S’il est un cancer méconnu, c’est bien le cancer du rein. Pourquoi, et est-il fréquent ?
Docteur Thibault Negre : C’est un cancer plutôt rare avec 15.000 nouveaux cas par an (chiffres de 2018). Dans le monde, c’est le 13e cancer et en France c’est le 9e cancer chez la femme et le 6e chez l’homme. Deux hommes pour une femme ont un cancer du rein, avec un âge médian autour de 65 ans. La méconnaissance de ce cancer est liée au fait qu’il est plutôt rare et qu’il n’y a pas de dépistage organisé, comme pour le cancer de la prostate ou le cancer du sein.
On dit souvent qu’il s’agit d’un cancer grave, de mauvais pronostic. Pour quelles raisons ?
C’est un cancer de bon pronostic lorsqu’on parle des cancers localisés. Le pronostic est plus mauvais dans le cadre des cancers métastatiques, où des cellules sont parties à l’extérieur de la tumeur rénale. Depuis quelques années on voit le développement de nouvelles technologies chimiothérapiques qui s’appellent les immunothérapies, et qui changent radicalement le pronostic.
Du sang dans les urines doit alerter
A quel moment peut-on ou doit-on suspecter un cancer du rein?
95% des cancers du rein sont asymptomatiques. Quand il y a des symptômes, comme des saignements dans les urines, des douleurs, c’est souvent qu’on parle d’une masse rénale très volumineuse, avec une tumeur qui est déjà avancée au moins localement, voire métastatique.
C’est donc à ce moment-là que le patient peut s’en rendre compte, sinon il ne le voit pas…
Oui, mais dans plus de 95% des cas on voit des patients qui ont des tumeurs rénales parce qu’ils ont fait des examens pour autre chose : une colique néphrétique, une problématique vasculaire, de vésicule biliaire… Et c’est sur l’échographie ou le scanner qu’on se rend compte qu’il y a une masse au niveau du rein.
Une intervention délicate pour le chirurgien
Quels sont les traitements possibles ? La chirurgie est-elle incontournable ?
Lorsqu’il s’agit d’un cancer localisé, la chirurgie est le traitement standard. Il y a deux types de chirurgie. Soit la néphrectomie totale, où on enlève la tumeur avec le rein, parce que les conditions anatomiques locales ne permettent pas de faire une néphrectomie partielle. La néphrectomie partielle est le deuxième type de traitement chirurgical. On n’enlève que la tumeur et on conserve le rein en le réparant.
Se développent les traitements percutanés depuis de nombreuses années maintenant. C’est une aiguille qu’on vient rentrer à travers la paroi, jusque dans la tumeur. On va brûler les cellules de la tumeur, soit avec du chaud, soit avec du froid. Cela s’appelle soit la radiofréquence, soit la cryothérapie. Ce sont des traitements limités, où on ne peut pas traiter des tumeurs de plus de 30-35 millimètres. Ils sont donc moins performants que le traitement chirurgical. On les conserve pour des patients qui ont des comorbidités lourdes ou qui sont très âgés, et pour lesquels on n’a pas envie d’opérer.
Est-ce une chirurgie délicate et compliquée ?
Oui, c’est une chirurgie qui est technique, qui nécessite d’aborder les vaisseaux du rein qui sont des gros vaisseaux au contact des plus gros vaisseaux du corps humain, l’aorte et la veine cave. Il faut libérer complétement le rein pour mettre à nu la tumeur. Le geste le plus technique est la néphrectomie partielle, où l’on ne va enlever que la tumeur. Il nécessite de couper la circulation sanguine du rein le temps d’enlever la tumeur et de faire la réparation rénale. Tout le challenge est de faire en sorte que cette durée de clampage soit la plus courte possible, tout en enlevant la tumeur sans laisser de cellules (cancéreuses) en place.
Les deux reins sont rarement touchés
Faut-il adjoindre à la chirurgie un traitement complémentaire, comme la radiothérapie ou la chimiothérapie ?
Il n’y a aucune place aujourd’hui pour un traitement adjuvant dans les tumeurs du rein localisées. Il se développe des essais thérapeutiques, notamment avec cette nouvelle technologie qu’est l’immunothérapie. Peut-être que dans quelques années ça deviendra le standard pour des tumeurs localement avancées, ou pour limiter le risque d’évolution métastatique dans un second temps. Mais aujourd’hui il n’y a pas de recommandation en ce sens.
Les deux reins peuvent-ils être touchés par un cancer, sinon d’autres organes ?
Les tumeurs rénales bilatérales existent. De manière spontanée chez quelqu’un qui n’a pas de problèmes de santé et pas de syndrome génétique particulier, c’est rare. 3 à 5% des patients ont des tumeurs bilatérales. Le traitement chirurgical est le même. On opérera la tumeur la plus volumineuse dans un premier temps, et la plus simple ensuite.
L’envahissement des organes aux alentours existe. C’est globalement rare dans l’adénocarcinome rénal qui est le type de tumeur le plus fréquent. C’est plus fréquent dans un type de tumeur qui s’appelle le sarcome péritonéal qui, lui, a un envahissement local bien connu sur le côlon, la surrénale, le duodenum qui est le tube digestif, ou les gros vaisseaux que sont l’aorte et la veine cave.
75% des patients n’auront plus jamais de problèmes
Quelles sont les suites d’un tel cancer ? Les récidives sont-elles fréquentes ?
Avec l’avènement des technologies chirurgicales robotiques, les suites de ces interventions se sont considérablement améliorées, ainsi qu’avec le développement de la « réhabilitation accélérée » après chirurgie. Les patients restent hospitalisés 24 à 48 heures après une chirurgie qui, il y a 15 ou 20 ans, était une « aventure » chirurgicale. Les suites sont globalement simples.
Le risque de récidive locale sur une tumeur localisée est très faible. On est sur 4 à 8% de risque de récidive locale. Tous patients confondus, 25% développeront des métastases dans leur vie. Donc les trois-quarts des patients n’auront plus jamais aucun problème. La grande majorité des patients qu’on opère ont des toutes petites tumeurs rénales, de l’ordre de 40 millimètres maximum. Ces patients, qui ont eu une chirurgie en marge saine, ont une guérison totale dans plus de 95% des cas.
Des facteurs de risque peu évidents
La fonction rénale est-elle conservée ?
C’est l’objectif du traitement. On n’enlève que la tumeur et on fait une préservation maximale du rein pour pouvoir permettre d’avoir le minimum de baisse de fonction rénale. C’est-à-dire de capacité à filtrer le sang.
Peut-on prévenir l’apparition de ce cancer par son comportement, ou des attitudes de prévention ?
Les facteurs de risque existent, ils sont relatifs. Le tabac, par exemple, est un facteur de risque de cancer du rein. Mais un risque relativement faible comparé au cancer du poumon. Quand on fume, on a 30 fois plus de risque d’avoir un cancer du poumon. Pour le cancer du rein, fumer augmente le risque de 1,6. Donc c’est plutôt un risque modéré, mais qui existe.
Quelques agents chimiques sont évoqués comme étant des facteurs de risque, comme le trichloréthylène. Selon certains métiers, cela peut être un facteur. Egalement tout ce qui est irradiations, du style accident nucléaire. L’insuffisance rénale et la dialyse sont aussi des facteurs de risque. Le principal facteur de risque étant le fait d’avoir déjà eu une tumeur rénale, qui expose à un surrisque d’en avoir une autre dans sa vie.
Faut-il éviter certains aliments ?
Non pas du tout. Une alimentation saine et équilibrée est recommandée. Rien n’est aujourd’hui défini comme un facteur de risque.
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