2023 : les chiffres de l’espoir face au terrible cancer colorectal

Plafonnant à 33%, le dépistage du cancer colorectal n'arrive pas à décoller. 10.000 décès sur 17.500 seraient pourtant évitables chaque année en France si ce taux doublait parmi les 50-74 ans, et si nous adoptions une meilleure hygiène de vie. Une information du public renforcée et l'entrée dans la danse des pharmaciens peut améliorer la situation dès 2023. Les médecins évaluent à un millier par an le nombre de vies qu'on pourrait sauver dans la région. La campagne de prévention s'ouvre aujourd'hui.

Santé

Non, les Provençaux ne sont pas toujours les bonnets d’âne en matière de prévention. D’abord, le taux de dépistage du cancer colorectal proposé via le test FIT à partir de 50 ans à tous les assurés sociaux progresse tout doucettement, mais il progresse. De 28% en 2017, on a grimpé à 33,5% en 2022.

Mais il faut y ajouter les coloscopies effectuées directement durant les cinq années précédentes. On arrive alors à 46% de couverture par test colorectal en région Sud-Paca. Pas si mal ! Et on meurt moins du cancer colorectal ici qu’au plan national (-14%), peut-être grâce à un meilleur suivi médical.

L’objectif de 65% est-il tenable ?

L’objectif national de 65% de tests réalisés semble pourtant encore lointain, alors que c’est le cap fixé par l’Etat pour 2025. Il faut dire qu’il permettrait d’épargner près de 10 000 vies par an, car un cancer dépisté tôt se soigne très bien dans 90% des cas. Et des dizaines de milliers d’autres personnes échapperaient ainsi sans doute à de lourds (et coûteux) traitements médicaux nécessaires face à des cas avancés de cancer.

Anthony Valdez, directeur de l’organisation des soins à l’Agence régionale de santé (ARS), a également rappelé hier à l’occasion de la présentation de la campagne de prévention Mars Bleu, que 40% des cancers sont évitables, et même 50% pour le cancer colorectal. Donc tous les espoirs sont permis, à condition de communiquer massivement sur le bienfait de modifier son mode de vie.

Viande rouge et charcuterie impliquées dans 5 600 cancers !

Il faut notamment favoriser une alimentation riche en fibres (en privilégiant les fruits et légumes). Le docteur Yves Rinaldi, gastro-entérologue à l’hôpital Européen de Marseille, retire des polypes et des tumeurs à tour de bras. Et les chiffres qu’il a dévoilé, lors de la conférence de presse accueillie par le Club de la Presse Marseille Provence Alpes du Sud, font réfléchir : « on augmente de 20% le risque de ce type de cancer en fumant et de 20% en buvant de l’alcool (+ de 2 verres par jour et au plus 5 jours par semaine)« . Le professeur Jean-François Seitz (CHU Timone), vice-président du Centre régional de dépistage des cancers à l’origine de la campagne, en rajoute une louche : « Le tabac fait pousser les polypes, et l’alcool les fait grossir. Par ailleurs, près de 5 600 nouveaux cas de cancer colorectal (sur 43 000) sont attribuables chaque année à la consommation excessive de viande rouge, et de charcuterie à cause des nitrites. »

Si vous ingurgitez plus de 500 grammes par semaine de steack hâché, de daube et d’entrecôte, vous jouez avec le feu. Calculez, on y est très vite : en 4 repas on a sa dose… « Attention à la viande grillée au barbecue trop fréquemment« , glisse encore le Pr Seitz. Vos papilles s’en régalent peut-être, pas votre intestin.

Pour le saucisson et le jambon, c’est maximum 150 grammes par semaine. A raison de 40 grammes la tranche de jambon et 150g le demi-saucisson, certains font sauter les compteurs toutes les semaines.

Marchez, bougez : le cancer n’aime pas du tout ça !

Lors de la conférence de presse dédiée à « Mars bleu » hier, le Dr Rinaldi a pris son bâton de pèlerin pour rappeler les vertus de l’activité physique pour prévenir le cancer. « Elle présente un intérêt majeur en termes de prévention (comme durant la maladie). Or les jeunes ont perdu une bonne part de leurs capacités physiques« , et « le surpoids gagne du terrain, on est passé de 7-8% d’obèses à 17% » a complété le Pr Seitz. Or le surpoids est l’allié des cancers.

Yves Rinaldi en est convaincu : « Les grands progrès en matière de lutte contre le cancer colorectal viendront de la prévention, bien plus que des thérapies qui ont certes beaucoup progressé, mais au bout desquelles on arrive. »

Un polype met 10 ans pour devenir un cancer

Autre point positif souligné par le docteur Patrick Delasalle, gastro-entérologue à Grasse et secrétaire général du Centre régional de dépistage des cancers : la distribution du test FIT par les pharmaciens, et la possibilité de le commander par internet (à condition dans ce cas de posséder le numéro de dépistage envoyé par l’Assurance Maladie). Lancée en 2022, cette double initiative permet au patient de plus de 50 ans de se procurer plus facilement le test à réaliser à la maison, en trempant un bâtonnet dans ses selles.

Le docteur Caroline Saint-Martin (CRCDC) interroge néanmoins sur la suite donnée par le patient qui recevra un courrier l’informant qu’on a détecté du sang dans ses selles. Contactera-t-il son médecin traitant ou un gastro-entérologue pour réaliser une coloscopie en milieu hospitalier ? Sinon le test n’aura servi à rien.

Jugé très performant, le FIT déployé depuis 2015 permet de dépister les lésions précancéreuses que sont les polypes. « Un polype met dix ans à se transformer en cancer« , note le Pr Seitz. Repéré avant, il est sectionné lors de la coloscopie, où le médecin est désormais assisté de l’intelligence artificielle pour la détection des anomalies.

La coloscopie, presque une douce… formalité

Le docteur Delasalle estime que « cet élargissement de la distribution des tests peut changer la donne. » Il veut en outre rassurer les patients sur les progrès accomplis pour adoucir la coloscopie. A l’écouter, on irait presque volontiers confier son côlon à l’endoscope du praticien ! Il est vrai que le moment le plus pénible reste pour beaucoup l’absorption la veille de l’intervention de deux litres d’un laxatif permettant de vider l’intestin. Une sacrée purge ! Une anesthésie légère réalisée le lendemain en ambulatoire se vit généralement très bien. Et si c’est le prix à payer pour échapper au cancer ou vérifier qu’on n’a rien, comment se plaindre, sérieusement ?

Plus de cancers du côlon à cause du Covid ?

Malheureusement, tout n’est pas rose en ce mois de Mars bleu 2023. Deux ombres planent sur un tableau pourtant optimiste.

1- On n’a pas rattrapé le retard pris lors du confinement dû au Covid en 2020. « On a constaté une baisse de 18% des coloscopies en région Sud-Paca, déplore le Pr Seitz. Et les coloscopies avec ablation de polypes ont reculé de 18,9%. Ce retard n’a pas été rattrapé en 2021 et nous redoutons à terme une augmentation des cas de cancers. »

Pavé dans la mare

2- La professeure Brigitte Serradour, présidente du CRCDC, a jeté un pavé dans la mare hier en dénonçant le fait que les campagnes de dépistage pourraient, dès 2024, échapper aux instances régionales pour être recentrées au plan national sous la houlette de l’Assurance Maladie. L’Etat semble estimer en effet qu’il sera plus efficace que l’échelon régional pour atteindre la barre des 65% de tests en matière colorectal, et faire ainsi baisser drastiquement le nombre de cancers. « Je crains une dégradation de la situation, a martelé la Pr Serradour. Ce qui va se passer est dangereux. Et nous n’aurons plus de chiffres régionaux. »

C’est donc le flou et l’incertitude qui prévalent pour les acteurs régionaux. Ce qui ne doit cependant empêcher personne de se faire dépister. Car là est bien l’essentiel.

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