L’espoir s’est levé à Marseille en même temps qu’un mistral de folie qui balayait la colline du Pharo en ce mercredi soir. Plus d’une centaine d’auditeurs ont eu la primeur des informations délivrées par les plus grands experts médicaux de notre région à propos du terrible cancer du poumon. Clôturant la conférence « A pleins poumons » organisée par MProvence dans l’amphi présidentiel d’Aix Marseille Université, le professeur Laurent Greillier a impressionné Jean-Louis. « Les annonces qu’il a faites sur les nouveaux traitements donnent vraiment de l’espoir« , se réjouit ce jeune sexagénaire inquiet du tabagisme passif qu’il a côtoyé ici et là au fil de sa carrière.
« Que ce soit en radiothérapie, en radiologie interventionnelle ou sur le plan médicamenteux, on a des traitements de plus en plus performants« , assure le chef du département de Pneumologie, allergologie et cancérologie à l’Hôpital Nord (APHM). Et de citer les inhibiteurs de ALK qui offrent une stabilisation de la maladie bien qu’elle soit très avancée chez certains patients. Ou de l’immunothérapie. Ou encore de cette technologie qui permet d’accrocher aux anticorps des molécules d’une chimiothérapie extrêmement puissante – trop puissante pour être administrée de manière conventionnelle – pour les délivrer pile dans les cellules tumorales à détruire. « Les résultats sont très intéressants. » Le Pr Greillier souligne qu’en dix ans le taux de survie à 5 ans a été multiplié par deux pour atteindre 20%. Et ça va continuer, promet-il.

Arrêter de fumer à 60 ans diminue par 2 le risque de cancer
Mais pour l’instant, le grand espoir pour les fumeurs et les anciens fumeurs réside dans le dépistage rapide, indolore et fort rassurant plus de 9 fois sur 10. Le professeur Pascal Thomas, éminent chirurgien thoracique à l’Hôpital Nord, n’y est pas allé avec des pincettes : « Un fumeur mourra du tabac. » Qu’il s’agisse d’un cancer du poumon, de la gorge, de la vessie, de l’estomac, du rein, du pancréas, du foie, du côlon-rectum et certaines leucémies – le tabac déclenche ou aggrave 17 cancers différents et tue ainsi 46 000 Français par an. Ajoutez les maladies cardiovasculaires – que le tabagisme multiplie par 2 ou 3 – et vous passez à 75 000 décès.

C’est pourquoi il faut d’abord absolument arrêter de fumer. Même après 40 ans de tabagisme, ça vaut le coup. « Un fumeur de 60 ans qui arrête réduit de 50% son risque d’avoir un cancer du poumon. » Oui mais si je ne fume qu’une ou deux cigarettes par jour, ou seulement le week-end ? « Aucun seuil n’est protecteur, souligne le Pr Thomas. Il est très important de considérer la durée d’exposition. Même fumer occasionnellement accroît le risque. C’est simple : un non fumeur est quelqu’un qui aura fumé moins de 100 cigarettes au cours de sa vie. » Les autres doivent donc se méfier.
Tabagisme passif : c’est inquiétant
Et si vous subissez le tabagisme passif d’un conjoint ou de vos parents, sachez que vous présentez un risque accru de 30% de déclarer un cancer du poumon. De même, si vous avez un père, un frère ou un cousin germain qui a eu ce cancer, des antécédents familiaux peuvent augmenter votre risque de 60%.
Les médecins invitent les personnes de plus de 50 ans qui fument depuis 20 ans en gros un paquet par jour, ainsi que ceux qui ont arrêté depuis moins de 15 ans, à se faire dépister. Cela concerne 300 000 personnes en région PACA, qui est celle où l’on fume le plus (1 adulte sur 3).
Les résultats incroyables du dépistage après 50 ans
Le Pr Thomas explique que le problème avec ce cancer est qu’il ne donne pas de symptômes. Si vous commencez à tousser, à cracher du sang, la maladie est bien avancée. « Dans 60% des cas on découvre le cancer à un stade métastatique. Il n’y a alors que 20 % des cancers qu’on peut opérer et guérir. Avec le dépistage précoce c’est 77% des cancers qui sont à un stade curable. »
Comment ça marche ? Eh bien il suffit de passer un scanner low dose, à faible irradiation, sans injection. Il permet de repérer un nodule cancéreux dans 1 à 2% des examens environ. « Ce sont des gens qui ne sont pas malades et qui continuent le travail et le sport. Cet examen qui dure 4 secondes est peu irradiant et peut rapporter extrêmement gros si on trouve un cancer avant qu’il ne se développe. »
Marc : « J’ai fumé trop longtemps »
Marc Demauret a gagné à cette loterie de la vie. Fumeur invétéré, il a découvert son cancer lors d’un examen fortuit. Il ne présentait aucun symptôme. Très ému, ce dirigeant d’entreprise a raconté son parcours devant une assistance attentive.
« J’ai fumé très longtemps, trop longtemps. Quand on vous annonce le diagnostic, vous le recevez avec sidération, angoisse et peur. Mais très vite j’ai trouvé dans le regard et les propos de mon chirurgien, le Dr Bouabdallah, des raisons d’espérer. J’ai alors décidé de me préparer du mieux possible pour l’opération fixée un mois plus tard. J’étais déjà un coureur, je me suis entraîné encore plus intensément. Un mois après l’intervention je reprenais le travail et un mois plus tard la course à pied. Une chose m’a motivé : je me suis dit ‘je veux voir grandir mes enfants, je ne veux pas partir maintenant. »

S’arrêter, la seule solution
Aujourd’hui, Marc est en rémission mais doit être contrôlé tous les six mois. Il enchaîne les marathons. Pour sentir son souffle. Pour se sentir vivre à pleins poumons. Avec son médecin et d’autres opérés, il a créé l’association « Le Souffle d’après » afin de soutenir les nouveaux patients, répondre à leurs angoisses, marcher ensemble dans les calanques. « Si vous fumez, essayez d’arrêter. C’est ça mon message. Et je sais combien c’est difficile ! Et de toute façon, faites-vous dépister. C’est pas pour ça que vous aurez la maladie, c’est juste pour contrôler que tout va bien. »
98% de résultats négatifs, ouf !
On le répète, 97 à 98% de ces scanners de dépistage (qu’il faut renouveler tous les ans par sécurité) reviennent négatifs. Mais si vous faites partie des positifs, les médecins pourront alors sans doute vous sauver. Oui mais le fait de passer un scanner donne-t-il l’impulsion pour stopper le tabac ? Ce serait trop simple… Cependant, cette démarche contribue indubitablement à la réflexion sur l’addiction. Car le dépistage doit s’accompagner du sevrage.
Chef du service de chirurgie thoracique à l’hôpital Saint Joseph, le Dr Ilies Bouabdallah martèle qu’il faut « lutter contre l’ignorance » parmi le grand public, et promouvoir auprès des médecins traitants la préconisation de ce scanner low dose pour leurs patients fumeurs et anciens fumeurs.

Les médecins traitants devraient mieux s’impliquer
Remarque d’une auditrice : « Les généralistes nous parlent peu de ce sujet. Comment leur demander de nous prescrire un scanner s’ils ne sont pas informés de cette possibilité ? » Une autre ajoute : « Encore faut-il avoir un médecin ! Je n’en ai plus depuis le départ du mien à la retraite. » Manque d’informations ? Surcharge des messages préventifs ? Manque de temps ? Le constat est amèrement partagé : il y a une interrogation quant à l’implication des généralistes sur le sujet du tabac.
Or il convient d’agir rapidement. Ce cancer, dans sa forme à petites cellules, flambe très vite. « Il est très agressif, confirme le Dr Bertrand Chollet, pneumologue à l’Hôpital Européen. Il y a un doublement des tumeurs tous les 60 jours. C’est 241 jours pour les autres formes. » Ce praticien note que chez nous, en Provence, on fume sa première cigarette à 13 ou 14 ans. « Ce cancer est très fréquent car une personne sur 3 a fumé et une sur quatre continue à fumer au moins un paquet par jour. »

La triste remontada des femmes françaises
Responsable de l’oncologie thoracique à l’Institut Paoli-Calmettes, la Dr Anne Madroszyk rappelle qu’on diagnostique en France un cancer du poumon toutes les 15 minutes et qu’une personne en décède toutes les 20 minutes. Cancer masculin par excellence il y a 50 ans, les femmes opèrent une triste remontada depuis les années 90. Pourquoi ? Parce que désormais elles fument autant que les hommes.
Mme Madroszyk prévoit que le cancer du poumon va rapidement dépasser le sein (12 000 décès par an) en termes de victimes féminines. « C’est la première cause de mortalité par cancer en Europe et aux Etats-Unis. Chaque année en France depuis 1990 il y a 5% supplémentaires de femmes touchées par ce cancer, aucun autre cancer ne présente une telle augmentation. En l’an 2000, les femmes représentaient 16% des malades, elles étaient 35% en 2020. 30 ans de tabagisme, c’est le délai pour développer un cancer du poumon. »
Une fumeuse a 2 fois plus de risque d’avoir un cancer du poumon
La Dr Madroszyk met en garde les femmes concernant une « injustice » qui les frappe là aussi. On en ignore la raison absolue, ce n’est pas génétique, mais à consommation de tabac égale, une femme a deux fois plus de risque de développer un cancer du poumon. Cela peut être dû une addiction plus forte à la nicotine, à une différence de surface corporelle par rapport aux hommes plus grands. « Elles fument plus de cigarettes dites « light » qui en réalité n’ont rien de léger ! Il y a aussi 70 carcinogènes dans ces cigarettes. »
Le cancer du poumon chez les non fumeurs touche 5 000 personnes par an dans notre pays. C’est du tabagisme passif pour la moitié des cas, principalement des femmes. Pour le reste, ce sont les particules fines émises par les moteurs Diesel et les polluants de l’industrie (benzène), l’arsenic, l’amiante, le radon qui est un gaz présent dans certaines habitations.

Pollution : le mistral ne la chasse pas !
La pollution atmosphérique provoque indubitablement des cancers du poumon – et bien d’autres maladies – mais les pouvoirs publics détournent le regard. « 99% des institutions et des gouvernements ne respectent pas les normes de l’Organisation mondiale de la Santé en matière de particules fines« , déplore le Dr Chollet. Elle est de 5 microgrammes par mètre cube, la France est à 10, dans une moyenne européenne assez basse « heureusement ».
Quant à ceux qui pensent qu’à Marseille, le mistral chasse la pollution, qu’ils se détrompent ! « Il ramène sur le centre-ville toute la fumée des cargos et des bateaux« , prévient le Pr Thomas.
Bien aérer son intérieur
Pneumologue à l’hôpital Saint Joseph, le Dr Arnaud Boyer a listé les sources de particules fines, celles qui pénètrent profondément dans les poumons et ailleurs dans l’organisme. Concernant la pollution extérieure : les poussières désertiques, les feux de forêts, les éruptions volcaniques, les aérosols marins, l’industrie, le trafic routier, l’agriculture, le chauffage. Pollution intérieure : le chauffage (notamment avec les cheminées et encore plus les foyers ouverts), le tabagisme passif, les fumées de cuisson, les produits de nettoyage, les bougies d’ambiance. « Il faut absolument aérer son intérieur régulièrement« , conseille le Dr Boyer.

Le radon, un gaz dangereux
La présence de radon jouerait également un rôle non négligeable. Ce gaz s’infiltre dans les habitations par des fissures. Il est particulièrement présent dans les régions aux sous-sols granitiques ou volcaniques.
Il pourrait être impliqué dans 10% des cas de cancer du poumon, souvent en association avec d’autres causes et bien sûr le tabagisme, les expositions professionnelles et même une faible consommation de fruits selon une étude présentée par le Dr Boyer.
Le chichon est pire que la clope !
A ceux qui préfèrent le cannabis, la docteur Marjorie Mussard leur a coupé… le joint ! Pneumologue à l’APHM, elle a démonté le mythe de la fumette censément plus cool parce que moins fréquente que la cigarette. « Un joint c’est l’équivalent de 3 cigarettes et la fumée est 4 fois plus toxique pour les poumons, avec des particules de plus gros volume et un effet irritant plus important. Les fumeurs de cannabis sont plus à risque. »
Selon une étude conduite à l’Hôpital Nord de Marseille auprès de 123 patients traités pour un cancer de stade 4 (le plus grave) diagnostiqué entre 18 et 50 ans, 44% consommaient du cannabis en plus du tabac, « et ces résultats qui reposent sur du déclaratif sont sous-estimés« , précise la Dr Mussard. D’ailleurs 43% des interrogés n’ont pas répondu à la question. Cannabis + tabac composent donc un cocktail mortel. Rares sont les fumeurs de joints qui ne tâtent pas également de la clope.

1 garçon de 17 ans sur 4 fumerait du cannabis
Les médecins mettent tous en garde contre la tendance à la démocratisation du cannabis. Selon le baromètre Santé 2020, 46% des adultes de 18 à 64 ans l’avaient déjà expérimenté et 11% se déclaraient fumeurs réguliers (c’est sans doute beaucoup plus vu que l’étude repose sur du déclaratif et que cette consommation reste prohibée). Les professionnels de santé s’alarment de la pratique qui déferle chez les ados : « 24% des garçons de moins de 17 ans et 17,5% des filles déclarent consommer du cannabis chaque mois et 10% et 4,5% régulièrement. »
Le chirurgien a retiré 1 tonne de cancer du poumon !
Tout l’enjeu, bien résumé par le Pr Pascal Thomas, est le sevrage tabagique. « J’ai calculé avoir enlevé une tonne de cancer du poumon en 35 ans de chirurgie ». Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce ponte du bistouri connu internationalement fait des consultations de… tabacologie ! « J’adore ça, quand je peux aider un fumeur âgé de 40 ans à décrocher. Je vais apporter beaucoup plus d’espérance de vie qu’avec mon bistouri. Le sevrage du tabac permet d’éviter des parcours de soins douloureux, longs et coûteux. »
Comment décrocher du tabac ? C’est le rôle des tabacologues dans lequel excelle également Patricia Gallotti qui officie à l’hôpital Saint Joseph. « Il faut savoir que les fumeurs ont 3 dépendances : à la nicotine, psychologique et comportementale. C’est sur ces 3 aspects qu’il faut travailler. »
Vapoter ? Oui, mais là aussi il faudra stopper
Question dans l’assistance : le vapotage est-il une bonne solution pour arrêter ? « Il y a un côté positif, c’est l’absence de combustion, de goudrons et une diminution des toxiques par rapport à une cigarette qui en renferme 7 000. Mais les produits du vapotage ne sont pas sans danger, estime Mme Gallotti. L’objectif à court ou moyen terme va être d’éviter la cigarette électronique. Et surtout, si vous ne fumez pas, ne vapotez pas ! »
Petit rappel incisif comme un coup de bistouri du Pr Thomas : « Le vapotage a été inventé par l’industrie du tabac qui est en panique totale face aux effets de la lutte contre le tabac. » En d’autres termes, elle cherche à nous rendre addicts par d’autres moyens que le tabac.

L’hypnose pour repousser l’envie de fumer
Interrogation d’un auditeur : « J’ai 28 ans et on m’a découvert de l’emphysème. J’ai arrêté le tabac et le cannabis mais je suis addict au geste de fumer, ça me manque, que puis-je faire ? » Mme Gallotti plaide pour un soutien psychologique et pour l’hypnose.
Les effets de cette pratique ont été présentés par Alexandra Danguiral (hôpital Saint Joseph). « Elle renforce la motivation des patients et favorise l’abstinence, jusqu’à 30% à 6 mois après l’arrêt du tabac. C’est un outil thérapeutique donc il doit être prescrit par des professionnels de santé. » Attention aux charlatans là encore et aux hypnothérapeutes auto-proclamés ! En général, une à trois séances sont proposées. « On va apprendre l’autohypnose au patient afin qu’il arrive à gérer lui-même son envie de fumer« .

Killian se paie le Canada !
A l’arrivée se pose la question de savoir si ces conférences sont efficaces. Eh bien oui ! la preuve avec Killian, 27 ans l’an dernier quand il y a assisté. Sa prise de conscience du danger fut telle qu’il a arrêté le tabac dans les trois mois suivants alors qu’il fumait depuis douze ans. Aujourd’hui ça ne lui manque pas du tout. Il se réjouit en plus des économies réalisées : 1 500 euros. « Ma compagne avait arrêté avant moi, elle en est à 3 500 euros. Du coup on peut se payer un voyage au Canada l’été prochain ! » Nouveau défi pour le jeune Marseillais : aider sa maman à décrocher à son tour de la clope.
Encore 2 conférences à Bastia et Aix
Si vous avez raté la conférence de Marseille, sachez que deux autres rendez-vous sont fixés dans le cadre de notre campagne « A pleins poumons » :
- Jeudi 15 mai à 18h à Bastia. Salle polyvalente de Lupino, avenue Saint Exupéry. Entrée libre.
- Mercredi 21 mai à 18h au Centre hospitalier du Pays d’Aix, avenue des Tamaris à Aix-en-Provence. Entrée libre.
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