Scanner, IRM, radio, écho : des images pour toutes les maladies

Scanner ou IRM ? Radio ou échographie ? L'imagerie médicale est prépondérante dans la plupart des prises en charge médicales. A tel point qu'on prescrirait trop de radios alors que l'examen clinique pourrait largement suffire ! Le docteur Marc André, radiologue à l'Hôpital Européen de Marseille, explique pourquoi on vous recommandera l'une plutôt que l'autre. Et il évoque les progrès attendus pour mieux nous soigner demain, et peut-être éviter de faire des biopsies invasives avant d'opérer.

Santé

L’imagerie médicale est souvent incontournable. Mais on ne comprend pas toujours la différence entre une radio, une échographie, une IRM ou un scanner. Qu’est-ce qui justifie l’un plus que l’autre ?

Docteur Marc André : Quand il y a plusieurs techniques pour obtenir le même résultat, ça veut dire qu’aucune n’est parfaite. L’échographie montre des choses que ne voit pas le scanner, que ne voit pas l’IRM, que ne voit pas l’angiographie par exemple. Le scanner voit très bien les calculs du rein et l’IRM ne les voit pas absolument pas. Car l’IRM est une imagerie par résonance magnétique, qui fait résonner des molécules d’eau. Dans les calculs il n’y a pas d’eau, donc il n’y a pas de signal, donc on ne voit pas les calculs.

On a l’impression que le scanner – mais vous allez me démentir – est l’examen le plus parlant, qui montre le plus de choses. Est-ce une idée reçue ?

Tout à fait ! Le scanner voit très bien la cavité abdominale, ce qui se passe dans le thorax. Mais si vous voulez analyser les testicules, le scanner ne voit rien du tout, c’est l’échographie. Si vous voulez analyser la prostate, là aussi le scanner est pris en défaut, c’est l’IRM. Il faut le bon examen, pour la bonne question.

Des restrictions avec les stimulateurs cardiaques

Prenons le cas inquiétant d’une suspicion de cancer. Selon sa localisation, vous n’allez pas avoir recours à la même technique…

S’il s’agit d’une lésion testiculaire, l’échographie est bien plus performante. Idem s’il s’agit d’une lésion de la thyroïde. Le scanner va par contre faire un bilan d’extension plus général. Et l’IRM va préciser certaines images que le scanner n’arrivera pas à distinguer, notamment toutes les formations dans lesquelles il y a un petit peu d’eau.

Toutes ces techniques d’imagerie sont-elles bien supportées par l’ensemble des patients ?

Eh non ! Il y a des prescriptions, des restrictions qui doivent être respectées. Pour le scanner, on est obligé d’injecter des produits de contraste, certaines personnes font des intolérances. Lorsqu’une intolérance est connue, il faut faire un bilan allergologique pour savoir quelle molécule on peut injecter.  Il en est de même pour l’IRM. Il existe des restrictions liées à la présence de stimulateurs cardiaques. Il faut l’avis du cardiologue pour faire l’examen.

« Avec la radio, on se donne parfois bonne conscience ! »

Dans toutes ces techniques, on a la bonne vieille radio. Est-elle dépassée aujourd’hui, y a-t-on encore largement recours ?

On se sert encore beaucoup de la radio, et j’allais dire même beaucoup trop ! La radio peut être utile mais, bien souvent, l’examen clinique permet d’avancer le diagnostic. On se précipite beaucoup trop sur la radio pour se donner une bonne conscience. Pour une entorse de la cheville, à l’examen clinique on arrive à savoir s’il n’y a rien du tout. Ou si c’est juste ce qu’on appelle une foulure, s’il y a une suspicion. Il y a des recommandations qui ont été faites pour que les radios soient faites à bon escient.

L’imagerie est également interventionnelle, c’est-à-dire qu’elle sert à soigner et c’est ce que vous faites personnellement. Quelles interventions réalisez-vous ?

La radiologie est devenue extrêmement complexe et il y a autant de radiologues que d’appareils. Un neuroradiologue va analyser uniquement l’appareil neurologique. Un radiopédiatre va s’intéresser uniquement aux enfants. Et il en va de même pour les spécialités  adultes. Des radiologues ne s’occupent que de l’appareil ostéo-articulaire, d’autres que du thorax. Et dans mon cas je ne m’occupe que de l’appareil urinaire. C’est une spécialité qui demande de longues études. Et la radiologie interventionelle est une spécialisation supplémentaires.

Brûler les tumeurs grâce à l’imagerie interventionnelle

En imagerie interventionnelle urinaire, on fait des diagnostics, des prélèvements d’organes profonds pour les faire analyser et savoir quelle attitude chirurgicale on peut avoir. L’exemple, ce sont les tumeurs du rein. 20% de ces tumeurs sont bégnines. Autrefois, on faisait des ablations du rein sans avoir de preuve histologique. A l’heure actuelle on fait pratiquement systématiquement des biopsies ciblées sur les tumeurs du rein, avant de faire un traitement. La seconde étape, quand on a le diagnostic avec une personne fragile qui nécessite un traitement, l’imagerie interventionnelle urinaire va permettre d’aller traiter ces lésions. On va les brûler soit par le chaud, soit par le froid. Avec une efficacité équivalente à la chirurgie.

Ces interventions se réalisent-elles sous anesthésie générale ou locale ?

Cela peut se faire pour la cryothérapie (le froid) sous anesthésie locale. Pour la radiofréquence, le traitement par le chaud, ça peut aussi se faire sous anesthésie locale, mais généralement on le fait sous sédation. Un anesthésiste donne au patient une médication qui permet d’être détendu et de voir le temps plus court.

Demain, éviter les biopsies

La marge de progression en imagerie est-elle importante ? Que pourra-t-on voir demain, détecter, qui aujourd’hui vous reste inaccessible ?

Notre espoir, c’est d’une part en scanner arriver à avoir des résolutions contrastes plus fines, voir des petites lésions, avec une irradiation la plus faible possible, puisque c’est principalement ce que l’on reproche au scanner. Pour l’IRM, c’est l’imagerie moléculaire. C’est-à-dire qu’aujourd’hui on fait résonner des protons pour reformer une image. La formation de l’image est très longue car le signal cueilli est très faible. On peut imaginer que dans le futur on pourra faire résonner d’autres molécules, ce qui permettra peut-être de faire une analyse tissulaire uniquement par de l’imagerie. C’est-à-dire savoir quelle est la composition du tissu et éviter peut-être les biopsies dans le diagnostic avant une intervention.

L’intelligence artificielle est-elle l’alliée du radiologue dans le diagnostic et quel progrès permet-elle, si elle en permet un ?

Grande question ! L’intelligence artificielle, il faut d’abord qu’elle soit alimentée d’une façon correcte et il faut que les logiciels soient suffisamment performants pour faire la distinction entre le normal et l’anormal. Le problème, c’est que les doutes qu’a l’intelligence artificielle (IA), ce sont les mêmes doutes qu’a le radiologue. On arrive avec l’IA à faire des diagnostics de « C’est cassé, c’est pas cassé », et donc cela peut enlever une certaine part de travail pour le médecin et simplifier le diagnostic. A l’heure actuelle toutes les spécialités médicales sont soumises à une charge de plus en plus importante et avec de moins en moins de personnes disponibles. Et donc l’intelligence artificielle pourra peut-être, dans des secteurs bien précis, arriver à faire la part des choses.

« Si l’IA fait une erreur, qui sera responsable ? »

Mais si l’IA fait une erreur, qui sera le responsable ? Le concepteur du logiciel ? Le radiologue ? L’établissement ? C’est la première chose. Ensuite, qui paie ? Tous ces logiciels demandent énormément de travail, de recherches, avec un coût de logiciel très important. L’Etat, la Sécurité sociale, vont-ils accepter de payer ce surcoût pour un gain finalement qui est minime ? La troisième chose, c’est l’IA oui, mais pour quoi faire ? Pour quel diagnostic ? A l’heure actuelle, l’imagerie c’est beaucoup de diagnostics percutanés, des traitements percutanés. L’intelligence artificielle ne pourra intervenir, du moins pour le moment, à ce niveau là. Je crois qu’il faut laisser à l’IA ses possibilités, ses limites, les connaître et aider les radiologues à devenir plus performants avec de l’intelligence non artificielle…

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