Dépistage + sevrage : la recette anti cancer de la Dr Stéphanie Martinez

1- Se faire dépister grâce au scanner à faible dose. 2- Se faire aider pour stopper le tabac. 3- Obtenir un diagnostic de cancer en 7 jours maximum. La cheffe du service du service des maladies respiratoires à l'hôpital d'Aix explique les nouveaux enjeux de la lutte en 2025. Et donne de bonnes nouvelles dans cet entretien. Elle animera une conférence publique gratuite à Aix-en-Provence le 21 mai à 18h. Venez poser vos questions !

Santé

Le cancer du poumon reste le plus redoutable avec 33 000 décès chaque année en France. Il est souvent grave car il est dépisté tardivement. On observe qu’il impacte de plus en plus de femmes en raison notamment du tabac. Voilà pour le côté sombre de l’affaire. Car on peut dire également que le dépistage de ce cancer progresse. Et que la prise en charge s’améliore. C’est ce que nous allons évoquer avec la docteur Stéphanie Martinez, onco-pneumologue et cheffe du service des maladies respiratoires à l’hôpital d’Aix-en-Provence, spécialiste du cancer du poumon. Un rappel pour commencer notre échange : pourquoi ce cancer est-il si répandu ?

Dr Stéphanie Martinez : Le cancer du poumon est effectivement répandu. Il se situe au 2e rang des cancers les plus fréquents chez l’homme et au 3e rang des cancers chez la femme en France. Le tabagisme est la cause principale. Il est responsable d’environ 80% des cas diagnostiqués. Le tabagisme est très fréquent dans notre société. On estime qu’un tiers de la population est fumeuse, 1/3 sont d’anciens fumeurs et 1/3 est non fumeuse.

Les signaux d’alerte sont tardifs

Cela fait donc beaucoup de monde qui est potentiellement concerné par la menace de ce cancer !  C’est un cancer qui est très agressif. Pour quelle raison précisément ?

Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer en France. La problématique, c’est que le poumon est un organe qui est peu sensible. C’est-à-dire qu’il n’est pas innervé, il n’y a pas de nerfs. Donc on ne va pas avoir de signes immédiats. Il peut y avoir peu de symptômes au début du cancer. On peut retrouver parfois une toux, un essoufflement, un peu de crachats de sang, une fatigue, une perte de poids sans cause. Il va y avoir également des infections respiratoires qui reviennent. Ce sont souvent des signes qui sont légers, qu’on considère comme courants, et qui peuvent retarder le diagnostic.

Donc le cancer du poumon est souvent découvert à un stade avancé, un stade métastatique. Ce sont souvent les métastases qui peuvent déclencher les premiers signes. Ça peut être une métastase cérébrale, une métastase osseuse et malheureusement, à ce stade là, il n’y a plus de guérison possible.

10 à 20 ans après l’arrêt du tabac, l’espérance de vie d’un non fumeur

On va y revenir. 8 fois sur 10 environ, le tabac est la cause de ce cancer. Le mieux évidemment, c’est de ne jamais fumer. Mais si je fume depuis 25, 30 ou 40 ans, est-ce que ça vaut encore le coup de faire l’effort – peut-être énorme – d’arrêter, car c’est une puissante drogue le tabac ?

Il y a toujours un bénéfice à arrêter de fumer. Vraiment. Le sevrage tabagique réduit le risque cardiovasculaire. On sait qu’un an après l’arrêt, le risque d’infarctus est déjà réduit de 50%. Donc c’est vraiment très important le sevrage. Après 5 ans, on estime que le risque de cancer du poumon est réduit de moitié. 10 à 20 ans après le sevrage, on estime également que l’espérance de vie redevient identique à celle d’une personne qui n’a jamais fumé. Donc il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer. Et pendant la maladie, pendant les traitements, l’arrêt du tabac va permettre une meilleure tolérance des traitements. C’est pour ça que c’est très important.

Les économies : motivation numéro 1

D’après votre expérience, qu’est-ce qui est le plus motivant pour arrêter de fumer ? Que vous disent vos patients ?

Parmi les motivations les plus fréquentes qui sont données, la première, c’est faire des économies. Arrêter de fumer un paquet de cigarettes par jour, ça fait économiser plus de 300€ par mois. C’est quand même un coût ! La deuxième motivation, c’est que les personnes veulent voir grandir leurs enfants ou leurs petits-enfants. Et enfin, ils ont envie d’être en bonne santé.

Est-il facile d’arrêter de fumer si on en a la volonté farouche ?

Ce n’est pas simple. Il faut avoir une grande motivation. Mais c’est, vous l’avez dit, une drogue quand même le tabac ! Donc il faut être accompagné. Maintenant on a beaucoup de solutions pour accompagner et aider le sevrage. Il faut consulter des spécialistes et essayer d’être encadré.

Etre encadré avec un médecin, par exemple avoir une consultation de tabacologie ?

Oui, déjà c’est très bien. En parler à son médecin traitant aussi pour commencer.

Les causes environnementales

Etes-vous favorable au vapotage pour remplacer la cigarette ? Ou bien selon vous, cela comporte-t-il également des risques ?

Le vapotage a un risque moindre que la cigarette. Il faut l’utiliser comme un outil de sevrage. C’est important, ça aide à sevrer la nicotine. Bien sûr, l’idéal serait d’arrêter aussi de vapoter. On ne connaît pas encore bien tous les risques. Mais actuellement, c’est mieux d’arrêter de fumer que de continuer à fumer. Il vaut mieux vapoter que fumer une cigarette par jour.

Quelles sont les autres causes qui provoquent le cancer du poumon ?

Il y a plusieurs causes. Le tabac est responsable de 8 cancers du poumon sur 10. Donc c’est vraiment le tabac en premier. Les autres causes peuvent être des facteurs environnementaux, professionnels. On a par exemple l’amiante, les gaz d’échappement des moteurs diesel, le radon, des hydrocarbures, certains rayonnements ionisants ou la silice cristalline (NDLR : dans ce dernier cas il peut s’agir de poussières provenant de l’exploitation des mines ou carrières, inhalées également par les travailleurs des fonderies, des briqueteries, de la poterie, de la céramique, les peintres sur carrosserie…). Donc ce sont des causes environnementales souvent.

Tabagisme passif ancien : c’est… rassurant

Un mot sur le tabagisme passif des personnes qui dans l’enfance ont eu un parent qui fumait, ou ont un conjoint qui fume. A partir de quelle « dose » ingurgitée » et sur quelle durée doit-on s’interroger sur le risque de développer un cancer du poumon à cause du tabagisme passif ?

Ce n’est pas simple de définir une durée ou une dose ingurgitée de tabac pour le tabagisme passif. On définit un fumeur ou un ancien fumeur sur une consommation de cigarettes supérieure à 100 cigarettes dans sa vie. Par contre, il n’y a pas de vraie définition du seuil déterminant un fumeur passif. Mais on sait que le tabagisme passif est responsable de 0 4% des cancers du poumon. C’est un petit chiffre. Et on sait aussi qu’une personne non tabagique, si elle est exposée au tabac, elle a un risque augmenté de cancer du poumon de 26%.

On se rappelle que dans les entreprises, il y a une vingtaine d’années, tout le monde fumait et les non fumeurs travaillaient à côté des fumeurs. Si j’ai été exposé pendant longtemps à du tabagisme passif, est-ce que je dois m’inquiéter, en parler à mon médecin, ou ce n’est pas nécessaire ?

Déjà, il ne faut plus être exposé. Après, on peut en parler à son médecin. Mais si c’est ancien, je pense que déjà c’est plutôt rassurant.

Le dépistage réduirait la mortalité de 25%

La France lance une expérimentation jusqu’en 2030 dans certains hôpitaux pour prescrire des scanners de détection à des fumeurs, comment ça marche ?

Effectivement, l’INCa (Institut national du cancer) a lancé un programme pilote pour le dépistage du cancer du poumon. On est très contents. C’est un programme qui s’appelle « Impulsion ». Il va être déployé sur 2025. C’est un pilote qui ensuite va être généralisé en fonction des résultats. Il va s’adresser aux personnes qui ont entre 50 et 74 ans, des fumeurs ou anciens fumeurs sevrés depuis moins de 15 ans. A ces personnes on va proposer de faire un scanner thoracique à faible dose. Ils vont avoir 2 scanners la première année puis un scanner tous les 2 ans.

En même temps, on va leur proposer un accompagnement pour le sevrage du tabac, pour que ça soit vraiment une approche intégrée de prévention. Les études montrent qu’un tel dépistage pourrait réduire d’environ 20 à 25% la mortalité liée au cancer.

Donc c’est vraiment considérable ?

C’est vraiment l’avenir. C’est très bien ce dépistage.

1 paquet par jour pendant 20 ans

Comment savoir en tant que fumeur ou ancien fumeur si je suis particulièrement à risque de développer un cancer ?

Par exemple, ce programme de dépistage a fixé un seuil de 20 paquets/années. Les paquets/années, c’est une méthode de calcul pour quantifier le tabagisme, l’exposition. Donc on va dire que 20 paquets/années ça représente un paquet de cigarettes par jour pendant 20 ans ou 2 paquets de cigarettes par jour pendant 10 ans. Donc c’est un calcul. Après, le plus simple c’est de discuter de sa situation personnelle avec un professionnel de santé, son médecin traitant par exemple, pour évaluer les risques.

Innovations thérapeutiques

Les traitements contre ce cancer sont-ils suffisamment efficaces ? Le taux de survie à 5 ans est quand même assez faible…

Le cancer du poumon est un cancer de mauvais pronostic. On estime le taux de survie net à 5 ans à environ 20%. Donc le taux peut paraître effectivement faible, c’est le cas. Ce qu’il faut savoir, c’est que ces dernières années, ce taux augmentait. Dans les années 2000, il était à peu près à 14%. Donc on a déjà des progrès qui sont là. Il y a énormément d’innovations thérapeutiques, notamment sur les thérapies ciblées ou les immunothérapies. Ce sont des nouveaux traitements qui ont permis de transformer certains cancers du poumon en une maladie chronique. Donc les personnes peuvent avoir des traitements au long cours pour soigner ce cancer.

Pouvoir faire un diagnostic en 7 jours

Quels sont les progrès espérés dans les prochaines années ? Quelles sont les nouvelles voies thérapeutiques ?

Pour moi, les progrès espérés dans un premier temps, ça va être le dépistage. Le dépistage organisé et l’aide au sevrage du tabac, c’est vraiment ça le numéro un. Dans un second temps, ce qui est important, ça va être de mettre en place des filières de diagnostic rapides pour le cancer du poumon. On sait que plus les délais avant de découvrir qu’on a un cancer sont longs, plus la mortalité est élevée. Donc c’est important d’avoir une prise en charge rapide.

Ça fait partie du plan cancer qui est en cours, qui dit d’accélérer les délais de prise en charge. Dans la région, l’ARS (Agence Régionale de Santé) a lancé des appels à projets. Elle a identifié des centres experts où on peut avoir une prise en charge rapide, des consultations dans la semaine, dans les 7 jours pour faire le diagnostic de cancer.

De nouveaux traitements tous les ans

Et enfin on a l’innovation thérapeutique. Il y a énormément de nouveaux traitements qui nous ont été livrés ces dernières années. Tous les ans, il y a des nouveautés. Il y a surtout des traitements qu’on dit combinés. Des fois, on propose des chimiothérapies conventionnelles, on passe aussi à des immunothérapies ou des thérapies ciblées. Donc il y a des traitements qu’on va associer, plusieurs voies qui sont possibles. Et surtout maintenant, on connaît mieux la maladie. Nous avons la biologie moléculaire et on arrive à avoir des traitements de plus en plus personnalisés pour les patients.

Conférence publique et gratuite à Aix le 21 mai

La Dr Stéphanie Martinez coordonnera la conférence publique à Aix-en-Provence : « A pleins poumons contre le cancer : tabac, cannabis, pollution, progrès de la médecine », mercredi 21 mai à 18h au Centre hospitalier du Pays d’Aix, avenue des Tamaris. Entrée libre. Venez poser vos questions ! Parking public sur place.

 

Inscription ici : https://forms.gle/x6ixwBCstiXRKSQM6

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