Plus les années passent, moins le discours autour du cancer de la prostate semble alarmiste. Disons qu’il est plus serein tout en restant évidemment attentif. Car il faut le rappeler : ce cancer est le plus fréquent chez l’homme avec 60 000 nouveaux cas par an, avec un âge médian au diagnostic de 64 ans. Il tue un homme chaque heure (8 100 décès par an).
La « chance » – si on peut parler ainsi lorsque frappe la maladie – est que 8 cancers sur 10 sont diagnostiqués à un stade précoce, alors qu’ils sont encore localisés à cette seule petite glande reproductrice située sous la vessie. Réunis hier soir au sein d’Aix Marseille Université au Pharo à Marseille, après une allocution du président national de la Ligue contre le cancer, le Dr Philippe Bergerot, les spécialistes marseillais de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (APHM) et de l’Institut Paoli-Calmettes (IPC) se sont voulus rassurants, mais à certaines conditions.
Diagnostic à partir de 50 ans pour éviter la tuile
La première est de réaliser un test une fois par an ou tous les deux ans à partir de 50 ans – ou 45 ans en cas d’antécédent familial avec un père ou un frère atteint, ou si on est d’origine afro-caribéenne. Il consiste en un dosage du PSA lors d’une prise de sang puis un toucher rectal qui permet au médecin de palper la prostate afin de repérer une possible induration. Un peu désagréable certes, mais si éviter le développement d’un cancer mortel passe par là, ce n’est pas cher payé !
C’est ce qu’a rappelé le Pr Romain Boissier, urologue à l’Hôpital de la Conception (APHM). « Ce cancer évolue généralement très lentement. Chez les hommes très âgés, on trouve des cellules cancéreuses chez la plupart d’entre eux, mais cela est lié à l’âge. » Et ils ne mourront sans doute pas de cela.
Toutefois, ce cancer peut aussi présenter des formes agressives, notamment chez les sujets jeunes, dans la cinquantaine et la soixantaine. Voilà pourquoi il faut en parler systématiquement à son médecin généraliste. Or selon plusieurs anciens malades présents dans l’assistance, beaucoup de généralistes n’évoquent pas spontanément ce sujet en consultation et ne prescrivent pas le contrôle sanguin. « Les jeunes médecins y sont particulièrement sensibles » souligne le Pr Boissier.
Pas de panique mais de la vigilance
Pas de panique donc, mais de la vigilance ! Urologue à l’IPC, la Dr Géraldine Pignot a rassuré l’auditoire essentiellement masculin. Il n’y a pas de règle absolue. « Des patients ont un taux de PSA élevé, au-delà de 4, et un toucher rectal normal. Dans ce cas on procède à une IRM et éventuellement à une biopsie. » La présence d’un cancer indolent, peu agressif, peut être confirmé. Mais les médecins ne vont pas forcément enclencher un traitement pour autant et ils vont plutôt proposer de mettre le patient sous « surveillance active ».
« Un cancer de la prostate peut mettre 10 à 20 ans à se développer et métastaser ailleurs. » Les pratiques ont donc changé avec les progrès de l’imagerie médicale qui permet désormais une analyse bien plus fine de la tumeur. « Il y a dix ans, on avait tendance à surtraiter – et donc à opérer toutes les formes de cancer de prostate, NDLR – car on n’avait pas les outils pour savoir distinguer les caractéristiques d’agressivité du cancer pour chaque patient. Aujourd’hui, notamment avec l’IRM et les biopsies, on sait quels sont les cancers qui impacteront la survie et nous pouvons proposer des traitements personnalisés. »
« Vous avez 1 chance sur 2 de ne pas avoir de traitement »
Et c’est ainsi qu’une personne sur 2 ou 3 se voit préconiser la fameuse « surveillance active » : pas de traitement invasif type chirurgie ou radiothérapie mais des prises de sang tous les 3 ou 6 mois pour contrôler le PSA, un toucher rectal, une IRM à un an et des biopsies si nécessaire. Et ce suivi peut durer toute la vie ! « Vous avez une chance sur deux de ne jamais avoir de traitement ! »
« Il faut penser à la qualité de vie des patients, car en cas de traitement on a des effets secondaires certes réduits mais bien présents comme l’incontinence urinaire et des problèmes d’érection« , ajoute la Dr Pignot. Ce que confirment plusieurs hommes présents dans l’amphithéâtre universitaire. « La surveillance active est une arme contre le surtraitement. Et il n’y aucune perte de chance. » C’est-à-dire que si le cancer évolue et qu’il faut alors le traiter, eh bien le patient n’aura pas minoré ses chances de guérison parce qu’on aura simplement surveillé sa maladie au début.
Les avantages du robot
En cas de cancer agressif, il faut évidemment traiter. Ce qui explique le nombre encore élevé de prostatectomies chaque année en France. 20 000 ablations de la prostate sont réalisées par les chirurgiens, les trois-quarts à l’aide du robot qui s’avère plus précis et maniable dans l’approche, réduisant ainsi les effets secondaires. C’est ce qu’a expliqué le Pr Cyrille Bastide, chef du service d’urologie à l’Hôpital Nord (APHM), citant une étude de 2023 : « On a constaté une amélioration de la continence précoce à 3 et 6 mois, mais pas à un an, et une amélioration de la récupération de l’érection. »
D’autres approches thérapeutiques sont également en cours de développement, comme le traitement focal, par ultrasons, cryothérapie ou laser interstitiel.
Incontinence urinaire, diverses solutions
Très attendu sur les effets secondaires aux traitements, le Pr Gilles Karsenty, chef du service d’urologie de la Conception, a rappelé que cette prostate qui nous embête bien, nous les hommes, est cependant essentielle à la survie de l’humanité puisqu’elle participe à la composition du sperme : « Elle sert à être papa ! lance joyeusement le chirurgien. Elle est placée sous la vessie, elle sert également à être continent. » Ce spécialiste de l’incontinence urinaire a rappelé l’éventail très large de solutions offert aux patients qui souffriraient de ces troubles. Ils rentrent généralement dans l’ordre après quelques mois voire une année.
La sexualité, sujet fondamental face au cancer
Le Dr Thomas Maubon, urologue à l’IPC, était chargé d’aborder la sexualité, très impactée en cas de traitement. Les nerfs érecteurs qui bordent la prostate sont quasi inévitablement altérés par la chirurgie ou la radiothérapie. « C’est un sujet fondamental qui doit être abordé avec le patient avant même tout traitement. Car si la sexualité est importante pour lui, il faut en tenir compte dans les solutions proposées. Il doit se projeter sur l’après de sa maladie : quelle sexualité veut-il après son traitement ? »
Le Dr Maubon a présenté les différentes solutions pour obtenir des érections quand la fonction érectile a été endommagée par un traitement appliqué – rappelons-le quand même ! – pour sauver la vie du patient. Tout le monde connaît les pilules type Viagra bien sûr fortement recommandées. « La solution la plus efficace, ce sont les injections intra-caverneuses que le patient s’administre avant un rapport, estime le Dr Maubon. Et en plus, il n’y a pas d’effets secondaires. »
Organiser des séances d’info collectives à l’hôpital !
Malheureusement, les médecins n’ont pas toujours le temps suffisant à accorder aux patients pour aborder l’ensemble d’un sujet complexe et encore bien tabou. Plusieurs hommes assistant à la conférence ont demandé pourquoi ne pas organiser des séances d’information de groupe dans les services d’urologie. Une idée qui a favorablement interpellé les médecins, et que préconisaient d’ailleurs les représentants de l’Anamacap, une association d’anciens malades très active pour informer et accompagner les hommes touchés par ce cancer.
La sexualité est un aspect absolument déterminant à prendre en compte dans la gestion de ce cancer. Ainsi un auditeur de 77 ans, auquel on vient de découvrir la maladie localisée à la prostate, nous a confié hésiter sur le traitement – un chirurgien recommande l’opération, un autre non – car il est en pleine forme et a une vie sexuelle active qu’il souhaite conserver.
Conseils hygiéno-diététiques pour prévenir ce cancer
La Dr Jennifer Campagna, urologue à l’Hôpital Nord, a conclu la conférence avec une batterie de conseils hygiéno-diététiques. « 40% des causes de la transformation cellulaire sont liées à notre mode de vie. Une mauvaise hygiène de vie fait le nid de l’inflammation qui transforme, qui attaque les cellules saines, et peut les faire évoluer vers un cancer. »
Aucun aliment n’a cependant prouvé son efficacité pour prévenir le cancer de la prostate spécifiquement. La Dr Campagna préconise néanmoins de suivre le régime méditerranéen. L’activité physique est par ailleurs essentielle dans la prévention du cancer de prostate. « 30 à 40 minutes de marche par jour permettent de booster votre système immunitaire. L’activité physique diminue également les effets secondaires des traitements. Après un cancer, 3 heures de marche rapide par semaine diminuent de plus de moitié le risque de récidive. » A condition toutefois que cela soit fractionné tout au long de la semaine, donc un peu tous les jours… Et il ne faut ne pas rester assis plus de 2 heures sur sa chaise, devant son écran ou sur son canapé…
Ouh là ! La conférence s’achève juste à temps après… 1h45 d’informations et de débats passionnés. Vite, on se met tous debout contre le cancer de la prostate !
Pour se faire aider
Contacter l’Anamacap (association reconnue d’utilité publique) : www.anamacap.fr ; mail : info@anamacap.fr ou sur Facebook. Permanence téléphonique non surtaxée du lundi au jeudi de 9h à 16h : 05 56 65 13 25
Prochaines conférences publiques et gratuites ce jeudi 14 novembre à 18h à la salle de conférence du Crédit Agricole Amandier, 168 avenue Pierre Sémard à Avignon, le 27 novembre à 18h à l’hôpital de Fréjus et le 28 novembre à 18h au Palais des Sports de Toulon.
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