Comment va le coeur des Aixois ? Couci-couça… En tout cas, il pourrait aller mieux si l’on en croit les propos des médecins qui ont animé la conférence sur les maladies cardiovasculaires organisée par MProvence ce jeudi au Centre hospitalier Montperrin. L’objectif était d’informer sur la manière d’éviter les AVC qui frappent 1 Français sur 5, ou l’artérite des membres inférieurs qui touche 1 personne sur 10 après 70 ans et peut finir par… l’amputation du pied !
Le cerveau vieillit de 3 ans chaque heure après un AVC non soigné
Bref, c’est du sérieux que les experts du Centre hospitalier du Pays d’Aix ont déroulé devant 70 curieux. Première à ouvrir le feu, la Dr Sylvia Di Legge, cheffe du service de Neurologie, a rappelé que 30% des patients victimes d’accident vasculaire cérébral décèdent. Pour les autres, le risque de récidive demeure élevé durant les cinq années suivantes.
« Le cerveau vieillit de 3,6 années par heure pendant un AVC. C’est pourquoi l’urgence de prévenir les secours est primordiale afin que l’on puisse traiter le patient par thrombolyse ou par thrombectomie. » Avec la thrombolyse, les médecins arrivent à recanaliser l’artère bouchée dans 30% des cas seulement grâce à l’injection d’un produit. On monte à 80% pour la seconde technique qui consiste à récupérer le caillot à l’aide d’une pince microscopique.

Les signes qui alertent
Conseil déterminant : si vous faites un mini AVC, ce qu’on appelle un « accident ischémique transitoire » (trouble de la parole, engourdissement d’un côté du visage, perte de force dans un bras, cécité temporaire…), consultez rapidement. Même quand tout revient à la normale au bout de quelques minutes. Car vous êtes alors à très haut risque d’avoir un AVC dévastateur dans les semaines qui suivent.
L’autre grande crainte, c’est évidemment l’infarctus du myocarde. « La douleur est la même que quand on se casse une jambe« , résume le Dr Youssef Rahal, chef du service de Cardiologie et Maladies vasculaires. Autrement dit : la douleur qui surgit brutalement dans la poitrine est violente. Là encore, la réaction est simple : composez le 15 ou le 18 sans vous poser de question !
Les hommes crient, les femmes serrent les dents
Et gare à vous Mesdames : comme vous êtes plus dures au mal que ces Messieurs, que vous vous plaignez peu, on va moins prendre au sérieux vos symptômes alors que vous êtes bel et bien en train d’avoir un infarctus. « Les hommes qui font un infarctus crient comme s’ils accouchaient, rigole le Dr Rahal. Alors que les femmes minimisent toujours leurs symptômes. »
L’hôpital d’Aix a accueilli 422 victimes d’infarctus en 2024. Certains arrivaient des départements alpins. « 10% décèdent dans l’heure qui suit. » La plupart des patients qui ont la chance de survivre se voient poser des stents pour élargir les artères bouchées par des plaques d’athérome et sortent avec un traitement carabiné avant d’entamer une rééducation. Après, si le muscle cardiaque n’a pas été trop endommagé, une bonne hygiène de vie fait le reste.
Vive l’analyse d’urine !
Et les reins dans tout ça ? Ils sont essentiels au bon fonctionnement du… coeur ! C’est la Dr Dominique Jaubert, cheffe du service d’Hémodialyse et Néphrologie, qui a alerté sur la maladie rénale chronique (MRC). Cette « diminution de la capacité de filtration de nos reins » s’avère dangereuse pour le fonctionnement du coeur.
« La MRC ne donne pas de symptômes, pas de douleurs. Elle touche principalement les diabétiques, et les hypertendus de plus de 60 ans, plus les personnes en surpoids et les insuffisants cardiaques et hépatiques. » Voilà qui fait du monde, au-delà des 10 millions de Français qui devraient donc surveiller leur reins et réclamer à leur généraliste d’effectuer une analyse d’urine avec recherche de l’albumine et une prise de sang pour doser la créatinine sérique !

Reins en souffrance = risque d’AVC multiplié
Beaucoup de questions ont été posées à la néphrologue aixoise. « Avoir une maladie rénale chronique multiplie le risque d’AVC de 3 à 5 et celui d’artérite dans les jambes de 2 à 16. » Cela vaut donc le coup d’aller faire pipi dans un petit pot au labo d’analyses… « Il faut également traiter l’hypertension artérielle sinon l’insuffisance rénale s’aggrave jusqu’à possiblement finir en dialyse. »
Diantre ! Quand on sait que 17 millions de Français souffrent d’hypertension mais que bon nombre d’entre eux l’ignorent parce qu’ils ne mesurent jamais leur tension, la Dr Jaubert et ses collègues ont du pain sur la planche… Ajoutons que l’hypertension est la cause majeure d’AVC. Moralité : achetez-vous un tensiomètre !
« En France, on ne mange pas très bien »
Prenant le relais, la Dr Blandine Janand-Delenne était attendue comme le messie. Pourquoi ? Eh bien la cheffe du service de Diabétologie-Endocrinologie avait la mission de nous parler de l’alimentation. En résumé : vive le régime méditerranéen ! Cool, allez-vous penser. Je vis à Aix ou Arles, donc je suis protégé « par nature ».

En effet… si vous utilisez les huiles d’olive, de noix ou de colza au lieu du beurre; si vous ne consommez de la viande rouge que deux fois par semaine et que bien sûr vous cuisinez vos légumes et vous régalez de fruits et de fromage blanc. Pas de barres chocolatées ni de glace tous les jours. Mollo sur le pinard et la bibine, comme sur les chips et la charcutaille. Et les oméga 3 achetés en pharmacie, c’est utile ? Complétement bidon, ça ne sert à rien, affirme l’endocrinologue. Les oméga 3, c’est dans les poissons gras, les noix et les huiles crues par exemple.
« En France, on ne mange pas très bien, déplore la Dr Janand-Delenne. Nous consommons trop de viande, de sel, de sucre et de produits sucrés, de graisses saturées. » Tout le contraire de l’alimentation méditerranéenne recommandée dans le monde entier « car elle est riche en antioxydants et en anti-inflammatoires ». Ce que nos artères et notre coeur adorent. Elle ne fait pas grossir. D’ailleurs attention à la graisse abdominale, elle est dangereuse, « à la différence de la graisse dans les cuisses« .
Le vin rouge protège-t-il nos artères ?
Et le vin rouge Docteur, c’est bon pour nos artères , n’est-ce pas ? On l’a tellement entendu dire grâce aux polyphénols qu’il contient. Un ange passe dans la salle de conférence… « Non, le vin rouge n’est pas protecteur, mais à raison d’un verre par jour, il n’est pas délétère. » Bois-sans-soif passez votre chemin…
C’est quoi alors le secret d’une assiette équilibrée ? C’est assez évident : c’est la variété. Un jour un steak pour faire le plein de vitamines B12 et de fer indispensables à la vie (« les végétariens doivent absolument prendre des compléments alimentaires pour éviter les problèmes neurologiques« ). Le lendemain, privilégiez un filet de poulet, puis deux oeufs (4 à 5 maximum par semaine), des sardines, du maquereau, et des légumineuses (pois, lentilles…) et céréales complètes à volonté… Finissez avec 2 carrés de chocolat à 70%. Il me revient qu’un médecin marseillais spécialiste du cancer du pancréas conseillait également de manger à chaque repas un légume vert (brocoli, mâche, épinard…) ou des fruits rouges, notamment pour tenter de prévenir cette terrible maladie.
« Hé, vous êtes en danger de mort ! »
On a déjà très envie d’adopter de nouveaux comportements alimentaires, c’est l’un des buts de ces conférences sur la prévention. Mais voici qu’entre en piste le Dr Pascal Granier, chef du service de Médecine physique et de Réadaptation. S’adressant à l’auditoire, il n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Hé, vous êtes assis depuis deux heures : vous êtes en danger de mort ! » Stupeur dans l’assistance. Eh oui, on ne cesse de le répéter : la chaise est notre faux ami absolu : la station assise est catastrophique pour notre corps.
« Une étude réalisée dans les bus à étage en Angleterre dans les années 50 avait déjà montré que la mortalité était plus élevée chez les chauffeurs que chez les contrôleurs qui passaient leurs journées à monter et descendre. »
Votre portable, cet agent toxique
Mais le Dr Granier n’allait pas s’arrêter en si bon chemin ! Après avoir dézingué nos chaises et canapés, voici qu’il lançait tout à trac : « Mais l’agent le plus toxique au XXIe siècle pour le coeur et les vaisseaux, vous savez ce que c’est ? » Dans l’assistance, on serre les fesses. Mais qu’est-ce qu’il va bien nous dire ce svelte docteur ? Déjà qu’on est resté assis…
« C’est le téléphone portable ! Quand on était gamin, on passait son temps à faire du vélo, à courir, à marcher, jouer à la balançoire. Aujourd’hui nos ados passent 6 à 7 heures par jour sur leur téléphone. L’OMS parle d’une épidémie de sédentarité. On prépare une bombe à retardement sanitaire. »

Sport et plaisir
Le surpoids et l’obésité prennent en effet des proportions alarmantes chez les enfants (en Europe 35% des 2-7 ans sont déjà trop gros, comme 27% des 11-17 ans). Les adultes, on n’en parle même pas : c’est 1 sur 2. Et on ne voit pas bien ce qui freinerait la tendance. Sauf justement à mettre en pratique les conseils des bons médecins aixois.
« Le côté positif de tout ça, c’est qu’on peut être acteur de l’activité physique, poursuit le Dr Granier. Ne faites pas une activité par obligation ou si c’est une torture. Faites-vous plaisir ! C’est capital. Quand les parents me demandent quel sport est le meilleur pour leur enfant, je leurs réponds que c’est celui qu’il préfère ! »
Pas de clope 2h avant le sport
Et si vous fumez malgré tout – tous ont rappelé que le tabac est le poison absolu pour notre coeur et nos artères : « Il est important de ne pas fumer 2 heures avant et après le sport car votre coeur a besoin d’être bien oxygéné pendant une activité physique intense. » Ultime recommandation : « Après 40 ans, on est prudent« , on ne se met plus dans le rouge quand on fait du sport. Et on surveille son rythme cardiaque qui ne doit pas dépasser la valeur suivante : 220 pulsations/minute moins votre âge. Soit 170 battements de coeur/mn maximum si vous avez 50 ans.
1 100 patients auscultés toutes les nuits
Il restait au Dr Jérôme Taieb, chef du service de Rythmologie interventionnelle et coordinateur scientifique de cette soirée avec la Pr Gabrielle Sarlon de la Timone, à conclure avec une échappée vers les objets connectés. La télécardiologie fait déjà des miracles à l’hôpital public d’Aix. « Nous suivons en permanence 1 100 patients et chaque nuit, à 2 heures, pendant qu’ils dorment, leur pacemaker, défibrillateur ou holter connecté nous transmet un relevé de leur activité cardiaque. Chaque matin nous pointons les alertes signalées et convoquons le patient si besoin. »

Mais ça, c’est pour les personnes déjà suivies pour des maladies cardiovasculaires. Pour les autres, les angoissés ou ceux qui ont par exemple des palpitations sans que le cardiologue en ait trouvé une cause évidente, ils peuvent toujours s’équiper de montres connectées. Moyennant 300 euros, elles réalisent des électrocardiogrammes jugés fiables. « Pour 120 euros, on trouve également sur Amazon un Kardia mobile. Relié à son téléphone par une application, il nous dit si on fait de la fibrillation auriculaire par exemple. Globalement, il ne se trompe pas », juge le Dr Taieb. Lors de sa prochaine visite, le patient pourra ainsi montrer son relevé au médecin.
Mais ne vous rendez pas malade !
Avec le développement de l’intelligence artificielle, nos smartphones vont devenir de véritables scanners de notre corps en multipliant les auto-examens, une surveillance permanente de nos moindres battements, et en proposant une interprétation fondée sur des millions d’autres examens réalisés on ne sait où, on ne sait sur qui, ni dans quelles conditions. Le médecin redoute de bientôt ne plus pouvoir gérer cet afflux de données fournies par des appareils non médicaux et non prescrits.
« Sans compter que ces objets connectés peuvent générer de l’anxiété et de l’hypochondrie chez leurs utilisateurs. » C’est sûr que si je m’inflige un électrocardiogramme tous les jours, je vais guetter en permanence la moindre anomalie détectée par l’appareil. En oubliant que notre coeur et notre organisme ne sont pas des machines ajustées au millimètre, sans pour autant que je sois en danger. « Et puis attention à la surveillance ainsi générée. Imaginez que votre assureur tombe là-dessus ! » prévient le cardiologue.
Le souvenir du greffé du coeur marseillais
Nous voilà donc mis en garde – avec bienveillance – par les toubibs aixois. D’ailleurs, dans l’assistance, le directeur de l’hôpital n’était pas le moins attentif… En fin de conférence, Francis Saint-Hubert est allé prendre conseil auprès de la Dr Janand-Delenne pour composer son petit-déjeuner de façon optimale en y intégrant les raisins secs qu’il adore. C’est une des vertus de nos conférences, les auditeurs peuvent interroger directement les experts.

Une autre auditrice a suivi la conférence jusqu’au bout (2h30 !), c’est l’adjointe au maire Marie-Pierre Sicard-Desnuelle. Elle a confié une anecdote savoureuse, illustrant l’excellence des spécialistes du coeur dans notre région. « J’étais anesthésiste et j’ai participé à la greffe de coeur sur Emmanuel Vitria, réalisée par le Pr Edmond Henry, les docteurs Baille et Montiès. » C’était en 1968 à la clinique Cantini de Marseille. Victime d’un anévrisme, ce représentant en vin avait pu bénéficier du coeur d’un fusilier marin mort accidentellement le même jour. « Il a détenu pendant longtemps le record du plus vieux greffé du coeur en France. » Il est décédé en 1987.
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