Drôle d’endroit pour présenter l’arsenal d’attaque du cancer de la prostate ! Magnifique salle de concert ultra branchée de Nice, nichée au pied d’une superbe résidence étudiante, le Stockfish avait troqué en ce jeudi soir de novembre ses habits de lumière pour l’atmosphère feutrée du bloc opératoire. A l’initiative de notre média s’y déroulait une conférence sur la sensibilisation au cancer masculin le plus fréquent avec 60 000 nouveaux cas annuels en France. Le plus redouté peut-être aussi tant sa survenue et son traitement menacent la sexualité, jusqu’à parfois la mettre en berne chez des messieurs de 50-60 ans : ça pique…
Dans certains cancers, on laisse faire !
Réunissant un public d’une centaine de personnes plutôt d’âge mûr, essentiellement des hommes, la rencontre a été orchestrée de main de maître par le patron de l’urologie azuréenne, le professeur Matthieu Durand, chef du service d’urologie et de transplantation rénale du CHU de Nice. Mais il a placé cette soirée sous le signe de l’optimisme. Ainsi lorsqu’il déclare : « Il y a 5 ou 6 ans, je n’aurais pas pu vous dire : « Dans certains cas de cancer, on n’intervient pas aujourd’hui. » Or c’est la réalité désormais dans 30% des cas quand même ! Car ces cancers ne nous inquiètent pas, nous médecins. Nous proposons à ces patients une surveillance « active ». On surveille le cancer très activement, on ne fait pas rien. Mais comprenez bien que dépister un cancer de la prostate, ce n’est pas forcément le traiter. »
Pas d’opération mais des contrôles tous les 6 mois
Là, les oreilles se dressent. On peut donc vivre avec un cancer, Doc ? Sans renoncer à ses érections (car c’est bien là un sujet de réticence pour se faire traiter) ? Absolument. Mais sous certaines (grosses) conditions. C’est le Dr Brannwel Tibi, urologue au CHU de Nice et à l’hôpital de Menton, qui pointe les limites : « La surveillance active est possible si le cancer est localisé à la prostate, sans extension vers d’autres organes. Le taux de PSA doit rester inférieur à 10 – un PSA maximal avant des investigations cliniques c’est 4. Ce contrôle doit se faire tous les 6 mois par prise de sang, par toucher rectal, plus une IRM annuelle et des biopsies de la tumeur éventuellement (au bloc opératoire sous anesthésie générale). » Bref, on est quand même très surveillé ! « Et si la forme du cancer devient plus menaçante, il faudra passer à un traitement actif. »
A la question d’un participant, le Pr Durand répond que cette surveillance peut durer « toute la vie », sans traitement autre. Puis il ajoute : « 30% des patients choisissent néanmoins de sortir de la surveillance active pour être traités« . Trop difficile psychologiquement pour certains de savoir qu’ils abritent en leur petite glande séminale un cancer qui peut, en effet, flamber à tout moment.
Cancer silencieux : dépistage pour tous les hommes à partir de 50 ans
Le Dr Romain Haider, chef du service d’urologie à l’hôpital de Cannes, a souligné d’ailleurs que ce cancer est généralement insidieux car silencieux. C’est pourquoi il est recommandé de se faire diagnostiquer. « C’est en périphérie de la prostate, à distance des voies urinaires qui passent au milieu de cette glande située sous la vessie, que se développent la plupart des cancers, d’où l’absence de symptômes. Donc la seule façon de savoir si on a un cancer, c’est de faire le dépistage à partir de 50 ans, avec toucher rectal et prise de sang. »
Les médecins sont vraiment rentrés dans le détail du diagnostic et de la prise en charge avec force images et schémas explicatifs. Un bon cours de première année de médecine ! Comme lorsque le Dr Médéric Barret, radiothérapeute au Centre Antoine Lacassagne, a décrypté le précieux recours à l’IRM pour confirmer – ou non – une suspicion de tumeur.
Erections foutues et couches obligatoires ?
Bon alors, et ce risque de ne plus avoir d’érection, voire de porter des couches après avoir été opéré, il est sérieux ? Les médecins s’offusquent de cette critique systématique généralement transformée en certitude, d’autant qu’elle freine nombre d’hommes dans leur volonté de se faire surveiller. La virilité avant tout ! Quitte à ce qu’elle conduise au cimetière en un ou deux ans. Rappelons à toutes fins utiles que 8 100 hommes par an décèdent de ce cancer en France.
Le Dr Tibi rapporte que 50% à 84% des opérés avec l’assistance du robot (la machine permet au chirurgien une approche plus fine des nerfs érecteurs qui bordent la prostate lors de son ablation) n’ont pas de troubles de l’érection. Mais on peut lire le résultat à l’envers et dire que 16% à 50% sont impactés plus ou moins fortement, plus ou moins durablement. « Ces troubles dépendent aussi de l’étendue du cancer et des capacités érectiles du patient avant l’opération », tempère l’urologue.
Et pour l’incontinence urinaire, le port des fameuses couches ? Les dysfonctionnements rentrent généralement dans l’ordre. Un an après l’intervention, on observe 74% à 100% de continence urinaire affirme le praticien niçois.
Prenez du Viagra tout de suite après l’opération !
Urologue spécialisée en sexualité masculine, la Dr Flora Barthe (CHU de Nice et hôpital de Cannes) insiste : il faut s’occuper de sa sexualité dès après l’opération, « même si on n’a pas trop la tête à ça« , avec la prise d’un traitement oral de type Viagra. Et si ça ne marche pas, le patient peut apprendre à se faire des injections intra-caverneuses ou utiliser le vacuum, une pompe qui permet d’avoir un afflux de sang dans la verge. Et si ça ne fonctionne toujours pas, il existe des implants péniens qui remplacent les corps caverneux et qui se gonflent avant un rapport. Ce qui fait dire au Pr Durand que « toutes les nouvelles thérapies sont orientées vers la qualité de vie. »
Comme pour toute intervention chirurgicale, la Dr Cyrielle Rambaud (onco-gériatre libérale au centre Arnault Tzanck de Saint-Laurent du Var) recommande d’arriver en forme sur la table d’opération, « avec une masse musculaire suffisante et ceci tout au long de la prise en charge du cancer. Nous faisons également le point avec le patient sur ses habitudes alimentaires. Et nous lui conseillons de pratiquer l’activité physique. » D’accord, mais laquelle ? « Tout ce qui bouge ! » Passer l’aspirateur Messieurs, ça compte aussi ! « Tout ceci permet de mieux tolérer les traitements et la maladie. »
Des aliments protecteurs ?
L’intervention de Jaël Verneuil, infirmière de coordination au CHU, était complémentaire. Elle a présenté le programme de RAAC (récupération après chirurgie) qui met l’opéré en condition optimale pour affronter le bistouri et s’en relever sans trop de secousses. Ainsi le jeun strict est très limité avec des liquides jusqu’à 2 heures avant l’anesthésie et une charge de sucre spéciale administrée à ce moment-là. Puis c’est un « reconditionnement » bien calibré qui intervient dès le retour en chambre et à la maison.
Un doigt se lève dans l’assistance : « Est-ce qu’il y a des aliments qui aident à prévenir le cancer ? »
« J’étais sûr qu’on me poserait cette question, sourit le Pr Durand. Non, il n’y en a aucun. En tout cas à ce jour. Il n’existe aucune preuve scientifique que la courge ou d’autres choses protégeraient du cancer. » Et les laitages, n’augmentent-ils pas le risque de cancer de la prostate, comme le colporte une croyance tenace ? Là encore, rien d’avéré scientifiquement. « C’est raconté par des gens qui veulent vendre des livres« , grince le chirurgien. L’important, c’est d’avoir une alimentation équilibrée et une bonne hygiène de vie.
Conférences à Marseille et Avignon
Prochaines conférences publiques et gratuites organisées par MProvence « La Prostate, parlons-en pour nous protéger » :
Mercredi 13 novembre à 18h, amphi Gastaut, Aix-Marseille Université, jardin du Pharo, 13007 Marseille. Avec les médecins de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille, de l’Institut Paoli-Calmettes et de l’hôpital Clairval.
Jeudi 14 novembre à 18h, salle de conférence du Crédit Agricole Amandier, 162 avenue Pierre Sémard (à côté de Cap Sud), 84 000 Avignon. Avec les médecins de la clinique Rhône-Durance et de l’Institut Sainte-Catherine de lutte contre le cancer.
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