Don d’organes : Marseille remonte la pente !

Le taux d'opposition au don d'organes a reculé de 52% à 46,5% en un an à Marseille. Mais les freins restent encore très importants notamment à cause des idées reçues. D'incroyables témoignages ont illustré la soirée spéciale organisée par MProvence et l'APHM.

Santé

Avec un match décisif de l’OM en Champions League en face, et un gouvernement Lecornu dont certains prédisaient la chute au même moment, certains pensaient la partie perdue d’avance mardi soir à Marseille pour d’autres activités moins spectaculaires. Dans cette ville volcanique, l’attention du public était captée ailleurs. Personne ne se déplacerait pour parler du don d’organes un tel soir de décembre… Eh bien non ! Il reste des convaincus de cette cause majeure de santé publique !

Preuve que le sujet est bien enraciné dans les esprits phocéens, une centaine d’auditeurs de tous âges avaient fait le déplacement jusqu’à l’amphi d’Aix Marseille Université sur la colline du Pharo pour répondre à la question : « Etes-vous prêts à donner vos organes ? » Cette conférence organisée par MProvence et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille a d’abord délivré une nouvelle importante : le taux d’opposition au prélèvement d’organes a reculé de 52% en 2024 à 46,5% en 2025 dans la 2e ville de France.

Plus de 100 personnes ont assisté à la dernière conférence de l’année dans l’amphi d’Aix Marseille Université au Pharo ce 9 décembre 2025 (Photos Killian Blisson)

Les lycéens font la leçon

Quel encouragement pour tous ces médecins, infirmiers, étudiants, associations et même une dizaine de lycéens mobilisés à nos côtés depuis seize mois maintenant ! Il serait cependant présomptueux de penser que ce sont les actions de sensibilisation conduites depuis cette date qui ont favorisé cette augmentation de l’adhésion au don d’organes. Mais ça fait du bien de l’imaginer un instant ! Voilà qui donne un regain d’énergie aux troupes.

Car on se rend compte que prendre le temps d’informer la population, ça fonctionne. Exemple avec 4 lycéens (Wiswal, Elias, Chiara et Marion) de Saint-Charles Camas. Ils sont venus présenter ce mardi le résultat de deux sondages successifs sur le don d’organes conduits auprès de 200 élèves de leur établissement du très populaire 5e arrondissement.

Les lycéens de Saint-Charles Camas ont démontré chiffres à l’appui qu’une information précise délivrée par des soignants fait bondir le nombre de personnes favorables au don d’organes.

On passe de 54% à 7% de refus en 2 heures !

Avant la conférence du 18 novembre dernier en présence d’une chirurgienne spécialisée en transplantation rénale, d’une infirmière et d’un jeune greffé, 54% des élèves se disaient opposés au don d’organes. A la fin de la conférence, ce taux de refus avait chuté à 7% et 93% des jeunes se déclaraient (anonymement, donc sans pression extérieure) disposés à donner leurs organes !

« Ils ont été rassurés par les explications fournies, il y avait beaucoup d’idées reçues par exemple sur des interdits religieux, souligne leur professeure, Marianne Roux. Quand les intervenants ont expliqué que toutes les religions sont favorables au don parce que le plus important est de sauver des vies, cela les a éclairés. » « Ce qui explique le refus, ce sont des peurs, des raisons religieuses et le manque de connaissances sur le sujet, ont détaillé les élèves devant l’auditoire. On a compris que l’important est d’en parler à nos familles et autour de nous. »

Le public a longuement applaudi cette intervention qui a remis du baume au coeur à tout le monde. Le combat pour le don d’organes n’est donc pas qu’une affaire de soignants et de vieux citoyens ! Et puis juste un chiffre au passage : en France 23 000 personnes sont en attente d’un organe, près de 1 000 d’entre elles décèdent chaque année faute de greffons disponibles, dont plusieurs dizaines à Marseille y compris 3 enfants l’an dernier.

« On pourrait réaliser 2 à 3 fois plus de greffes »

C’est ce qu’à précisément rappelé la chirurgienne Sophie Chopinet, spécialiste de la greffe de foie à l’hôpital de la Timone. « Nous pourrions réaliser 2 à 3 fois plus de greffes si nous avions les organes pour cela. C’est pour ça qu’il faut en parler quand tout va bien, dire à ses proches si on est favorable au don, car lorsque survient un drame, c’est trop tard pour donner son avis. » Et dans ce cas, souvent la famille éplorée par la mort brutale refuse le prélèvement d’organes parce qu’elle ne savait pas ce qu’aurait souhaité le disparu… Dans le doute, comme on dit, on s’abstient.

La Dr Sophie Chopinet alerte sur l’explosion des maladies hépatiques conduisant à la greffe de foie et affirme qu’on va manquer de plus en plus d’organes, avec des morts inéluctables.

La Dr Chopinet alerte sur un phénomène inquiétant : le nombre croissant de patients qui ont besoin d’un foie de remplacement en raison du développement de la maladie du « foie gras », qui s’accélère avec l’obésité. On va donc avoir besoin de plus en plus d’organes, or l’embellie constatée à Marseille cette année demeure fragile et ne profite pas à tous les organes. En Ile-de-France c’est encore pire avec 53,5% de refus (la palme de la générosité revenant à la Bretagne descendue à 21,3%).

Les étudiants manquent d’infos

Or un seul donneur peut sauver 6 à 7 vies, comme l’ont rappelé les élèves du master Communication d’intérêt général de l’Ecole de Journalisme et de Communication d’Aix Marseille. Ils sont engagés depuis 3 mois sur cette campagne d’information. Ils ont notamment interrogé des étudiants de la faculté Saint-Charles. Il en ressort un manque criant d’informations.

La plupart des étudiants concèdent avoir rarement entendu parler du sujet et leurs connaissances restent vagues. Pas de quoi malheureusement déclencher une adhésion franche au don d’organes en cas d’accident mortel. Là encore, l’ignorance fait le lit du manque de solidarité.

Yachmine Nombre et Jordan Picon ont porté la parole des étudiants.

Le cancer empêche-t-il le don d’organes ?

Ces étudiants ont également épluché les réponses au questionnaire sur le sujet adressé en juin et septembre dernier aux 82 000 étudiants et 8 000 personnels d’Aix Marseille Université. 5 000 ont répondu. « On constate qu’il y a beaucoup d’idées reçues, par exemple sur les raisons qui empêcheraient de donner ses organes, rapporte Jordan Picon. La moitié des répondants pensent que le cancer, le VIH, le tabac ou l’âge sont des facteurs limitants. »

Or c’est faux, très peu de motifs restreignent le don, comme un cancer métastatique. Et là encore, la vraie question n’est peut-être pas de proclamer qu’on est donneur d’organes ou opposant, mais de « favoriser le débat au sein de sa famille, donc d’oser en parler avec des arguments vérifiés », explique Yachmine Nombre, également étudiante.

Greffe de foie à Marseille : 1 sauvetage in extremis

Comme une intervention chirurgicale

Les questions qui ont fusé dans le public ont témoigné de ce préjudiciable manque d’informations permettant de surmonter les peurs et les réticences. « Comment ça se passe avec le corps quand les organes ont été prélevés ? » « Cela se déroule au bloc opératoire, c’est comme une intervention chirurgicale classique, nous refermons les incisions très proprement après avoir prélevé les organes« , répond la Dr Véronique Delaporte de l’hôpital de La Conception.

Infirmière spécialisée, Marion Sainati ajoute que les volontés du défunt et de sa famille sont scrupuleusement respectées par l’équipe médicale. « Si le défunt souhaitait qu’on mette une musique particulière ou qu’on dépose une peluche ou un maillot de l’OM près de lui parce que pour lui c’était important, nous le faisons. Nous respectons totalement ses volontés. »

La double intervention de la Dr Sandrine Wiramus (Agence de la Biomédecine chargée notamment de la répartition des organes en fonction des urgences) et du Dr Marco Caruselli, responsable de la Coordination hospitalière des prélèvements d’organes à Marseille, a suscité beaucoup d’interrogations. « Pourquoi lorsqu’on fait notre carte Vitale on ne nous demande pas de dire si oui ou non on est favorable ? » « La loi française dit qu’on est tous présumés donneurs d’organes, mais alors pourquoi on demande l’avis des familles ? » « Qu’est-ce qui explique que tant de gens refusent ce geste de solidarité alors qu’ils sont déclarés morts ? »

Dr Marco Caruselli et Dr Sandrine Wiramus.

« Je ne donne rien à cette société »

Pour le Dr Caruselli, certains refusent car ils sont en révolte contre la société : « Elle ne me donne rien, donc moi non plus je ne donne rien. » « Est-ce que si 100% des personnes prélevables donnaient leurs organes on pourrait greffer tous les malades qui en ont besoin ? » demande une auditrice. « Oui, car en moyenne un patient prélevé l’est de 4 organes et demi. »

« Comment être sûr que ma volonté sera respectée par mes proches ? » La question revient sur le tapis à plusieurs reprises. Car il suffit qu’une seule personne de l’entourage s’oppose au prélèvement pour que les chirurgiens n’interviennent pas. Même si le défunt avait martelé son accord !

Les autorités se voilent la face

Les auditeurs mettent le doigt sur un problème crucial qu’ignorent les autorités de santé françaises qui considèrent que, la loi disant généreusement qu’on est tous présumés donneurs, le problème est réglé. Archi faux ! Une grande partie des citoyens étant dans l’ignorance du sujet comme nous le constatons systématiquement au fil des conférences, comment penser qu’ils y seraient spontanément favorables ? Par l’opération du Saint Esprit peut-être ?

Pourquoi s’obstiner à ne pas poser la question en pensant que ça va naturellement bien se passer ? Pourquoi ne pas permettre d’enregistrer la réponse (qui serait modifiable bien sûr, la numérisation des documents officiels élargit le champ des possibilités) lors de la délivrance de la carte Vitale, du permis de conduire ou de la carte d’identité par exemple ? L’autre vertu d’une telle procédure serait que chacun serait ainsi amené à réfléchir au sujet au début de sa vie adulte et de citoyen responsable.

Les cathos à 100% d’accord

Les religions ont également un rôle majeur à jouer. Car bien des familles refusent le prélèvement d’organes au nom de leurs croyances religieuses, notamment celle qui voudrait que le corps amputé de son coeur et de ses reins ne sera plus apte à ressusciter. La religieuse Krystel Bujat glisse que, de toute façon, il ne reste rapidement plus rien d’un corps enterré ou incinéré et que la résurrection se joue à un autre niveau, spirituel.

Soeur Krystel Bujat, déléguée du diocèse catholique de Marseille.

Cette déléguée de l’Eglise catholique affirme au contraire avec vigueur que le don d’organes est absolument recommandé par les derniers papes et le catéchisme officiel. « La donation des organes après la mort est un acte noble et généreux et doit être encouragée. Pour un chrétien, la vie ne s’arrête pas à la vie ici-bas, elle est éternelle. Quand on aime quelqu’un, on donne de sa personne. Pourquoi à notre mort on se renfermerait pour ne plus donner ? » Puis la Soeur assène son coup de massue : « Aux gens qui refusent, je demande : si la vie de  l’un de vos proches était conditionnée à un don d’organe, quelle serait votre réaction ? Le refuseriez-vous ? »

Don d’organes : même Dieu est pour !

Tous des candidats potentiels à la greffe !

Pour la professeure Valérie Moal, néphrologue et présidente de la Commission de transplantation de l’APHM, tout le monde doit se poser cette question. Elle a fait oeuvre de pédagogie en démontrant que nous pouvons tous êtres victimes d’une hépatite fulminante à cause d’un surdosage de paracétamol ou du virus de l’hépatite A ou E, que l’abus d’alcool (un fléau français…) peut conduire à la cirrhose et la nécessité d’une greffe de foie, comme certains cancers ou encore l’obésité.

Pr Valérie Moal, présidente de la commission de transplantation de l’APHM.

« Pour le coeur, n’importe quel virus peut engendrer le besoin d’une greffe cardiaque, mais aussi des infarctus à répétition qui provoquent une insuffisance cardiaque. Pour les poumons, la BPCO notamment chez les fumeurs ou des maladies génétiques peuvent nécessiter une greffe. Pour le rein, la bactérie Escherichia-Coli parfois présente dans la viande, des champignons toxiques également,  peuvent les toucher. Donc nous pouvons tous être concernés par la greffe d’un organe vital. »

Des organes d’animaux : pas demain la veille !

Pour palier ce manque de greffons, l’espoir viendra-t-il des organes d’animaux génétiquement modifiés, sur lesquels sont menées d’ardentes recherches ? Ou bien des organes artificiels pourront-ils remplacer les organes humains défaillants ?

N’y pensez même pas ! avertit le Dr Raphaël Godefroy, néphrologue à l’hôpital de La Conception. En tout cas, pas avant plusieurs dizaines d’années. « Les animaux c’est expérimental, on est dans le champ exploratoire« . Et aucune machine ne fonctionne à long terme, aucune n’est miniaturisée. « Le coeur artificiel Carmat par exemple n’est qu’un appareil de substitution permettant d’attendre une greffe de coeur durant quelques mois tout au plus. Il n’existe aucun organe entier qui fonctionne à long terme. C’est de la science-fiction ! »

Dr Raphaël Godefroy, néphrologue.

Noah, greffé du coeur à 9 ans

Noah a incarné le visage de l’espoir de cette soirée formidable. Ce jeune homme de 19 ans atteint d’une maladie génétique a reçu un coeur voilà dix ans à la Timone-Enfants. Accompagné de sa médecin référente, la Dr Florentine Garaix, il a partagé son quotidien riche d’activités en tous genres. « J’ai eu mon Bac, je poursuis mes études en école de cinéma et d’animation, je fais du sport. » Il a même porté la flamme olympique en mai 2024 à Marseille et participé cette année aux Jeux mondiaux des transplantés à Dresde en Allemagne. Avec l’équipe de la Timone, ils ont fait une razzia sur les médailles !

Noah Serral-Lopez, greffé du coeur, et Dr Florentine Garaix, hôpital de la Timone-Enfants.

La maman de Noah rappelle toutefois les contraintes que sont les visites de contrôle à l’hôpital tous les 2 à 3 mois, les médicaments anti rejet matin et soir, la vigilance sur la moindre infection… « Sinon Noah a une vie tout à fait normale. Avant la greffe, il n’arrivait plus à marcher ni a manger. La greffe a été une renaissance. »

2026 : on repart au combat

La Dr Garaix a rappelé que 360 enfants sont en attente de greffe en France et qu’une vingtaine décède chaque année faute d’organes disponibles. Le taux d’opposition au prélèvement d’organes y est plus élevé que chez les adultes.

La mission en faveur de l’information sur le don d’organes se poursuit. Mardi à 21h chacun est reparti avec son sticker collé au dos du mobile : « Je dis oui au don d’organes. Parlez-en à vos proches ». Prochain rendez-vous : séance spéciale de sensibilisation jeudi 5 février au Stade Marseillais Université Club à l’occasion de l’ouverture du Tournoi des 6 Nations. Puis la ronde des conférences dans les lycées reprendra. Le jeu en vaut la chandelle. Elle ne doit pas s’éteindre !

Le nouveau sticker, dévoilé ce 9 décembre 2025 pour être collé derrière les smartphones et les ordinateurs, va faire jaser. C’est justement le but, susciter la discussion !

cet article vous a plu ?

Donnez nous votre avis

Average rating / 5. Vote count:

No votes so far! Be the first to rate this post.

Partagez vos commentaires.