C’est la grande crainte des parents : que son enfant soit DYS. On a l’impression d’assister depuis 10 à 15 ans à une flambée d’enfants atteints de dyslexie, de dyspraxie, de dysorthographie et même de dyscalculie. On estime d’ailleurs que 6 à 8% de la population souffrirait de troubles cognitifs spécifiques, soit quand même 5 millions de Français. Ces troubles sont-ils en train d’exploser dans notre société ou bien sont-ils surévalués ?
Christelle Quenard : Ni l’un ni l’autre. Ils ne sont pas surévalués et ils n’explosent pas, mais en fait, aujourd’hui, on arrive à les identifier. La population générale, sans être spécialisée, a entendu au moins une fois parler de dyslexie. Donc le fait que tout le monde connaisse un peu ce qu’est le « dys », on va arriver plus facilement à envoyer son enfant chez l’orthophoniste, chez le psychologue, avec ce questionnement-là qui ne sera peut-être pas finalement diagnostiqué. Mais il y a une connaissance qui est plus importante de la population générale sur ce qu’est un dys.
Je ne comprends pas ce que je lis
Quels sont les troubles que vous observez le plus fréquemment, et qui concernent-ils ?
Ce qui revient le plus fréquemment, c’est la dyslexie. Et ça concerne tout le monde. Les enfants, garçons et filles sans distinction, les adultes. Des patients adultes sont venus me voir et on a diagnostiqué un trouble dyslexique et dyscalculique.
Rappelons ce qu’est la dyslexie…
Pour faire simple, c’est quand on va confondre le P et le B dans la lecture. Aussi quand on va avoir des difficultés à tirer du sens de ce qu’on est en train de lire, à comprendre une consigne. C’est vraiment en lien avec les lettres, avec la compréhension du texte.
« Il est maladroit cet enfant ! »
A quel âge ces troubles sont-ils repérables ? Y a-t-il des indices pour les parents ?
Petit, on peut repérer les troubles dyslexiques. La dyspraxie par exemple, c’est quand on va dire d’un enfant « Oh la la ! Qu’est-ce que t’es maladroit ! » On peut penser à la dyspraxie. Après, on ne dramatise pas non plus. A chaque fois qu’on voit son enfant renverser un verre ou confondre un mot, on ne va pas tout de suite l’emmener chez l’orthophoniste et chez le psychologue ! Mais ce sont des éléments qui peuvent mettre la puce à l’oreille.
Et cela peut commencer à quel âge ?
On va dire aux alentours des 3-4 ans.
Ecouter l’alerte des enseignants
Comment se matérialisent ces troubles dans les apprentissages ?
Les dys, donc effectivement ce sont des troubles de l’apprentissage. Donc on peut voir un retard par exemple. Les enseignants peuvent alerter puisqu’ils sont tous les jours et plusieurs heures par jour avec l’enfant. Il y a quand même des éléments qui vont les alerter. Quand l’enfant a plus de difficultés à apprendre, ou par exemple quand on voit qu’il n’a pas envie d’aller à l’école, on peut se questionner. On peut se questionner sur la phobie scolaire parce que, ça aussi, c’est pareil, on en entend énormément parler. Si l’enfant n’a pas envie d’aller à l’école, qu’il n’aime pas l’école, qu’il trouve que c’est difficile, c’est à questionner. Ce sont vraiment des éléments plus matériels qui permettent de se questionner.
Vous avez du mal à gérer votre budget ?
Au-delà des apprentissages scolaires, ces troubles dys ont-ils l’impact sur les autres aspects de la vie ? La vie sociale, affective ou plus tard professionnelle…
Oui, oui. Par exemple, sur la dyscalculie, ça amène à des difficultés. En résumé, la dyscalculie c’est un problème qui est de mettre du sens sur les chiffres. Faire les opérations et avoir le « sens de l’argent » comme on dirait communément. Dans la dyscalculie, on peut avoir des difficultés à gérer son budget. Dans la vie de tous les jours, c’est problématique. Dans la dyslexie, si vous avez des difficultés à comprendre les consignes et que vous avez un métier où vous devez répondre à des consignes, ça peut être problématique aussi.
Quelle est l’origine de ces troubles dys ? On dit que c’est une maladie génétique par exemple ?
Ce sont des troubles cognitifs et neurodéveloppementaux. On va aller voir vraiment dans le cerveau, c’est-à-dire dans le fonctionnement cérébral et neurologique.
Parent dys = enfant dys ?
Est-ce qu’il y a des familles de dys ? C’est-à-dire que si un des parents est dyslexique où dyspraxique, son enfant présente-t-il un risque plus élevé de l’être à son tour ?
Oui. Pas parce que c’est génétique, qu’on a le gène de la dyslexie. Mais ça peut se faire par observation puisque les apprentissages se font aussi par observation. Si le parent a un trouble dyslexique et qu’il va sans le vouloir mal apprendre un mot ou une façon de dire, ça peut être transmis de cette manière-là, par observation.
Les stratégies pour surmonter les difficultés
Les troubles cognitifs sont reconnus comme un handicap depuis 2005. Peut-on cependant les améliorer, voire carrément les surmonter ?
Oui. Je vais faire de la révélation de soi. Ce qu’on appelle la révélation de soi en thérapie cognitive et comportementale. J’en suis la preuve. J’ai une dyslexie que j’ai diagnostiquée toute seule, je ne sais plus d’ailleurs comment est-ce que je m’en suis rendu compte. Je confondais quand j’étais petite le P et le B dans le son. Pas à l’écrit mais dans le son. Et le C et le S.
En fait, on va mettre en place tout un tas de stratégies pour pouvoir surmonter (ces difficultés). Le travail avec l’orthophoniste va permettre d’avoir des techniques un peu plus cognitives et, dans le travail avec la psychologue, on va utiliser d’autres outils et d’autres techniques que l’orthophoniste de manière à pouvoir intégrer ce trouble dans la vie de tous les jours et ne pas pour autant avoir une mauvaise estime de soi, une mauvaise confiance en soi et considérer que je ne vaux rien parce que je suis dyslexique ou dyscalculique, et que je n’arrive pas à gérer mon budget ou que quand j’écris je fais des fautes…
On peut être dys et réussir professionnellement !
On peut être dyslexique, dyscalculique ou dyspraxique et faire de très belles études, une très belle carrière…
…et faire une thèse ! Alors avec quelques coquilles dedans ! Mais on peut, oui, ça n’empêche pas de pouvoir vivre et fonctionner et réussir. C’est quelque chose qui est différent de l’intelligence. Mais bon, l’intelligence, il faudrait la définir de manière plus concrète…
Est-ce que ces troubles dys nécessitent souvent un passage chez l’orthophoniste justement quand on est enfant ?
Pour poser clairement le diagnostic et pour avoir quelques outils pour que l’enfant aille se dépêtrer rapidement de ça, oui. Je ne considère pas que ce soit un luxe. C’est important, on amène l’enfant chez l’orthophoniste. L’orthophoniste va donner quelques outils, et puis après il peut repartir pour toute sa vie sans aucun souci, en ayant vu 2-3 fois l’orthophoniste.
Un manque de confiance en soi
Les patients dys que vous recevez ont-ils plutôt une personnalité renfermée à cause justement de leurs troubles, ou est-ce que ce sont des gens qui sont à l’aise dans la vie ?
Il y a de tout, ça peut amener à se renfermer, ça peut attaquer l’estime de soi et la confiance en soi puisque je n’y arrive pas, je vois que je ne suis pas aussi fort que les autres. Donc ça peut amener à se renfermer sur soi et être complètement à l’inverse de ce qu’on disait précédemment – à savoir que les dyslexiques sont plus à l’aise en public. A l’inverse, ça peut vraiment être difficile pour eux de s’exprimer par manque de confiance en eux.
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