Un « Lab territorial » pour une meilleure acceptabilité de l’industrie

Cette structure expérimentale, unique en France dans son principe, vise à coconstruire avec les citoyens l’avenir industriel de la région pour apaiser les tensions récurrentes à toute implantation d’usine. Comment réussir à réindustrialiser la France si les Français, et de plus en plus souvent leurs élus locaux, ne veulent plus d’implantation industrielle à proximité de chez eux ?

Réindustrialiser en préservant un bon cadre de vie

Les acteurs publics et privés du pourtour de l’étang de Berre vont explorer une piste inédite avec la création du « Lab territorial Industrie Fos-Berre », officialisée ce 18 octobre à Berre-l’Etang, en présence du Secrétaire Général pour l’Investissement, Bruno Bonnell, en visite en Provence-Alpes-Côte d’Azur, jusqu’au 20 octobre.

Inspirée des modalités de concertation mises en œuvre sur la qualité de l’air par le dispositif « Réponses », l’initiative a émergé à la suite des oppositions apparues lors de l’enquête publique sur la construction de la nouvelle usine du groupe Satys sur le parc des Florides à Marignane.

Malgré les engagements pris par cet industriel partenaire d’Airbus Helicopters, malgré les emplois promis, le maire de Marignane a fini par se ranger sur les positions les plus virulentes de ses administrés et refuser que le projet se concrétise sur une zone pourtant historiquement dédiée aux activités aéronautiques.

Pour Bruno Bonnell, « il n’y a pas d’autre choix que se mettre tous ensemble à réfléchir à un développement industriel qui combine l’amélioration des performances environnementales et la préservation du cadre de vie pour tous nos concitoyens. Il en va de l’attractivité économique de notre pays, de sa souveraineté industrielle et de la volonté des jeunes de s’y intéresser ».

Placé sous l’autorité de la Préfecture de Région et le pilotage du sous-préfet de l’arrondissement d’Istres, Régis Passerieux, le « Lab » reposera sur des principes, des objectifs et des outils, qui vont progressivement se déployer jusqu’au printemps 2023.

Concerter absolument

Pour Jean-Michel Diaz, président du Groupement Maritime Industriel de Fos (GMIF), « Réponses a permis de déboucher sur un plan de 120 actions sur la qualité de l’air, mais il ne portait pas sur la question de l’acceptabilité de l’industrie de demain sur le territoire.

Avec ce « Lab », nous prenons en compte la nécessité de recréer une culture industrielle positive et d’agir notamment en concertant bien en amont des projets, avant l’enquête publique ou le premier coup de pioche, et quelle que soit leur taille, dès lors qu’il y a un soupçon dans l’esprit des gens de risque d’atteinte à leur intégrité s’il se concrétise.

Il va falloir expliquer, tous ensemble, montrer les progrès et concerter, sinon nous n’arriverons pas à implanter les projets conçus pour accélérer la transition environnementale et énergétique vers la neutralité carbone en 2050. Coconstruire, ce n’est pas codécider. Si nous établissons avec la population, avec les élus de proximité, la vision de l’industrie que nous voulons demain dans cette région, nous espérons que pourra s’instaurer un nouvel équilibre entre la nécessaire lutte contre le changement climatique et ce que chacun peut accepter sur ce territoire de cette transformation ».

Définir ensemble la soutenabilité des projets

A travers le « Lab » et les différents collèges qu’il associera dans sa mise en œuvre (collectivités, associations, représentants de l’Etat, de l’industrie, des salariés, de citoyens…), il s’agira, d’une part, de promouvoir une certaine pédagogie (d’où vient l’industrie, comment elle a progressé, où elle va…) pour rebâtir une « culture industrielle » qui s’est étiolée avec la désindustrialisation du pays et la montée des connaissances et revendications écologiques, d’autre part, de définir des scénarios sur les filières prioritaires à développer, en cohérence avec les enjeux environnementaux et de qualité de vie.

Tout ceci afin de mieux préciser les conditions de soutenabilité des projets. Une précaution qui pourrait éviter la multiplication de contentieux qui pénalisent la lisibilité des investisseurs sur les délais probables de réalisation…

Porter les regards de la jeunesse vers l’industrie

L’ingénierie de la participation citoyenne passera par l’instauration d’ateliers thématiques, de consultations numériques, par le tirage au sort d’un « caucus citoyen », jusqu’à l’ouverture d’un « tiers-lieu » à Istres et d’annexes physiques ou numériques où chacun pourra s’informer, discuter,débattre. Des visites d’industries pourront compléter cet ensemble, toujours dans ce souci pédagogique.

Et pour restaurer l’attrait des jeunes vis-à-vis des métiers de l’industrie, un « Think Tank » travaille à construire un dispositif baptisé à ce stade de la réflexion « Les Cadets de l’industrie », qui pourrait voir le jour à terme. « Bruno Bonnell a rappelé que dans France 2030, laformation des jeunes est un élément très important de la construction de l’industrie de demain, poursuit Jean-Michel Diaz. L’idée est d’entamer une sensibilisation dès le collège, en 4 ème et 3 ème, d’aiguiller des élèves pour les aider à choisir leurs filières, de les suivre durant leur parcours diplômant ou certifiant et jusqu’à leur insertion professionnelle. Ils seront à leur tour desambassadeurs de l’industrie et en généreront une vision positive. C’est en permettant à des jeunes de parler aux jeunes pour les jeunes, dans les écoles, les quartiers, des événements… que nous parviendrons à tourner leur regard vers l’industrie et de contribuer, par leurs choix professionnels et compétences acquises, à sa transformation ».