Un reportage réalisé par Lou Berlemont, Sérine Far et Maëlle Riou-Bourdon
Un jeudi de novembre 2023 à l’Institut Paoli-Calmettes, centre de lutte contre le cancer à Marseille. Le docteur Thomas Maubon s’apprête à réaliser une nouvelle prostatectomie totale robotisée, c’est-à-dire l’ablation de cette glande reproductrice qui jouxte l’appareil urinaire. Marchant tranquillement dans le couloir vers le bloc opératoire, le patient semble incroyablement serein.
Jacques, âgé de 65 ans, diagnostiqué en juillet dernier, est arrivé de Corse ce matin-là. Il est accompagné de son fils et se dit “prêt à attaquer”. Il est sûr de son choix de traitement – la chirurgie – longuement réfléchi avec différents praticiens. Tout aussi serein, son fils qui l’accompagne a préféré le match de l’OM au Vélodrome à la salle d’attente de l’hôpital.
Le patient évalue sa sexualité sur une échelle de 1 à 10
Pour l’urologue, le travail ne se limite pas au bloc. Tout un cheminement mène à la décision d’une telle intervention chirurgicale. L’ablation de la prostate a des conséquences sur les fonctions sexuelles du patient dans la grande majorité des cas, avec des érections plus molles et parfois plus d’érections du tout. Comment alors, faire la balance entre la santé du malade et sa vie intime si essentielle ? Voici le défi que tente de relever Thomas Maubon lors de chaque intervention. Le médecin précise au passage que “chaque patient est différent, chaque cancer de la prostate est différent.”
En prenant en compte le grade du cancer, il discute avec le malade de ses fonctions érectiles avant opération ainsi que de ses souhaits de sexualité future. Certes, la plupart de ses patients ont plus de 60 ans mais ce chirurgien souligne que la sexualité n’a pas d’âge. Pour ce faire, il questionne les concernés à propos de la qualité de leurs érections sur une échelle de 1 à 10. Il existe des questionnaires mais il préfère les discussions en face à face.
Jacques veut garder au maximum ses capacités érectiles
Lors de la chirurgie, le but principal est d’enlever la prostate touchée par les cellules cancéreuses en conservant au maximum les bandelettes voisines. Il s’agit d’un ensemble de tissus nerveux rattachés à la prostate et permettant l’érection. L’utilisation du robot permet théoriquement une précision plus importante afin d‘espérer conserver le maximum de la fonction érectile du patient. Elle offre également la possibilité d’affecter le moins possible le sphincter urinaire et ainsi de conserver la continence. Bref, d’éviter les fuites d’urine.
Pour le patient que nous avons rencontré, le message est clair : il veut garder un maximum de ses capacités érectiles. Celui-ci a indiqué au chirurgien son souhait de conserver une vie sexuelle toujours active. Malgré tout, le Dr Maubon nous indique que le patient n’aura pas d’érection naturelle pendant au moins deux ans et qu’il n’est pas assuré de retrouver totalement ses capacités passée cette période.
Selon l’Institut national du cancer, entre 14% et 92% des patients présenteraient des dysfonctions érectiles après l’opération. Intervenant en octobre lors d’une conférence organisée par MProvence à Aubagne, le professeur Eric Lechevallier, chef du service d’urologie du CHU de La Conception (Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille), était bien plus tranchant : « Même avec la conservation des nerfs, les érections sont molles, instables. Dans plus de 90% des cas, il y a donc un impact sur les érections et sur la sexualité. »
L’objectif n°1 : sauver la vie du patient
Par ailleurs, entre 5% et 25% des opérés auraient des problèmes d’incontinence urinaire. Cet écart de chiffres s’explique par cette notion de “cas par cas” avancée précédemment. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu’une telle intervention vise à sauver la vie du patient avant que le cancer, encore localisé à la prostate, ne se diffuse à d’autres organes jusqu’à être irrattrapable.
L’ablation chirurgicale de la prostate n’est toutefois plus systématique. Depuis plusieurs années, la surveillance active est privilégiée dans des cas de cancers à un stade peu avancé. Soit près d’un cas sur deux. C’est considérable. Selon le Dr Thomas Maubon, le patient idoine pour une chirurgie est un individu en bon état physique présentant une tumeur importante.
C’est le cas de Jacques, dont l’opération s’est finalement très bien passée. Elle a duré trois heures et le chirurgien a atteint son objectif en conservant un maximum de bandelettes, cet ensemble de tissus nerveux jouxtant l’organe malade et qui permettent donc les érections.
Retour à Bastia dès le lendemain
Des tissus, prélevés tout au long de l’opération, et la prostate – grosse comme une mandarine dans laquelle, une fois retirée de l’abdomen, on perçoit au toucher les tissus durcis par le cancer comme on peut le voir dans la vidéo ci-dessus – seront envoyés au laboratoire pour établir la “carte d’identité du cancer” de ce patient.
Jacques a passé la nuit dans l’unité d’oncologie de l’Institut Paoli-Calmettes et pris l’avion pour rentrer à Bastia le lendemain. Son fils lui aura raconté le match. Sans regrets pour Jacques. L’OM n’a même pas gagné…
Le Dr Maubon répondra à vos questions le 16 novembre
Venez interroger le docteur Thomas Maubon et 7 autres médecins à la conférence publique organisée par MProvence « La prostate, parlons-en pour vous protéger ! » : jeudi 16 novembre à 16h30, amphi Gastaut, Université d’Aix-Marseille, jardin du Pharo, 58 Bd Charles Livon, 13007 Marseille. Entrée libre. Parking en face du jardin.
Retrouvez articles, podcasts et vidéos dans notre rubrique dédiée à la prostate à l’occasion du mois de novembre, le mois dédié à la santé masculine.
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