La présence de sang dans les urines (hématurie) est assez fréquente chez les femmes et les hommes. Elle doit toujours alerter selon la Dr Delaporte, chirurgienne à la Conception (APHM). Que cache le sang dans les urines ? Cela doit-il nous inquiéter systématiquement ?
Docteur Véronique Delaporte : La présence de sang dans les urines de façon visible est un symptôme qui doit toujours alerter et qui doit nécessiter une consultation pour en connaître l’origine.
Est-ce que le sang dans les urines se voit toujours à l’œil nu ?
On distingue les hématuries macroscopiques, c’est-à-dire la coloration rouge, rosée ou brunâtre des urines, qui se voit à l’œil nu, de l’hématurie microscopique qui est la présence de sang que l’on va détecter via une bandelette urinaire ou lors d’une analyse d’urine effectuée au laboratoire.
La plupart du temps, ce n’est pas grave
Quel problème du sang dans les urines peut-il révéler ?
La plupart du temps, cela relève de pathologies bénignes qui sont soit infectieuses, soit liées à la présence de calculs. Mais parfois, ça peut révéler des pathologies cancéreuses.
Parmi ces pathologies bénignes entre guillemets mais qui sont bien embêtantes, il y a notamment les infections urinaires…
Oui, les infections urinaires sont très pourvoyeuses d’hématuries macroscopiques chez la femme. La cystite simple peut entraîner une hématurie macroscopique. Les infections rénales, les pyélonéphrites peuvent aussi entraîner des hématuries macroscopiques. De la même façon, les infections chez l’homme, notamment les prostatites, peuvent être à l’origine d’hématuries macroscopiques.
Et les hommes ?
Les infections urinaires chez la femme s’accompagnent-elles systématiquement d’hématurie ?
Non, les infections urinaires chez la femme ne s’accompagnent pas forcément d’hématurie macroscopique. Ce n’est d’ailleurs pas un signe de gravité en soi. En revanche, si on va faire une bandelette urinaire ou si on fait une analyse d’urine, il y a souvent une hématurie microscopique lors d’une infection urinaire.
Un petit mot complémentaire sur les hommes qui ont du sang dans les urines. Vous avez parlé de prostatite ? De quoi s’agit-il ?
La prostatite est une infection de la prostate qui peut générer des hématuries macroscopiques. Et plus généralement l’hypertrophie bénigne de prostate, voire le cancer de prostate, peuvent être à l’origine des hématuries macroscopiques. Mais ce sont des diagnostics d’élimination, c’est-à-dire qu’il faut avoir éliminé tout le reste pour dire « c’est l’hypertrophie bénigne de prostate qui est à l’origine de l’hématurie » chez eux.
Et une prostatite, ce n’est pas forcément grave ?
Ce n’est pas forcément grave, non, bien sûr.
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Les calculs urinaires en cause
On va parler d’un sujet qui est douloureux. Ce sont les calculs urinaires. Engendrent-ils eux aussi des saignements ?
Les calculs urinaires peuvent entraîner des hématuries soit microscopiques, soit macroscopiques, lors d’épisodes de colique néphrétique la plupart du temps.
Et puis il y a des cas qui sont plus graves. Vous avez évoqué les cancers qui peuvent être révélés par du sang dans les urines. Quels sont ces cancers précisément ?
Les cancers urologiques qui vont se manifester par une hématurie macroscopique, ce sont les cancers de vessie ou les cancers de la voie excrétrice. En fait, ce sont les cancers qui touchent l’urothélium qui est le tissu qui recouvre l’ensemble de l’appareil urinaire. Donc ça peut être l’intérieur des voies urinaires dans le rein, l’intérieur des uretères, qui sont les canaux qui permettent l’excrétion des urines à partir des reins jusqu’à la vessie, et toute la paroi de la vessie. Donc ça, ce sont les cancers qu’on dit urothéliaux. Et puis il peut y avoir aussi les cancers du rein qui peuvent entraîner des hématuries macroscopiques.
Fumeurs de tabac et de cannabis ciblés
Et en France, ce sont des cancers relativement fréquents ?
Oui, ils sont relativement fréquents, et on en connaît bien les carcinogènes (NDLR : les causes du cancer). Donc on va être très vigilant chez un patient qui présente une hématurie macroscopique et qui est fumeur par exemple. Ou qui travaille dans l’industrie chimique. Ou qui est fumeur de cannabis. Et là on va effectivement être un peu plus en alerte en cas d’hématurie macroscopique.
Comment se passe le diagnostic lorsque le patient arrive et vous dit : « J’ai eu du sang dans les urines » ?
La première chose qu’on fait en général, c’est soit une bandelette urinaire, soit un examen cytobactériologique des urines pour éliminer une infection urinaire qui est, comme vous l’avez compris, la première cause d’hématurie macroscopique. S’il n’y a pas d’infection urinaire, effectivement, il faut compléter avec une échographie de l’appareil urinaire vessie pleine afin d’éliminer un certain nombre de diagnostics. On complétera avec un uroscanner qui permet de bien analyser le rein et les voies excrétrices. L’urologue peut être amené à réaliser aussi une urétrocystoscopie, c’est-à-dire la mise en place d’une caméra dans l’urètre et dans la vessie, qui permet d’analyser finement les parois de la vessie.
On peut aussi réaliser ce qu’on appelle une cytologie urinaire mictionnelle, qui permet de rechercher des cellules malignes dans les urines. C’est l’équivalent d’un frottis (NDLR : effectué chez le gynécologue qui permet notamment de dépister un cancer du col de l’utérus)), mais qui est un « frottis » urinaire.
Il suffit de saigner une fois…
En cas d’hématurie macroscopique, vous faites un balayage assez large finalement de tout ce que cela pourrait révéler ?
Oui, on est assez systématique, de façon à éliminer les pathologies les plus graves. Et si on ne trouve aucune cause, on peut adresser le patient au néphrologue, puisqu’il y a certaines pathologies rénales qui peuvent entraîner des hématuries microscopiques qui relèvent d’une autre spécialité que la nôtre, c’est la néphrologie.
En préparant cet entretien, vous m’avez rapporté le cas très récent d’une de vos patientes qui vous a dit de façon tout à fait incidente qu’il y a plusieurs mois, elle avait eu du sang dans les urines une seule fois. Et ça vous a mis la puce à l’oreille ?
Oui, je pense qu’il ne faut jamais négliger un épisode d’hématurie macroscopique. Parce que si on le néglige, il va peut être mettre plusieurs mois avant de se renouveler. Et tout ce temps, c’est du temps perdu quand l’origine de l’hématurie est un problème carcinologique.
Et c’était le cas, en l’occurrence cette personne avait un cancer ?
Oui, elle avait un cancer du rein. Et elle a saigné une seule fois il y a 3 mois.
Les médicaments et la… betterave !
Je ne sais pas si ça va déstresser nos auditeurs et nos lecteurs, mais parfois, il ne s’agit pas d’un problème urologique. On peut avoir du sang dans les urines et ça n’a absolument rien à voir avec un problème urologique ?
Oui. On peut avoir du sang dans les urines, et ça peut être d’origine génitale par exemple, chez les femmes. On peut également avoir des urines colorées liées à la prise de médicaments, ou liées à la prise de certains aliments. Alors de façon très théorique, on décrit la betterave. Après, je pense qu’il faut garder à l’esprit, notamment chez les patients qui sont sous anticoagulants, que la prise d’anticoagulants ne peut pas être la seule explication à l’hématurie macroscopique. Les patients qui sont sous anticoagulants doivent avoir le même bilan que des patients sans anticoagulant.
Ne perdez pas de temps
Le message à retenir de cet entretien finalement, c’est lequel ?
On ne doit jamais négliger un épisode d’hématurie macroscopique et ne pas se dire « Ben c’est pas grave, on verra plus tard si ça récidive ». Parce que parfois, quand ça récidive, c’est un peu tard.
Donc on va consulter systématiquement ?
Oui, on va consulter systématiquement son médecin généraliste, voire un urologue.
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