« L’éjaculation, la masturbation et les rapports sexuels n’ont aucune incidence sur l’évolution du cancer de la prostate. Donc on peut se faire plaisir ! » Tout sourire, face au public réuni hier par MProvence dans le très beau centre universitaire méditerranéen de Nice, le docteur Hélène Giralt ne s’embarrasse pas de pudibonderie pour évoquer les troubles sexuels des hommes après un traitement pour un cancer de la prostate.
Et ils sont nombreux à être concernés ! Ce cancer est de loin le plus fréquent chez les hommes avec 50 000 cas dépistés chaque année. Il se soigne très bien s’il est repéré tôt (et il tue en moyenne en 4 ans s’il a déjà métastasé). Mais les thérapies peuvent engendrer des troubles de l’érection. Ce qui constitue souvent un drame pour les hommes et l’équilibre de leur couple. Un phénomène malheureusement minoré.
Erection en berne : des solutions très efficaces
« C’est un scandale que l’on ne mette pas cela plus en lumière », souligne la sexologue qui intervient au CHU de Nice et à l’hôpital de Menton. Elle ajoute qu’en fonction des traitements, on peut avoir une éjaculation rétrograde dans la vessie, donc du plaisir. Mais là encore, contrairement aux idées reçues, il n’y a aucun danger pour la santé. « Quand on a eu une prostatectomie totale (l’ablation de la glande reproductrice, NDLR), on n’a plus d’éjaculation et c’est troublant. Dans 70% des cas, on constate des troubles érectiles. Idem en cas de radiothérapie, avec en plus des douleurs qui peuvent retentir sur la sexualité. Et si on est traité par hormonothérapie, c’est 90% des patients qui présentent des troubles érectiles. Mais il existe des solutions ! »
« L’érection va revenir, la question est de savoir quand. » Le médecin peut prescrire les médicaments du type Cialis ou Viagra. Sinon le patient aura recours aux traitements mécaniques, avec la pompe à pénis qui fait arriver le sang dans la verge « et il met un anneau pénien pour qu’il ne reflue pas. » Autre technique victime d’une idée fausse selon le Dr Giralt : les injections intracaverneuses – directement dans le pénis – seraient très douloureuses. « Cela ne fait pas mal ! L’aiguille est plus fine que celle utilisée pour l’insuline par les diabétique, et le patient apprend à la faire seul après qu’on lui a montré une ou deux fois en cabinet. Ou bien c’est sa compagne ou son conjoint qui s’en charge. En 15 à 20 minutes, on a l’érection utile qui permet la pénétration. Et 20 minutes, c’est le temps des préliminaires… »
Patrick se donne un coup de peigne et il est prêt !
Invité par le professeur Matthieu Durand, coordinateur de la conférence, à témoigner, Patrick (74 ans) a été opéré voilà cinq ans pour une prostatectomie. Il confirme avec humour : « J’utilise les piqûres, ce n’est absolument pas douloureux. Je dis à mon épouse : je vais me passer un coup de peigne dans la salle de bain, et puis je reviens : c’est fait ! » Précision utile pour comprendre la dédramatisation de cet acte : Patrick est chauve… Il y a donc une vie épanouie après le cancer de la prostate.
Encore une idée reçue, y compris chez certains médecins : le cancer serait moins grave chez la personne âgée. « C’est faux », confirme le docteur Rambault-Collet, gériatre. Il peut là aussi évoluer rapidement. C’est pourquoi les spécialistes ne souscrivent pas à l’idée d’arrêter le dépistage à 75 ans.
3 cancers sur 10 en risque « favorable »
Une autre affirmation consiste à dire que tous les cancers de la prostate se terminent par une intervention. C’était vrai il y a 10 ans, mais les connaissances ont évolué. « S’il n’est pas agressif, on ne va pas forcément traiter », souligne le docteur Delphine Borchiellini, oncologue au centre de lutte contre le cancer Antoine-Lacassagne. Elle précise que 3 cancers sur 10 sont classés en risque « favorable », une bonne partie d’entre eux sont mis sous simple surveillance active.
6 cancers sur 10 sont classés « risque intermédiaire », localisés à la prostate seule. Le traitement sera alors la chirurgie, la radiothérapie ou l’hormonothérapie. Enfin, une fois sur 10 on est face à un cancer « avancé », donc qui a métastasé vers d’autres organes ou les os par exemple. « Nous bénéficions de nombreuses innovations et d’au moins quinze molécules, indique le Dr Borchiellini, qui vont permettre de stabiliser la maladie. Voilà pourquoi se faire dépister est si important. Cela permet de savoir dans quel groupe on est. Mais ce n’est pas pour autant que l’on doit traiter. »
Si votre mère a eu un cancer du sein, le dépistage s’impose
Sur le sujet du risque familial, héréditaire, le Dr Damien Ambrosetti, anatomo-cyto-pathologiste à Nice, et le Pr Durand insistent : « Si on a eu son père ou un frère qui a été touché vers l’âge de 55 ans, cela doit éveiller des soupçons. » Et dans ce cas il faut consulter un urologue et envisager un dépistage par prise de sang et toucher rectal dès 40 ans. Ah oui, il est temps de démonter une demi-vérité bien enracinée : la prise de sang est essentielle mais ne suffit pas. Elle doit être suivie d’un toucher rectal qui permettra de repérer si la prostate, qui voisine avec le rectum, ne présente pas une induration, un aspect « pierreux », typique d’une tumeur.
Et le Pr Durand d’ajouter une information peu répandue mais qui doit alerter nombre de sujets masculins : « Si on a une mère ou une soeur qui a eu un cancer du sein, on peut avoir le même mécanisme à l’origine du cancer de la prostate. Donc il convient de se faire dépister. »
Le vélo ne favorise pas le cancer !
Autre croyance à combattre : si je fais du vélo tous les week-ends, j’ai plus de risque de développer un cancer de la prostate (à cause de la selle qui peut irriter ou comprimer le « nerf honteux »). Faux, répond le docteur Yohan Bodokh, urologue à Nice et Cannes. « Et par ailleurs aucun ingrédient ne permet de réduire le risque de cancer, ni a contrario le favorise. Scientifiquement rien n’est avéré. » Et les graines de courge alors ? Elles peuvent avoir une utilité pour limiter une hypertrophie bénigne de la prostate (qui donne des envies pressantes d’uriner mais est en soi sans rapport avec le cancer, rappelle le Dr Romain Haider, urologue à Nice et Cannes).
Et puis faut-il privilégier l’intervention assistée par robot (c’est bien le chirurgien qui le manipule à distance de la table d’opération, la machine n’agit pas seule !) ? Le docteur Tibi, urologue, en est convaincu. Elle limite le temps d’hospitalisation – parfois en ambulatoire – car elle est moins invasive. Les cicatrices sont réduites, et le geste chirurgical effectué par les pinces qui prolongent le bras du chirurgien est plus précis.
Une association pour les malades
Cependant, il convient d’ajouter que l’assistance par robot n’a pas prouvé sa supériorité thérapeutique. Le résultat pour le patient n’est pas meilleur qu’en chirurgie conventionnelle, ouverte. Heureusement d’ailleurs, car à ce jour près de la moitié des interventions ne peut être réalisée avec un robot faute d’équipements (très coûteux) suffisants. « Moi j’ai eu une opération classique, et la cicatrice n’est pas très importante et ne m’empêche pas de me mettre en maillot« , glisse Patrick, qui est membre de l’Association nationale des malades du cancer de la prostate (ANAMACaP).
Pour en savoir plus sur les cancers masculins, on peut consulter des sites spécialisés comme celui de l’Institut national du cancer (Inca). Pour les témoignages de patients, voir le site anamacap.fr. On peut également retrouver les coordonnées et les recherches conduites par les médecins de la région de Nice, Grasse, Cannes, Antibes ou Menton sur le site imsru.fr
Remerciements à la Ville de Nice pour son accueil, et notamment au conseiller municipal le docteur Hervé Cael, au professeur Chevallier, chef du service d’urologie au CHU de Nice, à Nice-Matin et France 3, ainsi qu’au laboratoire Viatris.
Dernière conférence : Marseille le 13 décembre
Dernier rendez-vous de notre campagne d’information « Soyez Prostache ! » : conférence publique « Cancer de la prostate : le dépister, le soigner, les progrès de la médecine, les conseils pour vivre et surmonter la maladie », mardi 13 décembre à 17h au Palais de la Bourse, 9 la Canebière, 13001 Marseille. Métro ligne 1 Vieux-Port à 2 mn. Entrée libre. Avec le professeur Eric Lechevallier, urologue (CHU Conception), le professeur Cyrille Bastide, urologue (CHU Nord), le docteur Géraldine Pignot, urologue (Institut Paoli-Calmettes), le docteur Jean-Laurent Deville, oncologue (CHU Timone) et le docteur Xavier Muracciole, radiothérapeute (CHU Timone).
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