Nez qui coule, perte d’odorat : et si c’était la polypose !

Cette maladie qui s'attaque à nos sinus touche 2 millions de personnes en France. Elle est très embarrassante car elle empêche de respirer correctement et de sentir. Souvent les médecins la confondent avec les allergies. Des aérosols à la chirurgie, il existe diverses prises en charge. Le point avec le Pr Justin Michel, chef du service ORL à l'hôpital de La Conception (APHM).

Santé

Quand on est embarrassé pour respirer, ou qu’on a le nez qui coule en permanence, on ne pense pas forcément à une maladie bien installée dans nos sinus. Et encore moins qu’il faudra peut-être en passer par la chirurgie pour s’en débarrasser. Mais la polypose nasale nous y amènera peut-être un jour. De quelle maladie s’agit-il ?

Pr Justin Michel : La polypose nasale, c’est une maladie très fréquente. Elle concerne, on pense, entre 2 et 3% de la population générale. Elle se range dans un groupe de maladies beaucoup plus important qu’on appelle les sinusites chroniques. La sinusite chronique, c’est une inflammation chronique des sinus, les sinus et des cavités qui sont autour du nez, au-dessus des dents, en dessous des yeux, dans le massif facial. Quand un sinus est inflammatoire de façon chronique, chez certains patients, il va y avoir création de polypes. C’est de l’oedème. C’est la muqueuse qui est tellement gonflée qu’elle finit par faire des boules qui passent des sinus dans le nez. Et c’est là que ça devient problématique. Parce que si vous avez des boules d’oedème dans le nez, l’air ne passe plus dans le nez. Et vous avez le nez bouché.

Deuxième symptôme majeur de la polypose, vous n’avez plus d’odorat. Et quand on sait que l’odorat est responsable de 80% des informations de votre alimentation, quand vous mangez, eh bien vous vous rendez compte que vous perdez aussi ce que les patients appellent le goût.

On est tous potentiellement concernés

La polypose nasale peut-elle toucher tout le monde ? Ou bien existe-t-il des profils particuliers ?

Il y a deux types de polypose nasale. Il y a les polyposes primitives, c’est-à-dire que ce sont des patients qui n’ont pas d’autres maladies particulières et qui vont avoir des polypes qui vont se développer. Cette polypose peut survenir un peu chez tout le monde. En tout cas, il y a probablement des facteurs génétiques, mais aujourd’hui, on ne les connaît pas très bien. Parfois il y a des formes un peu familiales.

Et puis il y a d‘autres polyposes qu’on va appeler les polyposes secondaires. C’est quand la présence de polypes est liée à un terrain particulier. Par exemple une maladie comme la mucoviscidose, ça va donner aussi des polypes dans le nez. Mais là c’est très particulier. Quand je vous parlais de la polypose au départ, telle que je l’ai décrite, c’est surtout la polypose primitive. Et donc qui peut survenir chez les gens de façon assez aléatoire.

A ne pas confondre avec les allergies !

Un nez qui coule constamment doit-il faire penser à une polypose ?

Souvent la polypose, au début, les patients nous racontent que pendant longtemps on leur a dit qu’ils étaient allergiques. Parce que les symptômes de la rhinite allergique  – vous savez, le nez bouché, le nez qui coule, les éternuements et la baisse de l’odorat – ce sont les mêmes que ceux de la polypose. Donc souvent au début les patients ont une petite errance diagnostique, c’est-à-dire qu’ils ont vu leur généraliste qui leur a dit que c’est probablement des allergies, qui leur a donné des antiallergiques, puis qui parfois leur a donné un spray de cortisone à mettre dans le nez. Alors ça, ça leur a fait beaucoup de bien. Et puis le temps passe. Et finalement, dès qu’ils arrêtent le traitement, tout se rebouche, tout recoule. Donc à ce moment-là il faut aller voir un otorhino.

Asthme, dermatite et oesophagites…

Mais justement, est-ce que la polypose peut être associée à d’autres maladies ? On parlait des allergies ou d’autres affections respiratoires.

La polypose est très souvent liée à ce qu’on appelle une inflammation de type 2. C’est une maladie inflammatoire et c’est l’inflammation de type 2 qui donne la polypose. Et l’inflammation de type 2 ça va donner d’autres maladies comme l’asthme, qui est un une maladie associée à l’inflammation de type 2. Parfois la dermatite atopique – c’est la peau sèche, qui gratte -, parfois même les oesophagites à éosinophiles – vous avez la paroi de l’œsophage qui est inflammatoire et vous avez du mal à avaler. Ou encore parfois on va trouver des éosinophiles – c‘est un certain type de globules blancs – élevés dans votre sang, des hyper éosinophiles.

Tout ce groupe de maladies marche un peu ensemble parce que le phénomène qui les déclenche est commun à toutes ces maladies. Donc effectivement la polypose est souvent associée à ces maladies là. Par exemple on sait que plus d’un malade sur 2 qui a des polypes dans le nez a de l’asthme. Et pour répondre à votre question, on a le droit aussi d’avoir une polypose et une rhinite allergique. C’est pas parce qu’on a une rhinite allergique qu’on n’aura pas de polypose. Donc on peut avoir parfois 2 maladies qui sont dans le même organe, d’où l’importance de les prendre en charge.

La polypose n’est jamais cancéreuse

Est-ce qu’une polypose est quelque chose qui peut être grave ? Je pense à des tumeurs cancéreuses. Ou est-ce que c’est simplement « gênant » ?

Ce n’est jamais cancéreux les polypes, à condition qu’ils soient des deux côtés. Si un docteur vous trouve des polypes que d’un côté, c‘est pas normal. Là il faut aller rapidement consulter parce que des polypes que d’un côté, ça peut être une tumeur. Les tumeurs sont unilatérales en général. En revanche, si vous avez des polypes des deux côtés, c’est très rassurant et c’est une polypose inflammatoire. Et la plupart du temps ce n’est pas une maladie grave. C’est une maladie comme vous dites extrêmement gênante. En médecine on dit que ça altère la qualité de vie des patients.

Une caméra pour ausculter le nez

Mon médecin généraliste va-t-il pouvoir identifier la polypose ?

Alors ce n’est pas toujours facile parce que, pour faire un diagnostic de polypose, il faut pouvoir regarder dans le nez. Et souvent au début de la maladie, les polypes sont assez profondément dans le nez. Donc il faut une caméra pour aller les voir. Très souvent ce sera plutôt l’otorhino qui va le diagnostiquer. Ça peut aussi être le radiologue, parce que parfois, quand vous avez le nez bouché comme ça, qui traîne, le nez qui coule, la baisse de l’odorat, votre généraliste peut demander un scanner ou un cone beam- ce sont des petites imageries – pour regarder dans votre nez. Et le radiologue peut dire « Là il y a des polypes. » Donc ça peut être ou l’ORL ou le radiologue.

Le traitement se prend à vie

Une fois que la polypose est identifiée et bien installée, qu’elle ne passe pas avec des lavages de nez ou des médicaments, comment se passe la prise en charge ?

C’est très simple. En gros on commence comme vous l’avez dit par des lavages de nez et un spray anti inflammatoire qu’on va pulvériser dans son nez après les lavages, tous les matins, tous les soirs. Ça, c’est le traitement de fond. Et ça, c’est toute la vie. Parce que la polypose, c’est une maladie chronique. La maladie chronique, ça veut dire que c’est une maladie que les docteurs ne savent pas guérir, mais qu’on peut soigner à condition de la soigner tous les jours.

Et ça peut suffire, ça?

Chez plus de deux tiers des patients, ça suffit. Parfois ils attrapent un rhume et la situation s’emballe. À ce moment-là, on va leur donner une cure courte de cortisone en comprimés. Ça va les remettre à l’état de base et on reprend le traitement de fond. Avec ça, 80% des patients vont bien.

La chirurgie pour 20% des patients

Il en reste donc 20% qui ont besoin d’un traitement complémentaire parce qu’on ne peut pas donner de la cortisone trop souvent en comprimés, sinon on abîme le reste de l’organisme. Pour ceux-là, aujourd’hui, la stratégie, c’est leur proposer une opération chirurgicale qui vise à enlever les polypes et la muqueuse malade. En leur précisant bien que ça ne va pas les guérir, ça va leur permettre d’aller mieux transitoirement. À condition de reprendre le spray.

Mais ce qui est important dans cette information sur le caractère transitoire de l’amélioration, c’est qu’on ne peut pas savoir s’ils vont être améliorés 6 mois ou 15 ans. Il y a des malades qui sont opérés une fois et pendant 15 à 20 ans ils vont bien. Et il y a des malades qui sont opérés et 6 mois plus tard, c’est comme si on n’avait rien fait.

Les biothérapies au secours des cas désespérés !

Il faut réopérer à ce moment-là ?

Eh bien non. Aujourd’hui on a la chance d’avoir eu sur le marché l’arrivée de ce qu’on appelle les biothérapies. Ce sont des thérapies ciblées, des médicaments qui vont aller bloquer très spécifiquement l’inflammation qui donne les polypes et l’asthme. Ce sont des médicaments d’exception, réservés aux malades qui ont une polypose naso-sinusienne sévère, insuffisamment contrôlée par la cortisone et par la chirurgie. Donc c’est réservé aux malades qui sont en échec. Ces biothérapies qu’on s’injecte soit tous les 15 jours, soit tous les mois, ce sont des traitements à prendre à vie. Des traitements qui coûtent extrêmement cher – ça coûte plus de 10 000€ par an et par patient à la Sécurité sociale. Donc ce sont vraiment des médicaments très chers mais ça permet aux patients d’avoir une vie quasiment sans symptômes. Et notamment sur l’odorat, ça c’est important.

Rassurez-moi : c’est une pathologie qui est prise en charge par l’Assurance maladie ?

Complètement.

Une chirurgie délicate car juste sous le cerveau

En cas d’intervention chirurgicale, on dit – je l’ai entendu – que les suites opératoires sont douloureuses. Est-ce vrai ?

Alors non. Autant une sinusite, ça peut vous faire très mal à la tête – on a tous déjà eu une sinusite -, autant la chirurgie des sinus est très peu douloureuse. Ça reste une chirurgie qui est délicate parce que les sinus c’est autour des yeux et en dessous du cerveau. Donc quand on va aller enlever la muqueuse à cet endroit là, il faut faire très attention de pas se tromper d’endroit. Mais en dehors de ça, les suites sont relativement simples.

Si votre nez vous pèse, consultez !

Existe-t-il des consignes en matière d’hygiène de vie pour éviter d’être confronté à cette pathologie ?

Alors non. Comme aujourd’hui on ne connaît pas bien les causes exactes de la survenue de cette maladie, on ne peut pas donner de consignes. Il y a une chose qui est sûre, c’est que, si votre nez vous pèse au quotidien, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Et il faut aller voir un otorhino. Il faut qu’il y ait quelqu’un qui regarde dans votre nez. Il faut peut-être faire un scanner pour essayer de comprendre pourquoi votre nez vous ennuie. Ça peut être simplement une rhinite et il faut la prendre en charge. Ça peut aussi être une sinusite chronique avec ou sans polypes, et il faut aussi le prendre en charge.

Ce n’est pas parce que je vais faire des lavages de nez tous les jours que je vais éviter ce ce genre de chose ?

Aujourd’hui on n’a pas de substrat scientifique pour valider ça. Mais c’est très bien de se laver le nez quoi qu’il en soit ! Mais ça ne vous protégera forcément de la survenue d’une polypose.

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