François essaie donc de renforcer à sa main le concile qui élira son successeur. Jean-Marc Aveline est 100% Marseillais, c’est un apôtre du dialogue inter religieux, il a d’ailleurs fondé l’Institut de sciences et théologie des religions, devenu l’ Institut Catholique de la Méditerranée, antenne phocéenne et très identifiée de la prestigieuse Fac catho de Lyon.
Cette élévation à la
pourpre cardinalice est tout sauf anodine. Elle est stratégique à bien des égards, en vue du prochain concile, dans l’optique d’un éventuel synode consacré à la Méditerranée et pour le statut de Marseille dans l’Eglise de France où les étoiles de Paris et Lyon ont pâli à cause de différents scandales.
Voyage papal a Marseille?
On prête d’ailleurs au nouveau cardinal le projet d’organiser une visite du pape à Marseille, seul endroit en France sans doute où le souverain pontife pourrait envisager de se rendre.
En effet le diocèse de Marseille (qui englobe la ville et le secteur d’Aubagne et La Ciotat seulement, mais pas le riche pays aixois) est l’un des plus urbains et des plus pauvres de France. C’est symboliquement un formidable ancrage pour une Église qui, sous François, a fait de la pauvreté son retour à une exigence originelle.
Mais c’est également une fragilité car les communautés locales se sont réduites comme peau de chagrin, notamment dans les anciens secteurs populaires et ouvriers, et ont vieilli dans les quartiers bourgeois. Les mouvements charismatiques ont prospéré et les écoles catholiques ont le vent en poupe, mais est-ce suffisant?
De sacrés challenges à relever
Si Aveline se débrouille bien, la pourpre cardinalice devrait l’aider à relancer une vie diocésaine à la peine depuis une vingtaine d’années et à positionner Marseille dans l’Eglise de France. Il devient également un personnage public de premier plan, dans la veine du flamboyant archevêque de Marseille des années 70 et 80, le cardinal Roger Etchegaray, qui termina sa carrière comme l’un des principaux collaborateurs du pape Jean-Paul II.
Jean- Marc Aveline, est un homme tout en rondeurs, très sympa, intellectuel de haut vol et apprécié des catholiques marseillais. Fin politique, le nouveau cardinal sait éviter les pièges comme il le montra il y a quelques mois dans une homélie subtile et remarquée à la cathédrale La Major lors des obsèques de Bernard Tapie.
L’enjeu méditerranéen
En fait, toute la vie de Jean Marc Aveline tourne autour du bassin méditerranéen. Né en Algérie en 1958, le futur cardinal est arrivé en France en novembre 1962 et a donc vécu très jeune le rapatriement. Après quelques années en banlieue parisienne, sa famille est venue s’installer à Marseille dans le quartier de Saint Barthélemy.
Mais au delà d’une passion pour sa ville d’accueil Jean-Marc Aveline a très vite compris l’urgence de tisser des relations avec tous les pays de la Méditerranée; comme le rappelle notre consœur Cécile Chambraud dans « le Monde » du 27 août, il sillonne les rives de la Mare Nostrum : « conférence des évêques de la région nord de l’Afrique, interventions dans les universités juives et musulmanes au titre de la fédération internationale des universités catholiques, et plus récemment réunion des évêques méditerranéens à Florence sur le thème de la Méditerranée, frontière de paix. »
Il est intéressant d’ailleurs de noter, dans une concordance que seul peut nous offrir le hasard de la politique et de la diplomatie…, que Jean Marc Aveline était intronisé cardinal le jour même où Emmanuel Macron, en visite en Algérie, se rendait à La Chapelle de Santa Cruz, haut lieu de pèlerinage chrétien surplombant la baie d’Oran ….
Quoi qu’il en soit, les défis méditerranéens (démographiques, politiques, écologiques, culturels … et bien évidemment religieux) nécessitent d’éminentes compétences et un sens aigu du dialogue. Le pape François a sûrement cela en tête en promouvant l’archevêque de Marseille.
Un profil très particulier
Jean-Marc Aveline est devenu archevêque de plein exercice après avoir été nommé en 2013 comme évêque-auxiliaire de Mgr Georges Pontier. Jusqu’alors il était vraiment identifié comme une figure intello du catholicisme français.
Il est très rare sinon quasiment inédit qu’un prêtre « autochtone » soit nommé archevêque de sa ville d’origine (il y est arrivé à l’âge de 8 ans). Ceci afin d’éviter notamment un tropisme local voire de provoquer des situations délicates sinon embarrassantes (ici beaucoup de prêtres tutoient Aveline qu’ils pratiquent depuis 30 ou 40 ans, ce qui peut être parfois difficile quand il s’agit de trancher des nominations en paroisses qui ne font pas plaisir à tout le monde ).
Il a 63 ans, donc douze années de plein exercice devant lui avant la retraite (théorique) à 75 ans (mais les cardinaux sont électeurs jusqu’à 80 ans). Cette nomination lui confère les pleins pouvoirs. Pour faire quoi ?
Comment Mgr Aveline peut-il reconstruire? Mystère. Car au-delà de la fierté légitime de cette nomination pour le peuple catholique et après la fête à Rome, il faudra s’atteler à faire vivre une Église qu’on n’entend plus guère dans le débat sociétal.
Habile et… papabile ?
Aveline devient théoriquement « papabile »; comme tous les cardinaux électeurs, c’est-à-dire successeur potentiel à François sur le trône de Saint Pierre à Rome. Un Marseillais est déjà cardinal en la personne de Monseigneur Ricard, archevêque émérite de Bordeaux, qui aura 78 ans fin septembre et est théoriquement encore électeur du pape jusqu’en septembre 2024.
Si on ajoute que le cardinal Poupard, nonagénaire et immense personnalité de l’Eglise de France et l’ancien archevêque de Paris André Vingt-Trois (80 ans en novembre ) ne participeraient donc pas à un concile pour l’élection du futur pape, les cardinaux français se compteront sur les doigts d’une main dans la chapelle Sixtine. Jean-Marc Aveline, lui, y sera présent.
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