Chirurgie esthétique : les hommes challengés par les femmes !

Qui l'eut crû ? Voici que la demande de chirurgie esthétique progresse chez les hommes car ils veulent continuer à plaire à leurs compagnes ! Le professeur Baptiste Bertrand, chirurgien plasticien au CHU Conception (APHM), constate une hausse des requêtes même si le sujet demeure encore un peu tabou. Paupières qui tombent, joues frippées, peau du cou qui pendouille voire poitrine qui s'affaisse : après 55 ans, ces Messieurs osent de plus en plus s'offrir un "coup de frais".

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On parle généralement de chirurgie esthétique pour les femmes. Mais voilà que les hommes semblent de plus en plus intéressés par le sujet. Est-elle un phénomène qui progresse, et pour quelles raisons ? 

Professeur Baptiste Bertrand : Oui, la chirurgie esthétique chez les hommes progresse de plus en plus. Mais ça reste encore un sujet un petit peu tabou. Autant chez les femmes on en parle sans problème et les femmes l’avouent. Les hommes, c’est plus difficile. Alors, pourquoi est-ce que ça progresse ? J’ai l’impression que les hommes sont toujours dans une compétition, et peut-être même de plus en plus. Le rapport homme-femme change.

Les femmes sont des femmes qui travaillent, qui gagnent de l’argent, qui parfois peuvent rapporter plus d’argent même que leur mari. Et l’homme a besoin de montrer qu’il est toujours beau, qu’il est toujours compétitif, qu’il est toujours attirant. Vraiment, on a des patients qui viennent pour avoir un petit coup de frais et c’est une vraie raison dans le couple.

Les paupières qui tombent, chirurgie numéro 1

Quand vous dites un « petit coup de frais », cela consiste en quoi?

La chirurgie esthétique, surtout en France, ne doit pas se voir : il faut que ça reste naturel. Le but, c’est d’avoir l’air reposé, de rentrer de vacances. Donc la chirurgie esthétique qu’on fait le plus par exemple, les paupières supérieures chez l’homme, ça permet d’avoir un petit peu moins de peau. C’est très discret, la cicatrice ne se voit pas et on a l’air moins fatigué après cette chirurgie.

Quelles sont les autres interventions que vous demandent les hommes ?

On a toute cette chirurgie du « coup de frais ». C’est de la médecine esthétique, un petit peu de Botox, un petit peu d’acide hyaluronique dans la vallée des larmes, dans les cernes, qui vous permet d’avoir l’air moins fatigué, les paupières inférieures, supérieures. On a de plus en plus, mais ça reste encore minoritaire, le lifting cervico-facial qui permet de défriper la peau des joues, de diminuer un petit peu les bajoues, d’enlever un peu ces cordes au niveau du cou qui peuvent apparaître, surtout chez les hommes. Le lifting, ça permet de les diminuer.

Les injections de Botox diminuent également cet aspect un petit peu tendu des cordes qui peut donner un cou vieillissant. Et ça c’est très discret. Les cicatrices sont invisibles parce qu’elles sont devant les oreilles, au ras de la barbe et c’est une chirurgie que les hommes apprécient beaucoup. On a un autre type de chirurgie, qu’on appelle la gynécomastie : c’est cet aspect de poitrine tombante chez les hommes qui ont parfois eu un petit peu trop de poids et qui maigrissent, qui se remettent au sport. Cette gynécomastie, cette poitrine, on peut faire des liposuccions, on peut aller enlever la glande mammaire pour avoir un plus bel aspect sur la plage l’été.

Des mamans amènent leur fils à la poitrine tombante

Existe-t-il des profils types d’hommes qui ont recours au bistouri pour leur esthétique ? Est-ce que ce sont des hommes plutôt dans l’âge mûr, y a-t-il des hommes jeunes également ?

On a 2 types de profil. Les hommes qu’on ne voit pas, ce sont les hommes de 35-45 ans qui bossent comme des fous, qui ont des gamins et qui ne prennent pas soin d’eux. Mais avant 30 ans, on a les ados/ adultes jeunes qui viennent avec leur maman souvent pour ces histoires de gynécomastie et pour vraiment être bien dans leur peau. C’est vrai que ce sont souvent les mamans qui les amènent à la consultation de plus en plus. Et puis on a l’homme qui prend soin de lui, après 45 ans, 50-55 ans, qui veut ce petit coup de frais. On a ces deux pics.

C’est l’homme qui veut rester jeune et séduisant ?

Tout à fait ! Celui qui veut rester jeune, qui veut rester compétitif, qui veut rester séduisant. Il est encore jeune mais il veut vraiment le paraître.

De plus en plus de liposuccions du ventre, mais attention…

Bon alors prenons un homme qui a des petits soucis : si j’ai du ventre, si j’ai un gros derrière, si j’ai les joues qui pendent, si j’ai des tâches brunes sur les mains, que pouvez-vous faire pour moi ?

Au niveau de la silhouette, au niveau du corps, c’est vrai qu’on a de plus en plus de demandes de liposuccion du ventre. Ce n’est pas forcément une très bonne intervention, la liposuccion, parce que ça abîme quand même la peau. Je dis toujours aux patients de se méfier de la liposuccion pour le ventre. Il vaut mieux réussir à perdre par soi-même les kilos qu’on a en trop, et aller voir un coach, reprendre le sport. C’est toujours une meilleure chose qu’avoir recours à une liposuccion.

Concernant les tâches sur les mains ou sur le visage, le laser a fait beaucoup de progrès et c’est plutôt du domaine des dermatologues; ça vaut le coup d’aller dans une plateforme laser pour se renseigner sur ces interventions. Pour ce qui est du visage, vous pouvez avoir recours à des petites injections au niveau de la vallée des larmes. Pour la peau qui pend au niveau des joues, on peut faire soit un petit peu de médecine esthétique ou avoir recours au bistouri. Il faut bien être informé, parce que c’est quand même une vraie intervention chirurgicale.

3 à 5.000€ la chirurgie esthétique du visage

Ces interventions sont-elles remboursées par la Sécurité sociale?

La gynécomastie – la réduction de la poitrine chez l’homme jeune – est prise en charge par la Sécurité sociale, notamment si c’est une glande qui s’est trop développée. Malheureusement tout le reste – les bajoues qui tombent, les petites tâches sur la peau, la médecine esthétique – c’est vraiment de la chirurgie esthétique et la Sécurité sociale ne rembourse rien.

Est-ce que c’est cher alors ?

Cela dépend. La médecine esthétique c’est aux alentours de 250€, 300€, donc ça peut être assez facilement accessible. Les interventions de chirurgie esthétique au niveau du visage, la vraie chirurgie, c’est plutôt aux alentours de 3.000€, 4.000€, 5.000€, ce n’est pas à la disposition de toutes les bourses.

Et puis c’est une véritable intervention chirurgicale !

C’est une véritable intervention chirurgicale. Vous ne pouvez pas travailler pendant 2 à 3 semaines, il ne faut pas le faire l’été, ce n’est pas facile.

L’hygiène de vie essentielle à la bonne mine

Est-ce qu’on vous fait des demandes surprenantes ?

Cela nous arrive de plus en plus d’avoir des demandes surprenantes. J’ai eu un patient de 30 ans qui voulait se refaire faire les paupières supérieures et inférieures, qui avait déjà vu 2 chirurgiens qui étaient prêts à l’opérer demain. Moi j’ai freiné beaucoup chez ce jeune homme et je lui ai dit d’attendre un petit peu. En fait, ce ne sont pas des demandes surprenantes mais des demandes de plus en plus jeunes. Chez ces jeunes là, je leur conseille plutôt d’avoir une bonne hygiène de vie. Parce qu’une bonne hygiène de vie, ça corrige quand même beaucoup les problèmes de paupières, les problèmes de mauvaise mine.

De la graisse du ventre pour élargir le pénis !

On entend souvent parler de péno-plastie, c’est-à-dire de chirurgie pour agrandir ou élargir le pénis. Est-ce une réalité tangible ou bien le fait de quelques hommes finalement très mal dans leur peau ?

C’est quand même une minorité de demandes et ça reste une minorité d’interventions par rapport au grand éventail de médecine esthétique et de rajeunissements qu’on fait.  Mais ça existe, et ça existe depuis longtemps et les interventions d’ailleurs n’ont pas beaucoup évolué depuis 10-15 ans. Effectivement, on peut prélever de la graisse au niveau du ventre pour aller en injecter sous la peau ou aller essayer de rallonger la verge en coupant un ligament.

Mais ça marche bien, ce pénis, une fois qu’il a été transformé comme ça ?

Bien sûr, ça n’altère en rien l’érection des patients et donc le pénis fonctionne toujours. Mais il faut imaginer que vous ayez augmenté avec de la graisse le diamètre de votre verge, de votre pénis, et vous allez vous retrouver avec une verge qui est bien moins belle, bien moins modelée et qui va perdre ses contours. L’aspect esthétique peut être un petit peu particulier, bizarre.

« On oriente certains patients vers le psychologue »

Si on continue dans cette veine là, arrive-t-il au chirurgien de refuser  de procéder à des interventions que vous jugez finalement inappropriées voire délirantes ?

Oui, ça nous arrive de refuser certaines interventions bien sûr. On a des demandes un petit peu farfelues, un petit peu délirantes, soit de prothèses mammaires de très gros volume, soit de chirurgie comme je vous l’ai dit chez des patients très jeunes. Et dans ce cas-là, on va réorienter nos patients chez des coachs, voire même il nous arrive de conseiller aux patients d’aller voir des psychologues. Parce qu’il faut vraiment travailler chez ces patients qui ont des demandes un petit peu délirantes sur l’image d’eux-mêmes et il faut se faire accompagner par un professionnel de la pensée et de la psychologie pour pouvoir se voir différemment, pour mieux se voir tel qu’on est dans la glace.

Toutes ces interventions qui doivent me rendre une allure finalement plus acceptable, d’abord pour moi-même, sont-elles douloureuses ?

Cela dépend. Il y a toujours un inconfort et les patients sont toujours un petit peu surpris. Je m’en rends compte quand j’opère mes copains parce qu’on fait des consultations qui sont presque des déjeuners d’amis. Je me suis retrouvé à opérer un ami très proche et je me suis rendu compte que je ne l’avais pas assez informé. Pour lui, c’était presque comme aller boire un café. Il m’a dit après l’intervention qu’il ne se rendait pas compte que les piqûres font mal, même quand c’est l’anesthésie locale. On fait beaucoup de choses sous anesthésie locale et pas au bloc opératoire. Les piqûres font mal, la cicatrisation gratte, c’est un peu douloureux. En tant que professionnel de santé, on a une vision un petit peu déformée de la douleur. Je vois beaucoup de patients qui ont des cancers, qui ont très, très mal, qui sont sous morphine. Alors non, vous n’allez pas prendre de la morphine après une chirurgie esthétique mais il y a un vrai inconfort. Vous n’allez pas pouvoir vivre votre vie quotidienne naturellement et il ne faut pas sous-estimer les désagréments. Vous ne pouvez pas cuisiner ni jardiner pendant une semaine à 15 jours après une chirurgie soit du sein, soit du visage.

La médecine esthétique, elle, n’est pas du tout douloureuse sauf lors des injections. C’est pour ça qu’on a beaucoup plus de demandes de médecine esthétique, parce que ça ne fait pas mal. Mais la chirurgie fait encore mal.

Les hommes s’y mettent vers 55 ans mais ne reviennent pas

Comme pour les prothèses mammaire chez la femme qu’il faut renouveler tous les 7-8 ans environ, ces modifications esthétiques nécessitent-elles de repasser régulièrement entre les mains d’un chirurgien ?

La chirurgie de rajeunissement facial, c’est une chirurgie qui est pérenne dans le temps, elle va durer. Ce n’est pas comme un corps étranger qu’on va implanter, comme des prothèses mammaires. On n’a pas forcément besoin d’y retourner et le résultat est vraiment durable. Quand vous vous faites opérer des paupières, eh bien vous gagnez 10 ans advitam aeternam. Bien sûr que vous allez vieillir et donc les paupières vont retomber. Et si vous voulez toujours gagner, peut être que vous allez retrouver cette chirurgie. On a des patientes qui sont très contentes de leur lifting et qui reviennent 15 ans après pour avoir un nouveau lifting. Mais c’est plus par coquetterie.

Quel est l’âge de vos patients les plus âgés ?

Je me suis retrouvé à faire un lifting des paupières à une patiente de 82 ans. Chez les hommes, c’est très rare qu’on y retourne. Généralement ils sont contents une fois et ils sont tellement contents d’avoir franchi le cap qu’ils ne reviennent pas. Mais je dirais que les hommes franchissent le pas vers vers 55-60 ans.

 

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