80% des hommes seront gênés pour faire pipi

Cette petite glande reproductrice qu'est la prostate en fait voir de toutes les couleurs aux hommes ! Parfois dès 45 ans, et quasi assurément à 60 ans, son grossissement provoque souvent des envies pressantes d'uriner et des fuites fort embarrassantes. Un calvaire pour de nombreux seniors. Heureusement, il existe des traitements, à condition d'oser en parler à son médecin. Le docteur David Barriol, chirurgien urologue à l'Hôpital Privé de Provence, à Aix-en-Provence, décrypte ce dysfonctionnement et nous met... à l'aise ! Sans oublier quelques conseils pour une prostate en forme, dont celui-ci : avoir de fréquents rapports sexuels...

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L’adénome de la prostate est-elle la pathologie prostatique la plus connue et la plus fréquente en France ?

Docteur David Barriol : Effectivement, l’adénome prostatique est la pathologie urologique la plus fréquente. Elle touche globalement 80% des hommes à l’âge de 60 ans. Les symptômes sont différents selon l’âge et selon l’importance de l’adénome prostatique. Les premiers symptômes peuvent apparaître à partir de 45-50 ans.

On entend souvent dire que les hommes sont gênés par leur prostate pour uriner. En quoi consistent ces désagréments, et quelle est leur origine ?

Ces désagréments sont généralement chez l’homme plutôt jeune la « goutte retardataire » : on urine et puis quelques instants après, il y a encore quelques gouttes d’urine qui partent dans le slip. Il y a également un jet faible, la force du jet d’urine qui diminue avec le temps. Mais également la fréquence qui peut augmenter dans la journée. On passe de 5 à 10, voire 15 mictions (ce qui veut dire aller uriner) par jour. La nuit, on va être aussi obligé de se lever plusieurs fois, jusqu’à 5 fois par nuit. D’autres symptômes plus inquiétants amènent les patients à venir nous voir. Par exemple les saignements dans les urines et parfois des épisodes d’infection urinaire.

Si votre père ou vos oncles ont eu ce problème…

Existe-t-il des raisons génétiques à l’adénome de la prostate ? Si mon père a eu un adénome la prostate, aurai-je moi aussi cette pathologie ?

Il semble effectivement qu’il y a un facteur génétique à l’adénome de la prostate. Quand on voit un patient pour des troubles urinaires, et qu’on leur pose la question, souvent des oncles ou leur père ont été traités médicalement ou chirurgicalement. Il y a des facteurs génétiques, et probablement également des facteurs environnementaux, dans notre façon de nous alimenter. Ils favoriseraient le développement de l’adénome prostatique.

Vous avez dit qu’à partir de 60 ans, 80% des hommes seront gênés. Donc passé cet âge, faut-il systématiquement consulter un urologue ?

Il faut même voir un urologue beaucoup plus tôt ! Si l’on suit les recommandations de l’Association Française d’Urologie, tout homme à partir de 50 ans devrait avoir au moins un toucher rectal et un dosage du PSA (NDLR : le PSA, pour « antigène prostatique spécifique », est un des marqueurs du cancer de la prostate pouvant être recherché lors d’une simple prise de sang prescrite par le médecin traitant). Ceci dans le cadre d’une détection précoce du cancer de la prostate. Cela peut être l’occasion d’évoquer déjà des troubles urinaires et tout ce qui pourrait advenir vers 60, 70 ans, comme les troubles mictionnels.

Les plantes et même le Cialis améliorent les troubles urinaires !

Quels sont les traitements avant d’arriver à la chirurgie ?

D’abord, on n’est pas obligé de traiter systématiquement un adénome prostatique si celui-ci est modérément symptomatique. On a en tout premier lieu les traitements médicamenteux, qui partent de la phytothérapie – traitements à base de plantes qui permettent déjà de corriger quelques troubles urinaires. Ils sont très efficaces et c’est démontré scientifiquement. Il existe deux autres catégories de médicaments qui peuvent améliorer les troubles urinaires. On a les alpha-bloquants, des traitements assez anciens, qui améliorent la qualité du jet, et les 5 alpha-réductases : ils vont réduire le volume de la prostate et améliorer les troubles urinaires. Enfin, il y a une autre catégorie de médicaments qui servent à corriger les troubles de l’érection, tel que le Cialis, qu’on peut employer tous les jours et qui peuvent améliorer également les troubles urinaires.

En quoi consistent les interventions chirurgicales, et comment se passe le post-opératoire ?

Il existe un très grand nombre d’interventions chirurgicales pour l’adénome prostatique. Avant, ça se résumait à deux interventions: un « rabotage » de la prostate par les voies naturelles pour les petits volumes prostatiques. Et puis il y avait l’adénomectomie prostatique qui consistait à ouvrir le bas-ventre et aller enlever la partie interne de la prostate. Désormais il existe beaucoup plus d’interventions. Il y a tout ce qui peut se faire par voie naturelle, par voie endoscopique, en utilisant des lasers qui consistent soit à vaporiser soit à enlever carrément l’adénome prostatique. Pour les très gros volumes prostatiques, il existe toujours la possibilité d’une intervention chirurgicale par des ouvertures au niveau du bas-ventre ou en utilisant la chirurgie robotique pour aller enlever cette partie interne de la prostate.

Le plaisir sexuel n’est pas (trop) affecté

Ces interventions chirurgicales règlent-elles durablement le problème et comportent-elles des effets secondaires importants, comme l’incontinence urinaire ou l’impuissance ?

Généralement ces interventions règlent les problèmes, au moins à moyen et long terme. Evidemment, il existe des complications. Comme les risques d’incontinence urinaire. Mais ils sont très faibles, et ils peuvent être facilement corrigés par une bonne kinésithérapie. Des problèmes d’érection, il n’y en a pas avec ce type d’intervention. Il y a un impact sur l’éjaculation, qui devient rétrograde. Quand on a une jouissance, le sperme ne sort pas, reste dans la vessie, mais il y a du plaisir et la qualité de l’érection reste intacte.

La prostate étant essentielle à la reproduction humaine, une telle intervention entraîne donc une infertilité ?

Oui, mais généralement ce sont des interventions que l’on réserve à des personnes qui ont un certain âge. Evidemment, il y a des restructurations de couple qui peuvent intervenir, mais globalement ce sont des personnes qui ne sont plus tout à fait en âge de procréer. Généralement ça n’engendre pas de réticences à une intervention chirurgicale.

Faites l’amour, c’est très bon pour la prostate !

Ce gonflement de la prostate, qui provoque donc des troubles urinaires, peut-il s’accompagner d’un cancer ?

L’adénome prostatique n’engendre pas de cancer. Ces interventions non plus. Tout ce qui a trait à l’adénome ne présente pas de facteur de risque au cancer.

Existe-t-il des recommandations pour prendre soin de sa prostate ?

L’activité physique. Et puis l’activité sexuelle semble préserver déjà du cancer de la prostate et peut-être même préserverait d’un trop fort développement de l’adénome prostatique.

Donc plus on a d’activité sexuelle, et mieux c’est ?

Cela va être difficile pour nous, praticiens, de faire une ordonnance ! Mais effectivement, ça pourrait améliorer les choses.

Sport + alimentation équilibrée = la bonne recette

Vous avez évoqué des influences environnementales, ou alimentaires…

Il semblerait qu’il y ait une influence alimentaire. La consommation de viande, peut-être de produits laitiers, semblerait – je dis bien « semblerait » – favoriser ce type de problème. Encore que… Il existe encore des complément alimentaires – l’huile de pépins de courge, etc. – qui peuvent apporter des petites améliorations fonctionnelles sur la qualité urinaire.

En règle générale avoir une alimentation équilibrée et une activité physique normale est plutôt recommandé…

L’activité physique ! Elle est très positive, quelle qu’elle soit. Pour les recommandations alimentaires, le plus important est de se faire plaisir et de manger un peu de tout.

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