Avignon en pointe contre le cancer du poumon

Pneumologues et oncologues mettent les bouchées doubles face à la flambée des cas en Vaucluse comme ailleurs. MProvence a réuni des médecins et du public à Avignon pour évoquer le dépistage du cancer et les nouveaux traitements.

À Pleins Poumons

Il n’y a pas cinquante endroits en région Sud-PACA où l’on vous opérera d’un cancer du poumon… Ils se comptent sur les doigts d’une main. Le Centre hospitalier d’Avignon fait partie des rares plateformes en capacité de vous prendre en charge sur cette pathologie grave et complexe. Aussi était-il légitime, dans le cadre de la campagne d’information organisée par MProvence, de proposer à la population vauclusienne de s’informer sur la prévention de ce redoutable cancer qui reste le plus meurtrier.

photos medecins
Fabien BRUNO, responsable développement commercial et des synergies du réseau mutualiste, Dr Chérifa GOUNANE, cheffe du service de pneumologie, Centre hospitalier d’Avignon, Dr Nicolas CLOAREC, chef du service d’oncologie médicale, Centre hospitalier d’Avignon. La représentante de l’association « le Souffle 84,   Dr Rihab BEN JAAFER, oncologue, Centre hospitalier d’Avignon, Dr Malek ZOGHLAMI, pneumologue, Centre hospitalier Avignon

La chance d’être opéré

Et disons-le carrément : si on vous opère, ce sera une chance. Car l’intervention chirurgicale qui consiste à retirer un lobe du poumon atteint est réservée aux cancers localisés, qui n’ont pas encore métastasé. Dans ce cas, les chances de guérison sont assez élevées, comme l’a rappelé la Dr Chérifa Gounane mercredi soir au Crédit Agricole Amandier de la cité des Papes qui accueillait la réunion publique.

« Dans la majorité des cas, nous découvrons malheureusement la maladie quand elle a déjà migré vers d’autres parties du corps, déplore la cheffe du service de pneumologie de l’hôpital d’Avignon. Il n’y a pas de nerfs dans le poumon, donc cette maladie ne fait pas mal. C’est un cancer silencieux. Quand les patients présentent des symptômes, c’est qu’elle est déjà avancée. Ainsi dans 55% des cas nous la découvrons au stade 4 (le plus élevé). » Et alors la survie est assez limitée. « Seuls 20% des cas de cancer sont dépistés avec une lésion localisée au poumon, qui est opérable. Le taux de survie 5 ans après la découverte de la maladie monte alors à 65% voire 75%. D’où l’intérêt de découvrir cette maladie au plus tôt. »

Dr Chérifa GOUNANE, cheffe du service de pneumologie, Centre hospitalier d'Avignon, Dr Arnaud PFORR, chirurgien thoracique, Centre hospitalier d'Avignon et Dr Arnaud PFORR, chirurgien thoracique, Centre hospitalier d'Avignon
Dr Chérifa GOUNANE, cheffe du service de pneumologie, Centre hospitalier d’Avignon, Dr Arnaud PFORR, chirurgien thoracique, Centre hospitalier d’Avignon

La mortalité a reculé de 24% grâce au scanner

Chirurgien thoracique, le Dr Arnaud Pforr confirme : « Plus le stade de la maladie va être précoce, plus le traitement sera léger. La chirurgie a fait d’énormes progrès. » Photos de patients à l’appui, il a montré que la chirurgie mini-invasive accomplie à l’aide du robot se limite à des petits trous pour passer les pinces et la caméra, et une incision plus large pour retirer le lobe de poumon atteint.

Aujourd’hui, la solution pour repérer ce cancer silencieux réside dans le scanner thoracique à faible dose de rayonnement. Rapide, sans injection de produit de contraste, l’examen est recommandé par les médecins pour les fumeurs de plus de 50 ans, qui fument un paquet/jour depuis plus de 15 ans. Les anciens fumeurs sont également concernés. Selon une étude réalisée sur 15.000 patients fumeurs ou anciens fumeurs âgés de 50 à 74 ans et rapportée par la Dr Gounane, le recours au scanner a permis de diminuer de 24% la mortalité par cancer du poumon en dépistant justement des tumeurs encore petites, donc résécables.

Les femmes encore plus impactées ?

Et c’est encore plus significatif chez la femme. La Dr Rihab Ben Jaafer a insisté sur l’alarmante progression du cancer chez les femmes, qui ont rejoint les hommes dans leurs habitudes tabagiques. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets… Ce serait même pire que redouté. « Dans la plupart des études, réalisées généralement en Amérique du Nord et concernant tous les types histologiques, le risque pour les femmes de présenter un cancer bronchique est de 1,5 à 3 fois supérieur à celui des hommes, et ceci à tabagisme égal. »

L’évolution paraît tellement fulgurante que le cancer du poumon devrait rapidement devenir, en France, la première cause de décès par cancer chez la femme (c’est le sein actuellement).

Filtres « ventilés » : une usine à cancer

Pour endiguer cette vague inflationniste, l’oncologue met en garde contre la mode des cigarettes fines ou supposément allégées. « Leurs filtres ventilés font inhaler davantage de fumées dont les taux de cancérigènes et d’autres toxines sont plus élevés. Ces filtres modifient la combustion du tabac, ce qui produit plus de cancérigènes sous forme de particules fines qui atteignent les parties plus profondes des poumons, où se développent les adénocarcinomes. »

La Dr Isabelle Weinberg, cheffe du service d’addictologie à l’hôpital d’Avignon et l’hôpital de Montfavet (représentée à cette occasion par Mme Cagnat), a rappelé que la fumée du tabac renferme 4.000 composés différents. Et qu’il est très difficile d’arrêter la clope. D’ailleurs 97%des fumeurs qui essaient d’arrêter, échouent. Il est recommandé de se faire accompagné par un tabacologue, une association comme Le Souffle 84 en Vaucluse ou a minima d’avoir recours à une application du type Tabac Info Service.

Arsenic = cancers chez les viticulteurs

Que faut-il penser des 10% à 15% de non-fumeurs victimes de ce cancer en France ? Le tabagisme passif en serait la première cause. « On a deux femmes pour un homme, à l’inverse des fumeurs« , souligne le Dr Nicolas Cloarec, chef du service d’oncologie médicale de l’hôpital d’Avignon, qui intervient également à Apt. Il cite parmi les autres facteurs de risque le radon, les particules fines émises par exemple par les moteurs Diesel, l’amiante ou encore l’arsenic qu’employaient les viticulteurs pour traiter les vignes. « Ce qui explique un certain nombre de cancers du poumon dans notre région viticole. »

Dr Nicolas CLOAREC, chef du service d'oncologie médicale, Centre hospitalier d'Avignon
Dr Nicolas CLOAREC, chef du service d’oncologie médicale, Centre hospitalier d’Avignon

Toutefois 40% des cancers du poumon chez les non-fumeurs restent inexpliqués. On suspecte des mutations génétiques. A noter que la proportion de cancers chez les non-fumeurs monte nettement outre-Atlantique en raison de mesures anti-tabac plus strictes. Ils représentent 25% des cas contre 15% maximum en France.

L’impact des thérapies ciblées et de l’immunothérapie

Pour clôturer les exposés, la Dr Malek Zoghlami, pneumologue, a passé en revue les innovations thérapeutiques. « Depuis 2017, les thérapies ciblées ont permis de transformer certains cancers du poumon en maladie chronique. Elles peuvent être poursuivies au long cours. » La spécialiste a aussi vanté les mérites de l’immunothérapie qui, en stimulant nos lymphocytes, peut détruire les cellules cancéreuses. Attention toutefois aux effets secondaires, comme le déclenchement de réactions immunitaires se retournant contre l’organisme sain.

Dr Malek Zoghlami, pneumologue
Dr Malek Zoghlami, pneumologue CHU Avignon

Dernière conférence à Nice

En accueillant pour la première fois dans ses locaux avignonnais une conférence de haut niveau médical, le Crédit Agricole Alpes Provence veut prouver son implication dans des actions sociétales sur les territoires de proximité. « Nous accompagnons toutes les mesures de prévention« , insiste Fabien Bruno, responsable développement commercial et des synergies du réseau mutualiste. Le public a reçu le message 5 sur 5.

La dernière conférence organisée par MProvence sur la prévention du cancer du poumon se déroulera jeudi 30 mai à 18h à Nice avec les pneumologues, les oncologues et les chirurgiens du CHU. Rendez-vous au Centre Universitaire Méditerranéen, 65 Promenade des Anglais. C’est gratuit.

Renseignements : 06 33 78 35 79

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