Aux origines d’un destin industriel
C’est en 1929, avec la construction de la raffinerie Shell de Berre-l’Etang, que s’est noué le destin industriel de cette zone comprise entre le nord de Marseille et l’embouchure du Rhône. Mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que son développement s’est accéléré, même si le projet élaboré dès le début des années 1950 a dû évoluer avec la réalité économique et géopolitique mouvante de l’époque, jusqu’à sa concrétisation véritable, à la fin des années 1960. Entretemps, l’empire colonial français avait eu le temps de se disloquer, assombrissant quelque peu les perspectives du port de Marseille, alors premier port de France, et conduisant l’Etat et les industries candidates à l’installation sur le littoral des Bouches-du-Rhône à revoir leurs ambitions et leur stratégie.

La naissance de la zone industrialo-portuaire
Au début du processus, il avait ainsi été envisagé de créer à Fos, non seulement une usine sidérurgique, mais aussi d’y adosser une usine automobile pour y construire les voitures destinées au marché des colonies d’Afrique. La sidérurgie y verra bien le jour, non sans difficultés, mais pas l’usine automobile. C’est finalement en 1963 que fut actée par l’Etat la création de cette zone industrialo-portuaire, inaugurée fin décembre 1968 par le Premier ministre de l’époque, Maurice Couve de Murville. Lors de son discours, il martela d’ailleurs qu’il était « temps pour Marseille de reconvertir vers l’industrie ».

Le pétrole et la pétrochimie en fer de lance
A ce moment-là, l’heure n’était déjà plus aux grandes industries manufacturières, mais bien au pétrole et à la pétrochimie, dans le droit fil des choix opérés avant-guerre avec la création successive de trois raffineries (Shell-Berre en 1929, Lavéra en 1933 et La Mède en 1935), adossées au terminal pétrolier de Martigues-Lavéra depuis le début des années 1950. Dix ans plus tard, ce terminal est déjà saturé et le bout de Camargue à l’ouest de Port-de-Bouc est pointé par l’Etat pour accueillir le projet de zone industrialo-portuaire. En l’occurrence un nouveau terminal pétrolier directement relié au complexe de pipelines sud-européen entre Fos et Karlsruhe, en Allemagne, opérationnel depuis 1962, et un grand port en eaux profondes capable d’accueillir des navires dont les dimensions ne cesse de s’accroître et qui ne peuvent plus accoster dans le port de Marseille ou franchir le canal de Caronte, entre la mer et l’étang de Berre, à Martigues. Soixante ans plus tard, Marseille-Fos reste d’ailleurs le premier port pétrolier européen.
La sidérurgie et l’ère Solmer
Pour ce qui est de l’industrie à proprement parler, il y a urgence : en même temps que la décolonisation et la fin de le rente de situation du port de Marseille, le tissu industriel local, fait de petites et moyennes entreprises, se délite à un rythme accéléré dès les années d’après-guerre et, avec l’arrivée des rapatriés d’Algérie au début des années 1960, le chômage s’installe et les problèmes s’accroissent. L’Etat en a conscience et la planification gaullienne détourne vers Fos-sur-Mer le projet d’usine sidérurgique que De Wendel envisageait de construire au Havre. Après moult péripéties, la Solmer ouvre en 1974 à Fos dans un contexte pourtant peu favorable pour la sidérurgie, même si la construction et la réparation navale, à La Seyne, La Ciotat et Marseille, reste à l’époque un secteur localement fort et potentiel acheteur de l’acier produit dans la nouvelle usine.

Un tissu industriel bouleversé
Des métiers traditionnels qui disparaîtront progressivement du paysage régional, avec les fermetures successives des chantiers Terrin, en 1979 à Marseille, avant ceux de La Seyne et La Ciotat dix ans plus tard, puis le démantèlement de la CMR dans les années 2000. Désormais aux mains d’ArcelorMittal après, là encore après une existence chaotique, l’aciérie de Fos doit elle aussi prendre le virage de la décarbonation, qui constitue l’enjeu principal du projet de réindustrialisation de la zone.

Un nouveau cycle industriel à inventer
Car avec la mondialisation, la concurrence de pays à bas coûts de main d’œuvre et moins exigeants en matière de normes environnementales, la perte de compétitivité des industries pétrochimiques et sidérurgiques a fragilisé l’avenir de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre. Combinée à la nécessité de sortir du tout-fossile, cette réalité doit la conduire à opérer une nouvelle révolution à même de prolonger cette histoire économique et humaine sans pour autant renoncer à l’essence même de ce qui a fait sa force depuis un siècle : les énergies.

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