Après deux années passées à la direction des Girondins de Bordeaux et une expérience à l’Union Bordeaux Bègles, le Marseillais Jacques d’Arrigo s’est relancé dans le football et l’entreprenariat en s’associant avec deux jeunes ingénieurs pour commercialiser une nouvelle application promise à un bel avenir : Footbar.
Les footballeurs fous de statistiques et de big data vont adorer. Footbar, c’est une appli capable de calculer en temps réel toutes les données techniques et physiques individuelles de quelqu’un qui tape dans un ballon rond. Commercialisée dans tous les magasins Décathlon, elle a déjà été adoptée par plusieurs jeunes provençaux, notamment des pensionnaires du Smuc, à Marseille. Pour Noël, Jacques d’Arrigo annonce même une évolution avec le « premier classement individuel du footballeur » qui permet aux sportifs – comme au golf ou au tennis – de connaître au quotidien son évolution personnelle, avec des systèmes de montée et de descente. Entretien avec le chef d’entreprise responsable de cette aventure numérique.
Comment est né le projet d’application Footbar ?
« Il y a un an, je me suis rapproché de deux ingénieurs, Loïc Manent et Sylvain Ract, qui avaient travaillé à partir d’un constat : à savoir que le sport le plus populaire au monde n’était pas logé à la même enseigne en termes de digital, produits connectés, par rapport à la plupart des autres activités sportives les plus connues. Ils ont créé un capteur avec une intelligence artificielle qui comprend le mouvement de la jambe et tous les gestes techniques. Cela parait presque surréaliste, mais c’est un travail de longue haleine qui a été mené pendant plus de 6 ans. Ils ont eu la chance pour cela d’avoir accès à des centaines de milliers de vidéos fournies par un de nos partenaires historiques : le Five, qui possède plusieurs salles de foot indoor en France. L’enseigne a la particularité de pouvoir filmer tous les matches sur ses terrains et grâce à la comparaison des gestes de centaines de milliers de joueurs, l’intelligence artificielle a été capable de comprendre la différence entre une conduite de balle, une passe courte, une passe longue, un tir… Avec notre nouvel outil, à la fin de votre entraînement, de votre match ou de vos exercices spécifiques, l’application détectera combien vous avez pu réaliser de tirs, de kilomètres, à quelle vitesse sur chaque action ? Pour pouvoir dire si vous avez tiré plus fort que Zidane ou Zlatan, ou davantage couru que Kanté ! »
Après deux expériences à la direction de grands clubs sportifs girondins, pourquoi avoir tenté ce pari qui s’ouvre ainsi à toute la France ?
« Quand mes deux associés venaient de lancer leur application, il n’y avait pas la possibilité d’évaluer ses statistiques personnelles sur son propre téléphone. J’ai tout de suite vu l’incroyable opportunité de créer une telle catégorie de produit et d’aller dans cette voie. Nous avons très peu de concurrents sur le marché. Il y a tout à construire. Cette nouvelle aventure m’a permis de me rapprocher à nouveau des Ligues régionales, de retrouver les terrains des clubs amateurs sur la région bordelaise. J’ai vu très souvent des étoiles dans les yeux des jeunes qui essayaient l’appli. Il faut revenir à cette sensation qui doit avant toute chose nous relier au football : la passion du jeu, car avant de rêver un jour de devenir professionnel, il y a d’abord et surtout le simple plaisir du jeu, d’être ensemble, de tripoter la balle sans se prendre la tête en restant curieux, chiffres à l’appui, de la réalité de ses performances. »
Rendre le jeu encore et toujours plus ludique
Quels sont les grands bénéfices que devraient apporter l’appli’ aux passionnées de foot ?
« L’enjeu n’est pas uniquement la performance. Avec cet outil, par la même occasion, vous allez pouvoir rendre objectives toutes les discussions d’après-match ! Celles où vous allez dire, au cours de la 3e mi-temps ente copains, que tel ou untel n’a pas assez couru, tiré, cadré, taclé, dribblé, défendu, attaqué, marqué, etc. On s’est beaucoup focalisé sur le football amateur pour penser et développer l’outil. On entend clairement dans la démarche aider à le relancer, lui qui perd beaucoup trop de licenciés en France. Il a connu exactement 8 % de pertes l’année dernière, sur une base de deux millions de pratiquants, cela fait 160 000 joueurs en moins sur un an. Ce qui signifie plusieurs choses. Tout d’abord le football à onze attire moins. Ensuite, la structure de club est en danger parce que beaucoup de clubs sont financièrement à l’agonie. Enfin les jeunes sont restés malheureusement depuis un an et demi chez eux, devant leurs écrans, avec les problèmes de santé publique que cela entraîne, comme l’obésité. »
Quel regard précis portez-vous à la tête de votre jeune entreprise sur l’évolution des objets connectés dans le monde du sport ?
« Nous sommes tout à fait conscients que le numérique et le digital font désormais partie intégrante de la vie des jeunes générations, et même souvent des plus âgées, donc nous préférons intégrer la dimension numérique dans cette société qui vit autour et joue avec. A la fin de votre match, vous allez pouvoir aller dans notre appli’ qui reprend d’ailleurs un peu les codes du jeu Fifa sur Playstation. Mais le but est de davantage pratiquer le sport en allant sur le terrain, de participer à des challenges en sortant de chez soi, de savoir qui a la frappe la plus lourde de votre club, de votre ville, quartier, arrondissement ? De pouvoir mettre un nom sur le joueur le plus rapide qui habite près de chez vous ? Tout peut désormais être quantifié, et c’est une grande première dans le football. »
Quelles sont les grandes différences de votre outil par rapport aux brassières GPS utilisées depuis plusieurs années par les clubs pros lors des entraînements ?
« Les clubs utilisent depuis longtemps ces brassières qui calculent uniquement des données physiques et cardiaques. Donc ce sont plus des performances physiques qui se dégagent, car les préparateurs physiques sont obsédés par la répétition des efforts à haute intensité ! Nous ne sommes pas sur ce registre. Notre capteur est très discret et très léger. Il est positionné autour du mollet, sous le genou, afin qu’il soit au plus près du ballon et donc au cœur du jeu. Nous n’avons pas vocation ensuite à aller remplacer des brassards GPS qui coûtent des milliers d’euros en termes d’investissement. On entend toucher tous les footballeurs de 7 à 77 ans dans leur pratique quotidienne. Il n’y a pas de raison qu’un quadra ou un quinqua, le dimanche, en jouant avec ses potes, ne puisse pas lui aussi avoir envie de mesurer ses efforts, sa technique. Notre capteur se veut être accessible à tout le monde. »
Pouvez-vous davantage nous décrire le dispositif technique de votre application, son prix, sa commercialisation ?
« Vous devez mettre un élastique qui s’accroche sous votre genou avec un petit capteur de 8 grammes. Les arbitres peuvent l’accepter en match, car il est recouvert avec la chaussette. L’appli’ commence doucement à faire son chemin. Elle est disponible chez Décathlon pour 99 €. Elle est ludique et je vous annonce que juste avant Noël nous allons lancer une nouveauté avec l’ambition de créer le premier classement individuel du footballeur. L’idée : au tennis, au golf, on peut connaître au quotidien son évolution et son classement individuel, mais cela n’existait pas en football. On a décidé de créer dix divisions avec des systèmes de montée et descente, exactement comme en Ligue 1 et Ligue 2, avec un système de gratification de points lié à la pratique. Il faudra sortir sur les terrains, courir, pour accumuler un maximum de points chaque semaine et pouvoir se retrouver dans les meilleures divisions. En raison du fait qu’aujourd’hui de nombreux footballeurs n’évoluent plus dans l’univers fédéral pour préférer passer à l’indoor ou au beach-soccer, l’appli repère aussi quatre types d’activités : soit la course à pied, soit un entraînement où seront identifiés les différents exercices, soit le foot sur petit terrain, soit le foot à onze.
Rendre au football ses lettres de noblesse
L’outil paraît avoir clairement un avenir auprès des clubs professionnels, y pensez-vous ?
« C’est certain, pour les clubs professionnels le marché pourrait également s’avérer énorme. Pour le moment, je me dis surtout que l’application peut très vite servir les entraîneurs des équipes de jeunes des centres de formation. Cela leur donnerait en effet un outil supplémentaire, qui pourrait même leur devenir indispensable, afin d’améliorer leur entraînement, mieux piloter leurs joueurs, surtout à distance. La préparation physique d’avant saison est le plus souvent très dure à suivre. Les jeunes sont dans leur famille respective et les entraîneurs ne savent jamais ce qu’ils font. Avec l’outil, ils pourront le savoir instantanément. Nous restons une start-up hyper humble même si nous nourrissons une légitime ambition liée au regain d’intérêt pour la pratique sportive dont Footbar est le vecteur direct. Nous souhaitons rendre au football ses lettres de noblesse populaire et en même temps encourager le public à la pratique sportive dans sa dimension ludique et de loisir. Concrètement, on est au démarrage d’une belle aventure. Si nous arrivons à avoir et rapidement avec nous plusieurs ambassadeurs, ce serait un gros plus ! »
Comment jugez-vous la cohabitation actuelle entre le football professionnel et le football amateur ?
« Je pense qu’il s’est creusé au fil des dernières années un écart considérable entre le football professionnel, qui génère des revenus démentiels avec des salaires exorbitants pour les joueurs les plus connus, et le football d’en bas : amateur. Ce dernier se trouve être de plus en plus en manque de tout : ballons, terrains, éclairage, bénévoles… J’ai l’impression qu’il y a un football à deux vitesses en France avec une fédération, la FFF, qui fait très bien son travail dans la dimension professionnelle, mais pas comme il le faudrait dans le monde amateur. Il est urgent d’agir pour que les nombreux bénévoles qui animent les clubs amateurs ne soient plus tentés de déserter les clubs qu’ils aiment. Il est indispensable qu’un effort collectif, impulsé par les politiques, les pouvoirs publics, les grandes entreprises privées, soit impulsé afin que naisse une nouvelle prise de conscience. »
Qu’entendez-vous par une nouvelle prise de conscience ?
« Si le sport est devenu l’une des sept raisons officielles pour sortir de chez soi pendant le confinement, cela signifie qu’il y a déjà eu une première prise de conscience pour signifier qu’il est aujourd’hui un enjeu de santé publique majeur. Il faut penser à remettre de l’argent dans le football amateur car il court à sa perte. A Vincent Labrune (président de la Ligue de foot), Noël Graët (président de la FFF) de se bouger. Et soyons enfin modernes ! Nous sommes par exemple à des années lumières dans le foot féminin de pays comme les USA, les Pays-Bas ou l’Angleterre. Le foot est aujourd’hui, en 2021, un sport vraiment mixte ! Mais combien de temps devra-t-on encore attendre en France pour aller franchement dans ce sens ? On a grandement besoin de secouer le cocotier, il y a urgence ! »
Propos recueillis par Bruno Angelica
Deux premiers grands partenariats
Jacques d’Arrigo poursuit : « Nous avons la chance d’avoir deux partenariats très importants avec Décathlon au niveau français et avec la Fédération de football des Pays-Bas. Cette dernière est en avance, car elle a compris qu’il fallait innover pour pouvoir recruter des nouveaux footballeurs et surtout ne pas ou plus perdre des talents en route. Nous pensons que l’application pourrait un jour très bien devenir un outil d’aide à la décision des scouts et recruteurs. Qu’elle soit aussi complétée par des conseils de nutritionnistes au quotidien en temps réel. Par des conseils également de coachs sur le plan mental, de préparateurs physiques.
Un modèle à suivre : Strava
« On se positionne comme le Strava du football » ajoute l’entrepreneur, « cette application est aujourd’hui prisée par de nombreux cyclistes et joggers. Elle compte plus de 70 millions d’utilisateurs, c’est une application qui est juste incroyable en termes d’expérience et de communauté. Cet outil n’existait donc pas sur le football, le sport le plus pratiqué au niveau mondial, l’enjeu est là ! »
Les premiers ambassadeurs : Cédric Bakambu et Jimmy Briand
« Notre volonté est de pouvoir médiatiser cette technologie » conclut le chef d’entreprise, « un pilote français de F1 vient de nous rejoindre au capital. Pourquoi ? Il nous a dit être entouré au quotidien d’objets connectés dans son sport, mais qu’il ne voyait toujours rien dans le football !… L’attaquant international congolais Cédric Bakambu a choisi de nous accompagner. Il évoluait en Chine mais devrait très bientôt retrouver un top club européen. C’est un grand avant-centre, je crois beaucoup en lui. Jimmy Briand, que j’ai connu à Bordeaux et qui est devenu un ami, est aussi avec nous. D’autres joueurs, et peut-être du côté des champions du monde, devraient bientôt nous rejoindre. »https://www.youtube.com/watch?v=3CzP2sUVDA0&t=5s
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