Un homme sur 2 et une femme sur 4 ronfleraient la nuit, ce qui peut occasionner une gêne importante pour leur conjoint. Mais le ronflement est également un sujet de préoccupation pour le ronfleur qui a souvent un sommeil de mauvaise qualité, surtout s’il est lié à une apnée du sommeil. Par chance, il existe des solutions parfois assez simples. Mais d’abord, question évidente : pourquoi est-ce que nous ronflons ?
Docteur Martin Pénicaud : On ronfle parce que, quand on dort, on a les muscles du pharynx qui vont avoir tendance à perdre du tonus. Et donc on va se retrouver potentiellement avec une augmentation des pressions et avec une vibration de certaines structures, notamment la luette et le voile du palais. Alors ça c’est aussi lié et potentialisé par le fait d’avoir certaines structures qui perdent du tonus comme la base de la langue, notamment dans certaines positions. Ce qui va entraîner cette augmentation des pressions et donc cette vibration trop importante au niveau du voile du palais.
On peut ronfler à tout âge âge ?
On peut ronfler à tout âge. Certains enfants ronflent. Bien évidemment ça peut être lié aussi à l’augmentation de la taille des amygdales ou des végétations au fond du nez, ou à des problèmes de respiration nasale qui est moins bonne à cause des rhinites ou à cause des rhumes saisonniers. Mais plus on avance dans l’âge, et plus on va avoir potentiellement un peu de prise de poids, et ça favorise bien évidemment l’augmentation des pressions au niveau des voies aériennes supérieures et la possibilité de ronfler.
Un cou gras augmente le risque
Un homme sur 2 ronflerait contre seulement une femme sur 4. Pourquoi cette différence ?
C’est effectivement une idée que l’on a : les hommes ronflent plus que les femmes. Il se trouve que les hormones féminines vont préserver un petit peu les femmes du ronflement et de l’apnée du sommeil. Mais ce taux va revenir au même niveau à partir du moment de la ménopause des femmes. C’est surtout lié à la répartition des graisses qui va se faire beaucoup au niveau des voies aériennes au moment de la ménopause. On va avoir tendance à avoir plus de graisse au niveau des voies aériennes chez les hommes plus jeunes.
Le surpoids et l’obésité aggravent donc le ronflement ?
Oui. A chaque fois qu’on a plus de graisse au niveau des voies aériennes, on va se retrouver avec un conduit qui va être un peu plus étroit. Et donc avec une augmentation des pressions au niveau de ce tube des voies aériennes qui va entraîner une vibration plus importante notamment en inspiration et particulièrement sur le dos.
« Docteur, je dors sur le canapé… »
Quelle est la motivation des patients qui consultent un ORL pour arrêter de ronfler ?
En général c’est une motivation vraiment de couple. C’est-à-dire que c’est le conjoint ou la conjointe qui demande au patient qui vient consulter de venir. Parce que généralement un ronfleur, la plupart du temps, n’est pas embêté par son ronflement particulièrement. Il peut très bien dormir la nuit et ne pas être vraiment gêné par cette situation là. Parfois il peut être réveillé par son propre ronflement, mais c’est plutôt à la marge.
En fait ce sont plutôt les problèmes de couple. Au départ c’est « je dors sur le canapé… Je ne dors plus avec ma femme ou avec avec mon mari… Il m’a demandé de venir consulter parce que là ça devient trop bruyant… »

Le cerveau moins oxygéné chez 30% des ronfleurs
Et puis il faut le dire aussi : ronfler peut révéler d’autres problèmes de santé ou aggraver des problèmes de santé…
Tout à fait. Le ronflement en soi c’est quelque chose qui est presque physiologique. C’est-à-dire qu’il est normal de ronfler, notamment quand on a pris un peu de poids, notamment quand on a bu un peu d’alcool… Donc il y a plein de situations où il est normal de ronfler et notamment (quand on dort) sur le dos parce qu’on est en recul de la base de langue. Donc ça, ce n’est pas anormal.
En revanche ce qui pose problème c’est quand ce ronflement est permanent. Du coup il entraîne des fatigues notamment chez le conjoint mais aussi chez la personne qui vient consulter. Parce qu’on dort moins bien, parce qu’on bouge tout le temps, on se on se réveille un peu. Et puis surtout – ça correspond à 30% de la population des ronfleurs – il y a une partie de patients qu’on va diagnostiquer comme faisant de l’apnée du sommeil.
C’est-à-dire qu’il va y avoir des arrêts complets, des collapsus complets de ces voies aériennes. Ce qui va entraîner en fait une moins bonne oxygénation au niveau cérébral chez ces patients, une augmentation de la tension, une augmentation de la fréquence cardiaque et potentiellement des problèmes cardiovasculaires au long cours.
Apnée = maux de tête, fatigue
Cela entraîne également des problèmes le matin avec des maux de tête importants, des suées, des réveils intempestifs dans la nuit qui font qu’on est beaucoup plus fatigué. L’apnée du sommeil, c’est effectivement quelque chose que l’on peut diagnostiquer chez le ronfleur. Tous les apnéiques sont ronfleurs, mais tous les ronfleurs ne sont pas apnéiques, loin de là.
Donc le ronflement peut cacher un sérieux problème ?
Le ronflement peut cacher un sérieux problème et c’est pour ça qu’on fait des enregistrements nocturnes par polygraphie ventilatoire. On prend du matériel à l’hôpital que l’on va porter la nuit chez soi et on va le ramener le lendemain. Et ça va permettre à la fois d’analyser le ronflement, d’analyser les décibels, d’analyser la fréquence, d’analyser les positions dans lesquelles on ronfle. Et ça va également permettre de pouvoir éventuellement diagnostiquer des apnées du sommeil associées.
Evitez de dormir sur le dos
De quelles solutions disposez-vous pour supprimer le ronflement ?
Pour le ronflement particulièrement, les solutions peuvent être multiples. On essaie généralement de partir du principe que comme c’est quelque chose qui est physiologique, on va aller du moins invasif au plus invasif. On va déjà chercher à savoir s’il y a un facteur positionnel dans ce ronflement. On sait qu’on ronfle plus sur le dos.
Donc l’idée, s’il y a effectivement un ronflement qui est décrit comme positionnel en polygraphie, on va proposer au patient une solution qui permet d’éviter de dormir sur le dos le plus possible. Donc ça peut passer par un tee shirt sur lequel on peut coudre une balle de tennis – il y a des modèles qui se font et qui sont déjà intégrés avec des sortes de sangles que l’on peut mettre sur le torse. Tout ça pour éviter de dormir sur le dos. C’est la première possibilité. C’est le traitement qu’on dit positionnel.
Ensuite on peut proposer aux patients, si le ronflement est d’une intensité relativement modérée ou si il y a une augmentation du poids récente, d’essayer de favoriser les fameuses règles hygiéno diététiques. Donc d’essayer de perdre un peu de poids, de commencer un régime, éventuellement de se mettre à faire un peu plus de sport. Tout ça va favoriser bien évidemment le fait de moins ronfler. Pareil pour l’alcool hein, si on voit que le ronflement est associé à cela.
L’orthèse d’avancée mandibulaire très efficace
Et puis on peut éventuellement aussi proposer ce qu’on appelle une rééducation oro-myo-faciale qui se fait par des orthophonistes ou par des kinés qui sont formés à cela. Elle permet de faire des exercices que l’on fait ensuite à la maison et que l’on reproduit sur un temps donné pour essayer de remuscler tous ces muscles du pharynx. Ceci pour essayer d’éviter que le voile du palais ne vibre trop la nuit.
C’est vraiment efficace, et facile à faire ?
C’est quelque chose qui n’est pas forcément très facile à faire pour ce qui est de la rééducation sur le long cours. Mais c’est vrai que ça peut être intéressant pour les gens déjà de montrer leur motivation à leur conjoint, de se mettre dans une idée de rééducation et de thérapeutique, sans forcément être invasif avec de la chirurgie ou autre chose. Et puis pour ce qui est du positionnel par contre, ça peut être très efficace à partir du moment où à la polygraphie on a remarqué que c’était effectivement positionnel.
Après, il y a d’autres possibilités de traitement pour le ronflement, à savoir une orthèse d’avancée mandibulaire. C’est-à-dire un procédé que l’on prépare avec des empreintes numériques et que l’on fait maintenant à la forme de vos dents. Cela permet d’avancer la mandibule la nuit et d’éviter le recul de la base de langue qui pose tant de problèmes pour ces voies aériennes. C’est un traitement qui est recommandé également dans certaines apnées du sommeil.
La chirurgie en dernier recours
Enfin, si vraiment toutes ces méthodes là ne suffisent pas, il y a des traitements chirurgicaux qui ont été pratiqués longtemps par les oto-rhinos, notamment d’aller raccourcir le voile, d’aller enlever les amygdales. Maintenant on ne fait plus ces chirurgies qui étaient un petit peu radicales et pour tous les patients ronfleurs. Maintenant on s’adapte en fait au ronflement, on s’adapte à l’anatomie des patients et on fait des chirurgies de type pharyngoplastie, qui permettent de retendre certains muscles du pharynx au niveau du voile du palais et d’éviter qu’ils vibrent de trop.
Il existe également des chirurgies qui sont beaucoup pratiquées en Italie avec des fils de suture qui permettent de retendre le voile. Et donc ça c’est vraiment fait en dernière intention, quand on a fait déjà toutes les autres manœuvres parce que ça reste des traitements plus invasifs, avec des risques qui sont les risques de la chirurgie.
En tout cas il faut voir son ORL et à ce moment-là il nous emmènera vers une solution qui sera adaptée à à mon besoin particulier ?
Exactement. Il faut d’abord passer par une phase diagnostique où on fait cette polygraphie, cet enregistrement du sommeil. Par la suite on adapte le traitement au mieux en fonction des pathologies associées à ce ronflement et en allant du moins invasif éventuellement au plus invasif si c’est quelque chose qui reste compliqué pour le couple et pour la personne qui vient consulter.
Méfiez-vous des orthèses toutes faites
Je vais témoigner : moi-même j’étais confronté à ce problème de ronflement. J’ai donc une orthèse d’avancée mandibulaire, que je porte la nuit, et je me rends compte que c’est très efficace. En revanche la procédure est un peu longue. Il faut plusieurs rendez-vous avec l’ORL, pour faire la polygraphie, puis revoir l’ORL, ensuite prendre les empreintes pour faire cette orthèse, venir essayer l’orthèse un à deux mois plus tard. Donc c’est un processus qui demande plusieurs mois…
On ne peut pas vraiment faire autrement. C’est ce qui permet d’avoir une prise en charge qui est personnalisée et adaptée à chacun, au contraire d’autres orthèses qu’on peut vous vendre en pharmacie et qui ne sont pas vraiment recommandés parce qu’elles ne sont pas propres à chacun. Celles-ci peuvent entraîner des problèmes au niveau dentaire notamment et des douleurs au niveau de la mâchoire. Donc elles sont plutôt à éviter.
Peut-on s’adresser à n’importe quel ORL pour traiter le problème de ronflement ?
Oui. On peut s’adresser à n’importe quel ORL pour traiter le problème de ronflement initialement. Il pourra vous adresser, si il n’est pas habitué à ce type de pathologie, après un examen ORL général, à un ORL qui va être potentiellement plus spécialisé dans le domaine par la suite.
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La Sécu ne rembourse pas toujours
Le traitement du ronflement est-il pris en charge par la Sécurité sociale ?
C’est vrai que c’est un petit peu à la marge. Le ronflement en soi est quand même physiologique et donc du coup intervenir sur un ronflement isolé n’est pas toujours pris en charge pour ce qui est par exemple de l’orthèse d’avancée mandibulaire par la Sécurité sociale. Il faut pour cela et pour pouvoir utiliser ce processus avoir une apnée du sommeil avec un certain degré d’apnée. Donc toutes les orthèses d’avancée mandibulaire qui ont un certain coût ne sont pas prises en charge pour des ronflements seuls.
En revanche tout ce qui est rééducation peut être pris en charge. Tout ce qui est traitement positionnel est finalement assez peu coûteux si ce n’est pas pris en charge. C’est l’équivalent d’une cinquantaine d’euros à peu près sur les sites spécialisés. La chirurgie en elle même va être prise en charge mais encore une fois elle reste un peu à la marge de la prise en charge thérapeutique.
On voit passer plein de pubs sur les coussins qui règleraient le problème du ronflement, ça fonctionne ?
Bon, on peut essayer hein ! Effectivement ça va donner une position en surélevant la tête qui peut être intéressante à l’endormissement. En revanche par la suite, dans la nuit, eh bien on ne va pas contrôler la position dans laquelle on va dormir. Donc il est probable que le coussin ne règle pas tous les problèmes de ronflement malheureusement.
Conseil : faites un enregistrement de votre sommeil
Quels conseils donnez-vous aux ronfleurs par exemple sur la position pour dormir, l’hygiène de vie, l’alimentation ?
Il faut aller vers les règles hygiéno diététiques, notamment l’alimentation, le sport, bien évidemment l’arrêt du tabac si c’est le cas, la limitation de l’alcool si vous voulez moins ronflez. Et ensuite la position. La position de décubitus dorsal – donc dormir sur le dos – favorise bien évidemment le ronflement. Après, le conseil que je donne, c’est de consulter en ORL ou dans une autre spécialité qui a trait au sommeil, pour au moins faire un enregistrement du sommeil une nuit. Et voir quelle est l’intensité, la position dans laquelle vous ronflez, et éventuellement les pathologies associées que l’on peut définir avec ce type de polygraphe.
Le ronflement n’est pas une fatalité ?
Le ronflement n’est pas une fatalité ! On peut réussir à en traiter un nombre conséquent et à régler le problème pour les patients dans la plupart des cas, sans avoir recours à une intervention chirurgicale.
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