Il devait être dévoilé en réunion publique ce 18 septembre à Istres mais la journée prévue de mouvements sociaux a motivé son report au 22 septembre. Après l’avoir diffusé durant le week-end sur son site internet (1), la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a mobilisé la présidente de sa commission particulière, Audrey Richard-Ferroudji, pour qu’elle commente à la presse le compte-rendu rédigé avec son équipe sur le débat public « Fos-Berre-Provence, un avenir industriel en débat », tenu du 2 avril au 13 juillet 2025.

Si elle a maintes fois rappelé les principes d’indépendance, neutralité, transparence, argumentation, égalité de traitement et inclusion qui doivent régir l’attitude de la CNDP et des garants, nombre de participants attendaient, voire redoutaient, en particulier chez les industriels souvent pris à partie dans les réunions, d’en découvrir le contenu. Il faut oser se lancer dans la lecture des presque 200 pages. Mais force est de constater qu’il constitue un outil unique pour appréhender les atouts et contraintes de ce territoire stratégique pour la Métropole Aix-Marseille-Provence. Quel que soit l’investisseur qui veut, demain, positionner un site industriel dans ce bassin, il disposera d’un inventaire précis des obstacles à lever pour convaincre de l’intérêt de son projet…
Un dialogue réinstauré entre des avis opposés
« Nous avons essayé de produire le compte-rendu le plus intelligible possible, explique Audrey Richard-Ferroudji. Ce débat était inédit, il s’est enrichi tout au long, 34 projets étaient dans le dossier initial du débat, il en a finalement évoqué 51 ».
Le premier mérite de ce rapport réside dans sa rédaction : il intègre énormément de citations de participants pour refléter la pluralité (et parfois la brutalité) des points de vue exprimés. Il comble même une déficience souvent flagrante des réunions publiques où les interventions se succèdent et se confrontent : chaque thématique abordée est traitée quasiment comme un dialogue.
Ce choix allège les tensions éprouvantes apparues dans certains échanges, sans nier les divergences. L’organisation du rapport rassemble également, de manière plus cohérente, les différentes thématiques, offrant à chaque lecteur qui n’aurait assisté que partiellement au débat ou pas du tout, une vision globale à défaut d’être exhaustive, pour se forger sa propre idée.
Le chapitre 3, « Quelles industries pour l’avenir ? », détaille les tenants, aboutissants et difficultés des ambitions de décarbonation, de développement de la production d’hydrogène ou des transformations de la sidérurgie. Les demandes recueillies vont obliger les porteurs de projets à accroître leurs efforts de pédagogie, à préciser leurs dossiers, en particulier sur les retombées en emplois, même si leur propre contexte d’activité rend l’exigence compliquée à satisfaire.

Refléter les opinions et les demandes avec loyauté
La CNDP relève une attente sur la priorisation des projets. Aujourd’hui, la masse globale (20 milliards d’euros d’investissements et 10 000 emplois potentiels) peut faire rêver ou inquiéter. Mais la lucidité impose d’admettre qu’ils ne se concrétiseront pas tous forcément, ni simultanément.
Le chapitre 4 « Quels besoins en électricité et quelles solutions ? » se veut tout aussi objectif sur les limites que vit le territoire et comment une nouvelle ligne THT pourrait y remédier. Mais, par l’effet des citations issues du débat, il donne à voir avec une relative équité le préalable incontournable qu’elle représente pour les industriels pour aller au bout de leurs transformations et les menaces qu’elle ferait peser pour d’autres métiers (agriculture, tourisme…) également primordiaux pour la région.
Le débat invite à ne pas s’en tenir aux « figures imposées » par RTE, mais d’explorer les alternatives, pour rechercher un équilibre, tout en sachant que des mécontentements s’exprimeront.

Un virage sur la mesure des « effets cumulés »
Le rapport relate également les préoccupations en matière de prise en compte des risques (naturels, technologiques, écologiques…). Il consacre un chapitre aux « effets cumulés » de l’amoncellement de projets industriels sur l’air, la santé, la ressource en eau, un thème souvent abordé par les citoyens lors des débats précédents et ignoré jusqu’alors.
Menée par les services de l’Etat, une étude a commencé malgré les difficultés à collecter les données. Il devient évident qu’à l’avenir, les industriels ou le Port devront raisonner leurs propres dossiers dans une approche plus collective.
Cette revendication réclame aussi une « gouvernance » claire de l’ensemble des programmes, histoire de tenir le cap en toute transparence. Le bassin de Fos-Berre peut devenir « un exemple national et international de décarbonation et de réindustrialisation » sous condition de veiller à la qualité de vie, la santé, l’environnement, mais aussi par un accompagnement adapté en logements, mobilités, infrastructures, financements ciblés… et autant que possible une tentative de sobriété dans les choix et pratiques.
Des réponses attendues jusqu’aux décisions
Le rapport s’achève sur une liste de « demandes de précisions » et de « recommandations » pour le suivi du débat.
Il appartient aux porteurs de projets industriels en concertation préalable (Air Liquide, GPMM pour Distriport) de répondre avant le 13 octobre, à ceux en liste principale (ArcelorMittal Méditerranée, Engie, Géométhane, GPMM pour Fos 3XL, Marcegaglia et NaTran) ainsi qu’à l’Etat de fournir leurs retours avant le 13 décembre.
Tous les autres peuvent aussi apporter des éclairages, les citoyens ayant clairement exprimé un besoin de réactualisation constante de leur information. « L’outil cartographique des projets mérite d’être prolongé » indique Marc Papinutti, président de la CNDP, à titre d’exemple.
La commission donnera un ultime avis sur les éléments collectés auprès des uns et des autres.
Si un « nouvel âge industriel » peut s’esquisser dans un rapport revisité de l’industrie à son territoire, il reste néanmoins probable qu’au moment des décisions définitives d’investissements des maîtres d’ouvrage ou de celles de l’Etat, notamment sur la ligne THT, les oppositions ne se contentent plus de discours, mais réorientent le débat sur le terrain (manifestations, blocages…) ou en justice (recours). Des associations l’ont déjà annoncé. Comme un retour au point de départ…
(1) Télécharger le rapport complet (PDF)
Jean-Christophe Barla


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