Observe-t-on plus d’infarctus du myocarde avec élévation du segment ST le lundi que tous les autres jours de la semaine ? Clairement oui, si l’on se fie à une étude qui a inclus plus de 20.000 patients pris en charge par 8 SAMU et 40 SMUR d’Ile-de-France entre 2014 et 2022 (77,5% d’hommes et 22,5% de femmes, d’âge médian 61 ans). Cette étude dévoilée la semaine dernière et rapportée par le site à destination des professionnels de santé Medscape fait suite à une analyse présentée en 2023 au congrès de la British Cardiovascular Society qui montrait déjà un risque accru de 13% le lundi par rapport aux autres jours de la semaine (portant sur 10.528 patients admis dans les hôpitaux irlandais entre 2013 et 2018).
Rappelons qu’environ 100.000 personnes font un infarctus du myocarde chaque année en France, dont 12.000 sont mortels.
La rapporteuse de l’étude francilienne – l’urgentiste Gaëlle Le Bail citée par Medscape – écarte la possibilité d’un biais du type « j’ai attendu le lundi pour appeler les urgences« , expliquant que dans tous les cas le délai entre la douleur et la prise en charge était similaire, soit en moyenne 124 minutes. Hors de cause également l’impact des temps de trajet en fonction des conditions de circulation. Elle évoque d’après Medscape l’implication potentielle du rythme circadien et le rôle du stress.
Pas d’augmentation à Marseille le lundi
Interrogé sur cette annonce, le Pr Thomas Cuisset (Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille) se montre réservé. Chef du service de cardiologie interventionnelle au CHU de la Timone, il voit passer des infarctus à longueur de journée et n’a pas constaté de pic le lundi. « Il peut y avoir un effet de rattrapage le lundi mais on ne l’observe pas à l’APHM. Et je ne l’ai jamais constaté en quinze années à assurer les urgences le lundi. L’augmentation invoquée par ces études est de 10%, donc on est à la marge. C’est le réveil de l’offre médicale qui explique peut-être cela. »
Pour lui, s’il y a en certains endroits une augmentation le lundi, ce serait donc plutôt induit par une offre médicale plus étoffée que le dimanche où les cabinets des cardiologues de ville sont notamment fermés. « C’est une possibilité que les gens attendent le lundi pour être pris en charge. Les gens ont aussi peut-être plus fumé durant le week-end. »
2 arrêts cardiaques pendant OM – PSG
Le spécialiste phocéen rappelle que le stress est une cause majeure d’infarctus. Et de citer les matchs de foot ou de rugby, où la tension peut déclencher l’accident. « Je me souviens qu’il y avait eu deux arrêts cardiaques quand Franck Sauzée avait marqué au Vélodrome contre le PSG ! Idem pendant la coupe du monde de football 2006 (perdue par la France au terme d’une finale insoutenable contre l’Italie conclue aux pénaltys, NDLR) où on a constaté une recrudescence d’infarctus. Les stress aigus sont sources d’accidents cardiovasculaires. Vous allez décharger une énorme quantité de catécholamines (les hormones du stress), vous allez monter votre tension et contracter vos vaisseaux. »
« Au cour de leur vie, 25% des Français connaîtront un épisode de stress vraiment intense, pathologique« , prévient la Pr Gabrielle Sarlon, spécialiste des maladies cardiovasculaires et de l’hypertension artérielle à la Timone.
Attention au froid, et au petit matin
On le sait, une forte colère ou une émotion intense peuvent déclencher l’accident. Les conditions météo également : « Le mistral, le froid, peuvent favoriser des problèmes coronaires. On sait également qu’il y a un pic d’infarctus au petit matin », note le Pr Cuisset. Différentes études ont pointé que la survenue d’un infarctus est maximale entre 9h et 11h. Donc après une nuit de repos. Paradoxal ?
Ce serait justement une conséquence du fonctionnement du fameux rythme circadien, notre horloge biologique. Il s’agit d’un phénomène complexe, encore largement méconnu. Il implique une horloge dite centrale, située dans l’hippocampe, dont le fonctionnement est réglé au travers de la lumière perçue par l’oeil et transmise via le nerf optique vers le cerveau. « Ce qui met en phase toutes les horloges périphériques – dont celle du coeur – via le système nerveux autonome, des facteurs hormonaux ou encore des systèmes endocriniens encore mal connus« , résume la Revue Médicale Suisse.
Déboucher l’artère, une urgence absolue
L’an dernier, le Pr Alain Furber, président de la Fédération Française de Cardiologie, expliquait que « ces variations physiologiques augmenteraient le risque de rupture de plaques d’athérome et donc la survenue d’un infarctus, d’autant que ces mécanismes entraînent également une augmentation de l’agrégation des plaquettes. »
Quoi qu’il en soit, si vous êtes victime d’un infarctus ou témoin, l’urgence absolue est de composer le 15. Car la seule solution est de déboucher l’artère obstruée le plus rapidement possible afin de diminuer la mortalité et les complications. Si c’est possible, que le délai de prise en charge est suffisamment rapide (en gros 90 minutes entre les signes et les soins), le patient sera potentiellement traité par angioplastie. L’artère est dilatée à l’aide d’un ballonnet gonflable afin de restaurer la circulation sanguine, puis on pose un ou plusieurs stents, de petits tubes en mailles métalliques qui vont maintenir l’artère dilatée.
Le muscle cardiaque partiellement détruit
Si ce délai est plus long, le malade peut alors bénéficier de l’injection d’un agent thrombolytique pour dissoudre le caillot sanguin, mais cela s’accompagne d’un risque hémorragique notamment cérébral. A défaut, la partie du coeur irriguée par l’artère obstruée peut être endommagée et ne plus fonctionner, engendrant une insuffisance cardiaque. Le coeur ne pompe plus suffisamment et s’il est très endommagé par l’infarctus, c’est l’arrêt cardiaque.
Les signes qui doivent faire réagir
Rappelons les signes typiques de l’infarctus du myocarde : douleur aiguë et persistante dans la poitrine, qui irradie dans le bras gauche, le dos et la mâchoire, s’accompagnant éventuellement d’un malaise. Il convient également d’être attentif à des signes parfois moins spectaculaires chez les femmes que chez les hommes, comme une « gêne » au niveau du thorax, un essoufflement, des signes digestifs comme des nausées, des vomissements…
«Ce sont des signes qui n’attirent pas particulièrement l’attention vers le coeur, et pourtant il s’agit bien d’angine de poitrine, soulignait le Dr Jean-François Renucci, cardiologue à l’hôpital de la Timone, lors du passage à Marseille en octobre dernier du Bus du Coeur des Femmes. Même si bien sûr les femmes peuvent également avoir comme les hommes une violente douleur dans la poitrine, une douleur qui irradie dans le bras gauche ou dans la mâchoire. » Moralité : face à une douleur violente ou plus sourde inconnue dans la poitrine, n’attendez JAMAIS pour appeler les secours. Y compris le dimanche.
Toutefois, près de 25% des infarctus du myocarde ne s’accompagnent d’aucun signe typique. On les découvre alors plus tard, à l’occasion d’un examen. Si on est encore en vie…
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