Quels sont les motifs pour lesquels les patients se rendent aux urgences en général ?
Docteur Olivier Maurin : Les motifs sont multiples. Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, beaucoup de motifs de recours sont légitimes. Ils sont légitimes y compris quand l’urgence n’est pas réelle mais qu’elle est ressentie. On a le devoir de rassurer les gens. Ce qui nous dérange beaucoup et qui impacte la pertinence de nos services et de la qualité des soins, ce sont essentiellement les gens qui viennent aux urgences pour une solution de facilité, ou par méconnaissance du système de soin. Les mesures et l’orientation actuelle qui est prise vont plutôt dans le bon sens. Ce n’est certainement pas suffisant.
10 à 15% patients arrivent dans un état grave
Si on revient sur les grandes pathologies, quelles sont-elles ?
Ce sont essentiellement toutes les pathologies chroniques qui vont décompenser. On est là pour récupérer ces patients qui décompensent, les ramener dans un statut de maladie chronique compensée. Ce sont des problèmes de cardiologie, d’endocrinologie, de pneumologie aussi. Après, il y a tout ce qui est traumatologie, les douleurs thoraciques et les douleurs abdominales; ça c’est le pain quotidien de l’urgentiste. Il faut faire le distinguo entre ce qui est une urgence chirurgicale et ce qui ne l’est pas, ce qui relève de l’infarctus et ce qui est juste de la douleur pariétale intercostale. Les pathologies aiguës vraies sont le cœur de métier – c’est-à-dire l’accident vasculaire cérébral, l’infarctus aigu du myocarde et toutes les infections gravissimes (choc septique, les méningites…).
Sur 100 patients qui se présentent aux urgences ou qui vous sont amenés par les marins-pompiers, combien sont dans un état grave ?
Cela représente entre 10 et 15% des passages. Des patients qui ont réellement besoin de notre expertise, y compris pour être rassurés ou pour éliminer des diagnostics qui auraient pu être graves, c’est aux alentours de 70%- 75%. En on a une vingtaine de pourcents de gens qui auraient pu être pris en charge par une médecine de ville, par de l’ambulatoire.
Deux-roues : un jeu de massacre
L’été est propice à des activités spécifiques et potentiellement dangereuses. On pense à la baignade, au barbecue, à la consommation d’alcool ou aux déplacements à moto chaussé de tongs… Quelles sont les pathologies particulières auxquelles vous êtes confronté en été ?
L’été, c’est une situation particulière. L’hiver, on a nos épidémies. Mais l’été on a une recrudescence premièrement au niveau de la traumatologie. Cette recrudescence est liée au bricolage, au jardinage. L’été, les gens ont plus de temps, ils font tout ce qu’ils n’ont pas eu le temps de faire le reste de l’année. Evidemment on a toujours forcément de la traumatologie qui augmente un petit peu à ce moment-là. La recrudescence est liée aussi aux accidents de la voie publique et particulièrement aux deux-roues. A Marseille comme à Paris, comme dans toutes les grandes métropoles, on a la recrudescence du vélo et de la trottinette dans des villes qui ne sont pas forcément très outillées, qui n’ont pas été mises en conformité pour l’utilisation de ce type d’engin. On a une recrudescence importante de traumatologie, sachant qu’en plus le comportement souvent irresponsable des gens aggrave ce genre de choses : non port du casque, pas de respect du code de la route avec des vélos qui, systématiquement, brûlent les feux rouges…
A 30km/h sans protection, ça tape très fort
Quelles sont les blessures particulières en ce qui concerne les deux-roues ?
Il n’y a pas de blessure particulière. Pour le vélo et la trottinette, on retrouve les mêmes blessures qu’avec les motos. Au niveau de la trottinette, on a vraiment des blessés qui peuvent être importants et on peut trouver des blessures aussi sévères qu’en moto à haute vitesse parce que les gens, à 30 km/heure, ont l’impression que ce n’est pas rapide mais ils n’ont aucune protection. On a quand même des accidents relativement sévères avec ce type de de comportement.
On a une recrudescence aussi des pathologies qui sont liées au fait qu’on a une activité estivale de bord de mer. Il y a les noyades évidemment comme tous les ans. Surtout, faites-moi plaisir : surveillez vos enfants ! Tous les moyens de sécurité autour des piscines, etcetera, dès qu’il y a une proximité de plan d’eau, même s’il n’y a pas de baignade, il faut avoir tout le temps les enfants sous les yeux. On ne peut pas les laisser seuls, c’est trop gravissime.
Après, il y a les coups de chaleur et il y a les coups de soleil, les envenimations – vives, méduses, les oursins sur lesquels on marche avec des épines partout dans les pieds. Enfin, l’été, on a une recrudescence des hospitalisations et de l’arrivée de personnes isolées, fragiles, âgées, c’est le pain quotidien de tous les services d’urgence de France et de Navarre, même s’ils ne sont pas au bord de l’eau ! Les patients fragiles et âgés arrivent aux urgences parce qu’ils sont déshydratés, parce qu’ils ont une complication d’une pathologie chronique. Ils décompensent parce qu’ils sont seuls, parce que le médecin traitant est parti en vacances, parce que l’infirmière n’a pas été remplacée…
Un rein sauvé après une hémorragie
Pouvez-vous citer 2 ou 3 blessures qui, dans votre carrière ou récemment, vous ont surpris parce qu’elles étaient inattendues en été ?
Pour illustrer les propos que je viens de vous tenir sur la dangerosité de certains modes de déplacement, un patient est arrivé récemment pour un accident de trottinette : il s’est fait une fracture du rein. On a dû faire une embolisation, avec une hémorragie importante à partir de son rein. Cela aurait pu être très sérieux pour ce patient là. Heureusement on lui a sauvé une partie de son rein, il n’aura pas de complication de ce côté-là. Mais encore une fois, c’est un patient qui a pris une trottinette de location, sans en avoir l’habitude, dans une ville qui n’est pas forcément très adaptée à ça et qui s’est cassé la figure.
Pas d’exposition solaire pour les enfants !
Si vous aviez quelques conseils à donner à la population pour que l’été, les vacances, se passent bien, quelles seraient-ils, au-delà de la surveillance des piscines et à la plage ?
J’aurais 3 conseils. Le premier est d’avoir les bons réflexes vis-à-vis de la chaleur et du soleil. Vis-à-vis de la chaleur on est relativement protégé dans notre Provence, les gens ont l’habitude de la chaleur. Je pense surtout aux gens qui viennent du Nord ou d’autres zones pendant les vacances. Il faut aérer la nuit et fermer les volets le jour, faire de l’ombre dans la maison pour garder la fraîcheur. Il faut s’hydrater suffisamment et régulièrement; éviter de faire du sport aux heures les plus chaudes de la journée, donc plutôt privilégier le footing très tôt le matin ou alors tard le soir.
Pour ce qui est de la chaleur, on peut passer du temps dans des endroits frais de façon assez régulière. A Marseille, on a beaucoup de bibliothèques, plein de jolis musées, donc on peut y aller, les centres commerciaux aussi, on peut y passer une heure de temps en temps histoire de faire descendre un petit peu la chaleur. Pour le soleil, l’important est de se protéger, ne pas s’exposer aux heures les plus chaudes de la journée. Si on s’expose, il faut absolument avoir une protection solaire et elle est à renouveler de façon régulière. Pour les enfants, pas d’exposition solaire ! Il faut leur mettre des chapeaux, des lunettes de soleil et un tee-shirt long en coton. Prenez régulièrement des nouvelles des personnes âgées et fragiles, pour ne pas les laisser isolées.
Le 3e conseil, c’est de faire preuve de bon sens, de prudence et de civisme quand on se déplace à deux-roues et quand on fait des activités de loisirs en bord de plage, bien respecter les réglementations. Le dernier conseil que je voudrais donner, c’est qu’en cas de problème de santé, ne venez pas directement aux urgences. Soit vous avez votre médecin traitant, il est disponible et il se fera un plaisir de répondre à votre besoin. S’il n’est pas disponible, il faut appeler le 15 et au 15 vous aurez un professionnel qui vous donnera la bonne conduite à tenir. Si votre cas le nécessite, on vous accueillera avec plaisir dans notre service.
Face à un accident, ne faites pas n’importe quoi
Est-ce que l’entourage d’un blessé sait généralement réagir de manière appropriée en attendant les secours, ou bien est-il complètement démuni ?
Cela dépend des situations et des personnes qui entourent. Le principe général, c’est du bon sens : si on n’a pas de formation adéquate, c’est-à-dire qu’on n’a pas son brevet de secouriste, qu’on n’est pas docteur, pas infirmier, pas personnel de santé, il vaut mieux éviter d’avoir des envies de vouloir bien faire et de prendre des initiatives qui peuvent être complètement délétères. La première chose à faire est d’appeler le 15 parce qu’au 15 vous aurez derrière le téléphone un professionnel de santé qui saura vous guider dans les bonnes pratiques et éviter parfois d’aggraver la situation.
Donc vous conseillez aux gens de protéger la victime et ensuite de prévenir les secours ?
C’est du bon sens. On met en sécurité la personne bien entendu, on évite les sur-accidents et après on appelle le 15 pour prendre conseil et savoir quoi faire. Par exemple, un motard qui est par terre, on ne lui retire pas son casque si on ne sait pas faire.
Des consultations sans rendez-vous, c’est nouveau
Les urgences hospitalières sont débordées car on vient y faire soigner tout et n’importe quoi, et souvent la bobologie qui ne nécessite pas un tel plateau technique. L’hôpital Saint-Joseph vient justement d’ouvrir un pôle de consultations médicales sans rendez-vous avec des médecins généralistes. Est-ce la solution au désengorgement des urgences ?
C’est une des solutions. L’engorgement des urgences est ancien, il s’aggrave, mais c’est pluri factoriel. Nos services d’urgences en tant que tels n’ont pas de problème particulier. On n’est que le reflet des problèmes de notre système de santé. On a une démographie médicale qui est compliquée en ce moment avec une augmentation importante de la pathologie chronique, du vieillissement de la population qui a été peu anticipée par nos gouvernants. On se retrouve maintenant avec une quantité de soins qui est importante et des structures hospitalières qui ne sont pas forcément les plus à même de répondre à ce besoin. L’engorgement des urgences n’est que le symptôme d’une maladie plus systémique, plus globale. Oui, il y a des solutions. Effectivement le centre de consultations non programmées de médecine générale qu’on a ouvert est un dossier qu’on a organisé depuis quelque temps avec la direction générale de Saint-Joseph, que j’ai porté avec Sophie Dostert, notre directrice, Frédéric Rollin, notre directeur adjoint. C’est une des solutions.
Ce centre est donc ouvert du lundi au vendredi ?
Il est ouvert du lundi au vendredi de 10h00 à 22h00. Il accueille tout le monde, il suffit d’avoir des droits ouverts; on accueille y compris les CMU, etc. C’est sans rendez-vous. Il y a la possibilité quand même de prendre un rendez-vous à moins de 48h. Par contre, on ne prend qu’à partir de 15 ans et 3 mois, on ne prend pas les enfants. Si votre état et votre motif de recours à la consultation de médecine générale non programmée nécessitent le plateau technique des urgences, comme le centre est dans l’hôpital vous serez orienté vers le service des urgences.
Se remettre au sport en été : allez-y mollo !
L’été est souvent le moment où on se sent bien, où on est libéré, on part un peu en vacances, et puis on se dit « tiens, je vais me remettre au sport, pendant l’année je n’ai pas eu beaucoup de temps et je vais tout donner! » N’est-ce pas un peu dangereux ?
Cela peut être dangereux, suivant l’âge et suivant les problèmes de santé que vous avez à votre connaissance, ou pas. Il ne faut jamais faire les choses comme ça, de façon aussi brutale. Se remettre au sport fait partie des bonnes résolutions, ça va dans le sens d’une hygiène de vie qu’on prône de façon importante depuis de nombreuses années. Donc il faut faire du sport, avoir une activité physique régulière. Maintenant, se remettre à faire du footing 2 ou 3 heures par jour alors qu’on n’en a pas fait pendant 10 ans, qui plus est pendant une période de chaleur, ça me semble encore une fois dénué de tout bon sens. Il faut faire preuve de bon sens et y aller progressivement.
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