d’ailleurs pas de ce cancer. L’âge moyen du décès par cancer de prostate est 83 ans.
Le Dr Philippe Ronchin, oncologue radiothérapeute au Centre azuréen de cancérologie, a présenté les traitements par rayons. « Il faut trouver la bonne dose qui va stériliser le cancer » et ne pas (trop) impacter les organes voisins de la prostate que sont la vessie et le rectum. En cas de risque jugé « intermédiaire », 20 séances d’irradiations de 5 à 6 minutes sont appliquées, une par jour, 5 jours sur 7. Pour un risque plus élevé, 40 séances sont pratiquées.
Plusieurs questions ont émané du public sur l’efficacité des rayons et leurs effets secondaires. « Les complications, ce sont des troubles urinaires pendant le traitement et des troubles de l’érection qui peuvent perdurer. »
La chirurgie, si le cancer est localisé
La prostatectomie est évidemment l’autre alternative proposée aux cancers agressifs. 20 000 ablations de la prostate sont ainsi réalisées chaque année en France. La chirurgie concerne des cancers localisés à ce petit organe gros comme une mandarine. Le Dr Fernandez a rappelé qu’elle s’adresse à des patients « qui sont en bonne forme physique – pas de tabac, pas de surpoids -, qui généralement n’ont pas plus de 70 ans – mais on va parfois jusqu’à 75 ans. »
« Le patient doit être bien informé des effets secondaires« , avertit le chirurgien. « Et c’est lui qui décide toujours du traitement. » Ces effets ne sont pas négligeables. Il y a l’incontinence urinaire dans les premiers mois et des troubles sexuels plus ou moins prononcés (souvent plus que moins) mais quasi certains et à plus longue échéance, avec des érections moins vigoureuses voire impossibles. Pourquoi ? Parce que les nerfs érecteurs qui longent la prostate sont fréquemment impactés lors de l’intervention chirurgicale ou de l’irradiation.
C’est aussi une affaire de couple
« Il y aura toujours une sexualité après le traitement. L’impuissance n’est pas une fatalité » assure le Dr Fernandez. D’ailleurs les médecins insistent sur un point : un cancer de la prostate, c’est aussi une affaire de couple. La conjointe (ou le conjoint) doit être mise dans la boucle médicale et bien comprendre les enjeux du traitement. Souvent la femme rassure l’homme parfois réticent à se faire soigner pour cette raison, puis participe avec lui à une réinvention de la sexualité.
Le robot, c’est vraiment mieux ?
A noter qu’il n’y a pas de différence prouvée quant à l’efficacité de la chirurgie, qu’elle soit faite de manière conventionnelle avec une ouverture entre le pubis et le nombril, ou avec l’assistance d’un robot. Dans ce dernier cas, elle est moins invasive – seuls des petits trous sont faits dans l’abdomen pour passer les instruments – et permet de rentrer chez soi à J+1. La récupération est accélérée. Mais elle est également bien plus onéreuse pour l’hôpital ou la clinique car un robot coûte 2 millions d’euros. Et il arrive que le surcoût de 1 200 euros lié à l’usage unique de certains instruments équipant le robot, qu’on appelle des consommables, soit facturé au patient !
« Peu importe la technique ! » conclut le Dr Fernandez. L’important est de s’adresser à un chirurgien parfaitement rompu à ce type d’intervention, que ce soit en chirurgie ouverte ou robot-assistée. Après l’opération, le taux de PSA dans le sang doit être « effondré », en dessous de 0,2. « Si ce n’est pas le cas, on envisagera une radiothérapie » complémentaire. »
L’hormonothérapie
Le Dr Jean-François Paitel, oncologue médical à l’hôpital de Fréjus Saint-Raphaël, a longuement développé le recours à l’hormonothérapie. « Il s’agit de stopper la production de testostérone au niveau des testicules. Le moteur de la prostate, c’est la testostérone. » 3 générations d’hormonothérapies existent et chacune est adaptée au type du cancer. « Chez un patient qui a des métastases, l’hormonothérapie de première génération est préconisée tout le temps. »
Fatigue et fonte musculaire
Là encore, les effets secondaires de l’arrêt de la production de testostérone sont importants avec une disparition de la libido et souvent des érections, une fonte musculaire, de la fatigue accrue, une nouvelle répartition de la masse graisseuse.
Le Dr Bruno Valenza, oncologue médical à l’hôpital, a insisté sur l’importance du cancer de la prostate qui totalise 25% des cancers masculins. Voilà pourquoi il faut s’en préoccuper après 50 ans. Il touchera un homme sur 8. Lui voit passer les hommes dont le cancer a déjà fortement progressé, lorsqu’il est métastatique et s’attaque notamment aux os. Là aussi, il s’agit de bloquer les hormones au long cours et là encore la médecine dispose d’une batterie de traitements très développée.
Le contrôle continue après le traitement
Mais rappelons le : ces traitements permettent de sauver des vies et c’est bien là l’essentiel ! Car en 2024, plus de 8 000 hommes décèdent d’un cancer de prostate en France, soit un chaque heure. C’est pourquoi le suivi post-traitement est si important. Il s’agit de contrôler la maladie, afin qu’elle ne reparte pas, et de regagner une qualité de vie acceptable. C’est ce qu’à présenté le Dr Anthony Kanbar, urologue à l’hôpital. « Le dosage du PSA est fait deux à trois mois après le traitement puis tous les 6 mois pendant 5 ans. » En cas de cancer localisé, cette surveillance est à vie.
Troubles urinaires et sexuels
Bon alors, comment on lutte contre les troubles urinaires et sexuels induits par les traitements ? C’est la grande question à laquelle s’est employé à répondre le Dr Quentin Bandelier, chef du service d’urologie au Centre hospitalier de Fréjus Saint-Raphaël. « Il n’y a pas de traitement parfait et il y a des effets secondaires qui entachent la qualité de vie des patients« , reconnaît-il d’emblée.
Mais c’est aussitôt pour proposer des solutions quand on se retrouve avec des difficultés à uriner ou des envies pressantes répétées. Ainsi de l’électro-stimulation (Urostim ou TENS) très appréciable pour contrôler ces dernières. On place des électrodes sur la cheville, reliées à un boîtier. Elles stimulent le nerf tibial postérieur qui permet de contrôler sa vessie. « En cas d’incontinence urinaire à l’effort, on peut faire de la kinésithérapie, poser un sphincter urinaire et jusqu’à des ballonnets. »
Sexologue et injections dans la verge
Concernant les troubles sexuels, le Dr Bandelier recommande un accompagnement par un sexologue. D’ailleurs, son service hospitalier est en train d’organiser cette proposition. « Les troubles de l’érection sont fréquents après un traitement mais il existe plusieurs solutions, à commencer par les médicaments du type Viagra. »
Et quand c’est vraiment trop faiblard, il préconise les injections dans la verge au moment des rapports. Elles se montrent très efficaces. « Cela peut paraître impressionnant mais tous les patients y arrivent ! Et je conseille de s’y mettre rapidement après le traitement par chirurgie ou radiothérapie sinon le sexe s’atrophie. Si on attend trop pour reprendre une vie sexuelle, il est plus difficile d’avoir des érections et elles font mal. »
Frédéric Limouzy : la sérénité contre le tabou
Après plus de deux heures de conseils et d’échanges sans langue de bois, la conférence se termine mais les auditeurs s’attardent pour grapiller encore quelques informations. Les représentantes de la Ligue contre le Cancer du Var et Balram Dyal de l’association Patients en réseau proposent leur soutien.
Cette première soirée d’information est une réussite qu’avait saluée dans son message d’accueil le directeur général de l’hôpital, Frédéric Limouzy, se félicitant qu’on puisse aborder sereinement ce cancer encore tabou et associer dans la lutte l’hôpital public et les cliniques privées.
Remerciements au Centre hospitalier intercommunal de Fréjus Saint-Raphaël pour son accueil et au Dr Quentin Bandelier et à la chargée de communication, Martine Dufavet, pour leur implication remarquable.
Retrouvez bien d’autres informations sur le cancer de la prostate dans notre rubrique Santé.
cet article vous a plu ?
Donnez nous votre avis
Average rating / 5. Vote count:
No votes so far! Be the first to rate this post.