Vous organisez à la Fondation Hôpital Lenval à Nice, les 10 et 11 octobre, le 1er Symposium international dédié à la calcification cardiovasculaire. De quoi s’agit-il ?
Pr Georges Lefthériotis : La présence de dépôts de calcium (on parle de « calcifications ») dans les artères et le cœur, donc en dehors de l’os et des dents, est un problème médical important car il est à l’origine d’une augmentation par 3 ou 4 du risque de faire une maladie cardiovasculaire comme un infarctus du coeur, un accident vasculaire cérébral (AVC), ou une artérite des jambes. Ces dépôts se développent préférentiellement au niveau des plaques d’athérome (dépôt de cholestérol dans les artères) et révèlent la présence de ces plaques tout en les fragilisant. Par
ailleurs la présence de ces dépôts durcit la paroi des artères (on parle de « médiacalcose ») ce qui a terme, contribue à fatiguer le cœur (qui préfère pousser le sang dans des artères
plutôt élastiques !). Nous sommes hélas tous concernés, car ce phénomène apparait avec l’âge de manière plus ou moins prononcée, et surtout il est accéléré par les maladies métaboliques comme le diabète et l’insuffisance rénale.
Il y a urgence à sensibiliser les médecins !
Pourquoi une telle réunion scientifique ? On connaît donc si mal ce problème ?
C’est un sujet important en médecine cardiovasculaire, dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires et dans le domaine des maladies rares. Ce thème étant à la frontière entre d’une part les spécialistes de l’os et ceux des maladies cardiovasculaires, il n’y pas de réunions scientifiques spécifiques destinées à cette question. Nous faisons partie d’un réseau international d’experts qui s’intéressent aux mécanismes et conséquences de ces dépôts dans le système cardiovasculaire.
C’est un sujet qui nous intéresse au laboratoire et dans mon service depuis plus de dix ans, en particulier grâce à l’étude de certaines maladies rares qui calcifient rapidement les artères. Les connaissances évoluant, il devient important de faire émerger cette problématique, notamment pour sensibiliser les médecins de nos spécialités (cardiologues, angiologues…) mais aussi d’autres spécialités (néphrologues, diabétologues, etc.) sur cette problématique et ses avancées. Ce sera donc le premier symposium international qui va cibler cette question. Notre objectif sera de faire le point de nos connaissances sur le plan scientifique et médical, et surtout de mettre en place des recommandations pour la prise en charge des patients.
Cholestérol et statines en cause
Quel est votre point de départ ?
Comme dans tous les domaines de la médecine, il faut faire progresser nos connaissances dans celui des maladies cardiovasculaires, comme l’athérosclérose. Ces maladies restent la première cause, avec le cancer, de morbi-mortalité dans le monde. En particulier, il faut améliorer nos connaissances sur les mécanismes biologiques qui favorisent l’apparition de ces calcifications, en connaître leurs conséquences, certaines pouvant être jugées « bénéfiques » et d’autres plutôt « dangereuses » en fragilisant les plaques d’athérome par exemple. Les statines, dont l’effet est bénéfique sur le taux de cholestérol, ont aussi un effet sur la stabilisation des calcifications vasculaires. Pour avancer, il nous faut donc rassembler des scientifiques et des médecins de différentes spécialités en un seul lieu : notre belle ville de Nice est l’endroit idéal pour cela !
Après 50 ans, nos artères durcissent
La calcification de nos artères est-elle inéluctable ?
En grande partie oui ! C’est d’abord un effet lié au vieillissement. Nous avons forcément des calcifications qui se développent à partir de la cinquantaine. Ce mécanisme peut s’accélérer, notamment sous l’effet du tabac, du diabète, et des excès de cholestérol. En général, on détecte ces calcifications à l’occasion d’une radiographie ou d’un scanner. Il existe même un examen qui peut être prescrit par les cardiologues ou les médecins vasculaires, que l’on appelle « score de calcification coronarien ». Ce score permet de connaître individuellement le niveau de risque cardiovasculaire. Il est justifié de le réaliser si on présente un risque cardiovasculaire particulier comme dans le diabète, le tabagisme, l’hypertension artérielle ou l’excès de cholestérol. Ce score est informatif sur le niveau individuel de risque et permettra de décider ou non de prendre des mesures adaptées, en matière de prévention notamment.
Un petit scanner pour y voir clair !
Comment se déroule cet examen ?
Il s’agit d’un simple scanner du coeur, sans injection de produit opacifiant les artères, qui dure moins de 3 minutes. On réalise ainsi une « photographie » du cœur qui, après analyse avec un logiciel spécial, donne un score chiffré. Bien entendu, cet examen n’est pas une boule de cristal universelle. Elle a aussi des limites, on va justement en parler lors du symposium !
Les diabétiques et insuffisants rénaux sont les plus à risque
D’autres personnes sont-elles particulièrement à risque ?
Les patients les plus à risque sont les diabétiques et les insuffisants rénaux. La présence de ces calcifications est en général un mauvais pronostic. Il existe également des maladies génétiques rares dans lesquelles les calcifications se développent à partir de l’enfance, certaines de ces maladies étant mortelles et d’autre vont se développer sur des décennies, comme par exemple le pseudoxanthome élastique. Nous observons parfois des calcifications chez des sportifs jeunes et entraînés. Est-ce anodin ? Est-ce en relation avec la pratique sportive ? Nous ne savons pas encore grand-chose de la raison de leur présence. Ces cas sont rares mais nous posent des problèmes dans leur interprétation.
Les momies égyptiennes avaient déjà ce problème !
La calcification est-elle un phénomène récent, une pathologie des temps modernes ?
Eh bien non ! On s’est rendu compte notamment que les momies – égyptiennes, sud américaines – présentaient des calcifications cardiovasculaires ! Cela signifie que c’est un
processus qui survient naturellement, plus faiblement, mais qui s’est amplifié avec le mode de vie moderne, qu’il s’agisse de la consommation de tabac, de la sédentarité ou du
diabète.
Non au saucisson, oui au brocoli et au fromage à croûte…
Des aliments favorisent-ils la calcification de nos artères ? Certains sont-ils déconseillés ?
On sait que, en dehors du calcium, les excès de phosphates favorisent leur développement. on parle de « pro-calcifiants ». Les phosphates sont largement utilisés dans les aliments
industriels (plats tout préparés, charcuteries), sous forme d’agents stabilisants ou de conservateurs. Parmi les « protecteurs » de la calcification, il existe la vitamine K. La vitamine K est contenue dans les légumes verts comme le brocoli, les fromages fermentés avec de la croûte et des pâtes fermentées comme le soja. Il existe aussi des suppléments qui en proposent.
Stop au tabac et au surpoids
Notre hygiène de vie peut donc permettre de retarder ou limiter la calcification ?
Oui. L’arrêt du tabac principalement, l’activité physique, la lutte contre la sédentarité et le surpoids jouent un rôle très important. Ce sont donc toujours les mêmes !!!
Dispose-t-on de traitements médicamenteux contre la calcification des artères ?
Jusqu’à une période très récente, nous ne disposions pas de traitement spécifique pour retarder la calcification. Il existe des médicaments « anticalcifiants » qui sont utilisés
principalement chez les patients traités pour l’insuffisance rénale. On a également testé la vitamine K pour faire remonter le taux d’anti-calcifiants dans les artères. La vitamine K est certainement une voie intéressante pour lutter contre ce processus. Aux Etats-Unis, son emploi s’est beaucoup plus démocratisé, mais il ne faut pas tomber dans les excès !
Des start-up développent d’autres traitements, notamment pour les maladies rares, et bien entendu elles seront présentes lors du symposium à Nice. Il n’y a pas encore de solutions miracles et il faut faire des études cliniques pour valider tout cela. Ce qui prend du temps car tout cela met des années à se développer.
Une solution pour vivre mieux et plus vieux
La communauté médicale est-elle sensibilisée à ces problématiques ?
Ils ne connaissent pas beaucoup ce sujet et beaucoup de médecins pensent que c’est un « épiphénomène ». Nous pensons que pour améliorer la longévité et la qualité de vie, il faut résoudre également cette question. Nous voulons notamment les sensibiliser afin qu’ils prennent en compte sérieusement cette question, dans le cadre de la prise en charge du diabète par exemple. Des solutions thérapeutiques sont en cours de développement. Il est temps d’établir des recommandations pour savoir quand s’inquiéter et ce qu’il est possible de proposer comme recommandations thérapeutiques.
Le 1er Symposium international sur la calcification cardiovasculaire se déroulera les 10 et 11 octobre 2024 à la Fondation Hôpital Lenval, 57 avenue de la Californie à Nice. Informations : iscca.nice2024@gmail.com et sur les réseaux sociaux
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