Rein : ce cancer méconnu touche 6.000 Français par an

On dénombre 6.000 nouveaux cas de cancer du rein chaque année en France, avec 2/3 d'hommes et 1/3 de femmes. Il est découvert souvent fortuitement car il progresse silencieusement. Heureusement, il se soigne plutôt bien. Une conférence est organisée à Marseille le 24 mai pour informer le public.

Santé

Vous êtes l’organisateur des Journées d’Urologie de Marseille qui se déroulent les 23 et 24 mai et pour la première fois il y aura une rencontre qui sera ouverte aux patients pour parler du cancer du rein. Pourquoi cette démarche qui implique le grand public ?

Pr Romain Boissier : C’est un congrès qui existe depuis 20 ans, qui est dédié aux urologues de la région essentiellement, où on discute de techniques d’actualité chirurgicale. On a fait évoluer ce congrès en rajoutant une journée de formation pour les infirmières et cette année on accueille pour la première fois des rencontres patients. On a choisi la thématique du cancer du rein qui est une thématique où je suis particulièrement concerné. Pour organiser cette journée, on s’est associé à l’association Artur qui est l’Association pour la recherche sur les tumeurs du rein. Elle est la principale association de patients en France concernant les tumeurs du rein.

Découverte à l’occasion d’une colique néphrétique

Il y a des cancers qu’on peut dépister comme celui du sein ou du côlon, et des cancers qui se signalent par des symptômes comme du sang dans les urines, je pense par exemple au cancer de la vessie. Mais comment repère-t-on un cancer du rein ?

Le motif de diagnostic principal d’une tumeur du rein, c’est de façon fortuite, sur un examen, une imagerie abdominale qui a été demandée pour un autre motif comme une douleur abdominale, une colique néphrétique. L’examen trouve une petite tumeur sur un rein. En 2024 la taille moyenne au diagnostic des tumeurs du rein c’est entre 3 et 4 cm. En général, ça se présente sous forme d’une lésion isolée sur un rein. Avant le développement des imageries abdominales, qui sont maintenant d’accès assez facile en échographie ou en scanner, on diagnostiquait surtout les tumeurs du rein sur des symptômes : du sang dans les urines, des douleurs abdominales, mais ça c’était il y a plus de 30 ou 40 ans. A l’heure actuelle, plus de 90% des tumeurs sont diagnostiquées de façon fortuite pour un examen demandé pour un autre motif.

Quel type d’examen ?

Cela peut être une échographie abdominale, un scanner abdominal demandé pour une colique néphrétique, une appendicite, une douleur abdominale ou un bilan de lithiase aussi par exemple.

Une évolution lente

Un rein, ce n’est pas très gros. Une tumeur qui fait 4 cm, ça prend beaucoup de place déjà sur l’organe ?

Un rein en général, ça fait entre 11 et 12 cm de hauteur. Les reins sont localisés dans l’abdomen, à la partie la plus postérieure de l’abdomen. De sorte que pour qu’ils donnent des symptômes, il faut vraiment que la tumeur soit très, très grosse, qu’elle fasse 10 à 15 cm. Ce qui existe toujours à l’heure actuelle mais qui est devenu très, très rare. En fait, on les diagnostique de façon fortuite parce que ces tumeurs poussent, elles évoluent très lentement. On estime, que ce soit bénin ou malin, qu’une tumeur du rein grossit de 2 à 3 millimètres par an. Et donc elles sont découvertes de façon fortuite sur d’autres examens.

90% des tumeurs accessibles à un traitement curatif

Faut-il alors intervenir d’urgence, et comment procédez-vous ?

Non. On sait à l’heure actuelle que les petites tumeurs du rein ont cette vitesse de croissance qui est très, très faible. Elles ont un risque de développer des métastases dans d’autres organes qui sont aussi très faibles quand la tumeur fait 3 ou 4 cm. Il y a donc un certain nombre de tumeurs selon l’âge qu’on peut même surveiller.

Il y a d’autres tumeurs pour lesquelles on peut faire de la chirurgie, ne retirer que la tumeur. Parfois, si la tumeur est mal placée ou trop grosse, on peut être amené à retirer la totalité du rein. Mais on va dire que dans plus de 90% des cas, les tumeurs du rein sont diagnostiquées à un stade qui est localisé, qui est accessible à un traitement curatif. Effectivement, il n’y a pas d’urgence (à intervenir). On va un peu plus se presser quand les tumeurs sont grosses, quand elles sont volumineuses, quand elles donnent des symptômes, du sang dans les urines ou des douleurs.

Quand il y a urgence…

Les tumeurs du rein ont la particularité de pousser dans les vaisseaux sanguins et donc la tumeur va pousser dans la veine rénale ou dans un gros vaisseau qui est la veine cave inférieure qui ramène tout le sang du bas du corps vers le cœur. Dans ces cas-là, oui, on va opérer les gens rapidement, dans les 2 à 3 semaines. Mais dans toutes les autres situations, pour des petites masses, ce n’est pas une urgence oncologique stricto sensu.

Dans la majorité des cas, ces tumeurs détectées relativement tôt ne sont donc pas très « graves » ?

Non. On sait que sur les tumeurs du rein qui font moins de 4 cm, il y en a déjà entre 20 et 30% qui peuvent être bénignes et pour lesquelles on n’est pas obligé d’opérer. On peut les surveiller. Et pour les 60 à 70% de tumeurs restantes, elles sont essentiellement petites, et donc de bas grade, elles évoluent très lentement. Il y a moins de 10% des petites tumeurs du rein qui ont un grade assez agressif et qui nécessitent un traitement un peu plus pressé.

Chirurgie mini-invasive

Sur un plan chirurgical, est-ce une opération qui est facile à réaliser ?

La chirurgie rénale est très variée. Et surtout elle s’est appropriée les dernières innovations en chirurgie, en particulier la chirurgie robot assistée ou la chirurgie mini-invasive. On arrive vraiment maintenant à faire, par voie mini-invasive, les traitements conservateurs. C’est-à-dire à ne retirer que la tumeur sans enlever le rein, aussi bien voire même mieux que ce qu’on arrivait à faire en chirurgie ouverte il y a encore quelques années. Donc oui, avec l’apport de cette nouvelle technologie, la chirurgie conservatrice des tumeurs du rein a beaucoup changé. Les durées d’hospitalisation ont été fortement réduites, de deux à trois fois, grâce à l’apport de la robotique et de la chirurgie mini-invasive.

Maintenant, retirer une petite tumeur du rein, c’est une opération qui est fréquente – parce que la majorité des tumeurs du rein sont découvertes à un stade où elles sont petites -, et qui nécessite une durée d’hospitalisation plutôt courte. Et puis s’ajoutent à cela d’autres techniques de traitement des tumeurs du rein, qu’on appelle les traitements ablatifs où on va piquer la tumeur avec une aiguille et la brûler à travers la peau avec du chaud ou avec du froid si la taille tumorale et les rapports anatomiques permettent de le faire.

La majorité des cas sont des cancers localisés, ouf !

Il y a entre 5 et 6000 cas nouveaux cas de cancer du rein chaque année en France. Peut-on guérir d’un cancer du rein ?

Le chiffre de 6000 paraît un peu abstrait. Chez les hommes c’est le 6e cancer par ordre de fréquence et chez les femmes il n’est pas dans les 10 premières causes de cancer. Donc c’est un peu le parent pauvre en urologie par rapport au cancer de la prostate qui est le plus fréquent chez l’homme passé 50 ans, aux tumeurs de vessie qui sont très fréquentes, au cancer du testicule qui est très rare mais qui est le premier cancer solide chez les hommes jeunes. Le cancer du rein, effectivement, on en parle moins. Il n’y a pas de dépistage à l’heure actuelle en particulier. Sur ces 6000 cas par an, la majorité sont des cancers du rein localisés, pour lesquels on propose un traitement curatif.

L’insuffisance rénale, l’hypertension et le surpoids favorisent ce cancer

Connaît-on la cause de ces cancers du rein ?

Oui. Comme pour tous les cancers on a identifié les facteurs de risque. Les principaux facteurs de risque sont l’hypertension artérielle, l’obésité. Les gens qui sont en surpoids font plus de tumeurs du rein. Le principal facteur de risque, c’est l’insuffisance rénale chronique. Les patients qui sont hémodialysés font 3 à 4 fois plus de tumeurs sur les reins natifs que ce que ne le font des patients de la population générale. On sait que ce risque augmente avec la durée passée en dialyse et on sait que ce risque n’est pas modifié si les patients sont transplantés rénaux. C’est pour ça que, même chez un patient greffé rénal qui ne dialyse plus, on continue de surveiller les reins au moins une fois par an pour diagnostiquer cette tumeur des reins natifs. Enfin, à l’heure actuelle, on estime que 5% des tumeurs du rein sont d’origine génétique avec des syndromes génétiques qui associent d’autres manifestations de la peau ou d’autres malformations d’organes, dont la principale est la maladie de Von Hippel Lindau.

Pourquoi ce cancer est-il plus fréquent chez l’homme que chez la femme ?

Ce cancer est plus fréquent chez l’homme aussi parce qu’on sait que le tabagisme est un facteur de risque associé aux tumeurs du rein. Ce qu’on retrouve aussi pour beaucoup d’autres cancers qui sont plus fréquents chez les hommes que chez les femmes. Le cancer du rein n’échappe pas à la règle. On estime que c’est à peu près 2 hommes pour une femme. Mais il n’y a pas une différence entre les sexes qui est si importante.

La fonction rénale diminuée

Une fois ce cancer traité, est-ce que la fonction de filtration du rein est affectée ?

Tout dépend du traitement qui a été fait. Les chirurgies conservatrices de type tumorectomie rénale – où on ne va retirer que la tumeur du rein et pas le rein en entier – ou les traitements ablatifs – où on va seulement brûler la tumeur avec du chaud ou du froid à travers la peau – impactent assez peu la fonction rénale. On ne détruit que la tumeur, c’est-à-dire du parenchyme rénal qui ne fonctionne pas. Il peut y avoir une petite variation de fonction rénale mais c’est tout l’intérêt de ce traitement là de préserver au maximum la fonction rénale dont on sait qu’à long terme, ça diminue le risque d’événements cardiovasculaires, d’infarctus, d’AVC, etcetera, et prolonge l’espérance de vie.

Si on est obligé de retirer la totalité du rein, alors oui la fonction rénale va s’altérer. On estime que retirer un rein tumoral fait perdre 20 à 30% de fonction rénale et donc ça fait partie du choix de la technique chirurgicale de savoir si on ne va enlever que la tumeur ou enlever le rein en entier. Pour calculer quelle sera la fonction rénale résiduelle et éviter autant que possible aux patients une insuffisance rénale trop sévère – voire, à l’extrême, la dialyse.

Gare au sel et aux régimes hyperprotéinés

Si j’ai une tumeur sur un rein, l’autre rein n’est pas forcément affecté ? Cela n’a aucun rapport ?

Pas du tout. Dans la majorité des situations, les tumeurs du rein se présentent comme un nodule isolé sur un rein. On a d’autres présentations qui vont faire évoquer des formes génétiques de cancer du rein, c’est-à-dire des patients qui, dans leur histoire familiale ou parce qu’ils ont des mutations font plus de tumeurs du rein. C’est ce qu’on va suspecter quand les tumeurs du rein surviennent à un âge plus jeune, avant 40 ans, ou qu’elles ont une présentation atypique, sous forme de plusieurs tumeurs sur un rein ou des tumeurs synchrones, en même temps sur les 2 reins.

De manière plus générale, que préconisez-vous pour garder des reins en bonne santé ?

La mesure essentielle est d’avoir une alimentation équilibrée, d’éviter la surconsommation de sel : les apports recommandés c’est 6 à 7 grammes par jour. Manger plus de sel fait monter la tension artérielle. Evitez de trop consommer de protéines animales. C’est vrai que manger de la viande, c’est bien et c’est bon pour la santé parce que les protéines ce sont les briques qui fabriquent les cellules et le corps humain. Mais pour autant, manger de la viande midi et soir tous les jours, ce n’est pas forcément conseillé. Et puis surtout, ce qu’on peut préciser, c’est que les régimes hyperprotidiques qui sont attrayants parce qu’ils font perdre beaucoup de poids rapidement, peuvent être très délétères pour le rein. Il faut donc que ces régimes, lorsqu’ils sont faits, soient bien encadrés par un médecin parce qu’ils peuvent sévèrement altérer la fonction rénale.

On rappelle ce qu’est un régime hyperprotidique…

C’est la consommation de viande, essentiellement animale, de protéines de façon quasi exclusive au détriment des autres nutriments qui peuvent faire prendre du poids, c’est-à-dire les graisses et le sucre.

Boire tout au long de la journée

On dit qu’il faut beaucoup boire pour que les reins fonctionnent bien. Donc si on boit beaucoup, 2 à 3 litres par jour, est-ce bien ?

Boire 2 à 3 litres par jour c’est bien, mais ça fait beaucoup quand même ! Ce que l’on recommande c’est une hydratation conséquente. Il faut éviter de ne pas boire de toute la journée; ça se voit quand on a soif, quand on a des urines très concentrées. En particulier à Marseille, dans le sud de la France où il fait assez chaud l’été, il faut être vigilant et essayer évidemment de s’hydrater régulièrement.

Conférence le 24 mai à Marseille

Conférence publique sur le cancer du rein en clôture des Journées Urologiques de Marseille : vendredi 24 mai de 17h à 18h30 au Palais du Pharo, centre de congrès, 58 Bd Charles Livon, 13007 Marseille. Entrée libre. 17h: Présentation de l’association ARTUR, 17h30 : Le traitement chirurgical des tumeurs du rein; 17h45: Les traitements non chirurgicaux; 18h: Les actualités sur les traitements médicaux; 18h15: Le réseau UroCCR. 

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