Le sport limite fortement le risque de cancer du sein

Jusqu'à 40% de risque en moins ! Une femme pratiquant 150 mn de sport par semaine voit son risque de cancer du sein nettement diminuer. Le sport réduit également de 15 à 20% le risque de récidive. C'est le Dr Claude Marblé (Centre provençal de médecine du sport à Aubagne) qui l'affirme. Frappée par une forme redoutable de cancer du sein, Emilie Couquiaud témoigne à ses côtés des bienfaits de l'activité physique. Le médecin et sa patiente étaient réunis lors d'une journée de prévention organisée le 17 octobre par la Région Sud.

Santé

 

Vous êtes le premier quasiment à avoir instauré la médecine du sport comme une discipline à part entière et vous avez un sacré parcours, avec notamment 4 Jeux Olympiques au compteur en tant que médecin de l’équipe de France de triathlon. Vous rappelez que le sport c’est évidemment bon pour la santé, mais c’est également excellent quand on doit affronter un cancer ?

Dr Claude Marblé : Tout à fait ! Les études réalisées au fur et à mesure du travail qu’effectuent nos amis cancérologues pour connaître les facteurs de risque ont fait ressortir que l’activité physique est un élément indispensable pour éviter un certain nombre de cancers.

Pendant longtemps on a dit aux malades, du cancer en particulier, qu’il faut se reposer pour affronter la maladie. Vous, vous leur dites le contraire. Vous leur dites de se bouger !

Oui, et en fait à tous les temps de la maladie. C’est-à-dire qu’on s’est rendu compte que c’était un facteur de risque d’être sédentaire et inactif, qu’on avait plus de risques de cancer en général et en particulier de cancer du sein. On s’est rendu compte que l’activité physique pendant les soins c’était la seule thérapeutique qui diminuait la fatigue. Et puis en post cancer, au fur et à mesure des études, on a vu apparaître une efficacité qui est presque identique à celle des hormonothérapies.

Le risque de mortalité diminue de 30 à 40%

Les bienfaits de l’activité physique dans la lutte contre le cancer du sein en particulier sont-ils quantifiables, mesurables, chiffrables ?

Oui, les chiffres justement ! J’évoquais les résultats en termes des différentes actions pendant et après la maladie. En prévention c’est entre 35 et 40% de moins de risque d’avoir un cancer du sein, selon les études sur le sein, si on effectue 150 minutes d’activité physique par semaine. Pour ça, il faut avoir une activité régulière, trois fois par semaine, et avoir au moins 6 mois de pratique. Et au-delà évidemment ces bénéfices ont lieu. C’est comme ça en prévention. Dans le post cancer, on s’est rendu compte que ça diminuait d’environ 15 à 20% le risque de récidive. En termes de mortalité globale, c’est presque aussi 30 à 40% de moins de mortalité toutes causes confondues, parce que l’activité physique va être bénéfique vis-à-vis du cancer mais vis-à-vis aussi des autres causes de décès (NDLR : maladies cardiovasculaires, diabète, maladies liées au surpoids et à l’obésité).

Mixer la marche et l’activité plus intense

Donc on peut faire de la marche mais pas que…

En termes de qualité de pratique, il est intéressant de mixer des activités. Il faut des activités de faible intensité comme de la marche – ça peut être aussi les activités de vélo très simples, sur home trainer, de vélo d’appartement. Mais après il faut aussi un peu d’activité plus intense – on dit modérément intense, que le souffle soit un peu coupé.

Les myokines sécrétées par les muscles protègent du cancer

Concrètement, comment le sport agit-il contre les cellules cancéreuses ? Que stimule il à l’intérieur de notre corps ?

Dès qu’on fait ne serait-ce que 15 à 20 minutes d’activité, le corps va fabriquer des petites protéines qu’on appelle les myokines. Ces protéines vont avoir une action favorable, une action anti-infammatoire globale. Elles vont permettre d’avoir moins de problèmes liés à l’insuline qui monte trop haut – on parle d’hyper insulinémie – et du risque d’avoir un diabète. Elles vont avoir une action sur l’os, une action sur le cœur, les vaisseaux. En fait ces myokines ont vraiment un rôle important sur tout l’organisme et un rôle sur l’immunité qui fait donc diminuer le risque d’avoir un cancer.

Parlons de l’aspect mental de l’activité physique. En quoi est-il déterminant quand on doit affronter un cancer ?

L’activité physique a des capacités à mettre en place de la dépense d’énergie et c’est cette dépense d’énergie qui va avoir un retentissement sur les myokines. Mais ça, c’est l’aspect purement énergétique. Il y a d’autres aspects de l’activité physique qui peut être individuelle ou collective. Le mental est important pour affronter une épreuve. Le terme d’épreuve va bien dans ce domaine puisqu’une épreuve sportive et une épreuve telle que passer un cancer, c’est quelque chose de compliqué et il faut un mental pour ça. Le sport aide beaucoup.

Gare à ne pas faire n’importe quelle activité…

Faut-il de préférence pratiquer cette activité avec un encadrement paramédical ou professionnalisé ?

Cela va dépendre un peu du type de cancer. S’il est simple, avec une simple chirurgie parfois, on peut éventuellement proposer des activités – si les gens étaient déjà sportifs – qui correspondent à ce qu’ils faisaient en adaptant un peu par rapport aux différents temps de la maladie. Si on a différents traitements qui peuvent rendre la personne d’abord plus faible en termes cardiaques, qui peuvent engendrer parfois aussi des troubles de l’équilibre via des atteintes sur les nerfs, on a intérêt à faire des activités ciblées sur ce qui a pu être touché par les traitements et/ou la maladie. On va cibler ça et à ce moment-là il vaut mieux être encadré par ce qu’on appelle des éducateurs en activité physique adaptée.

Un manque de médecins formés à l’activité physique

Si ce n’est pas le cas, si j’habite loin de toutes ces structures, qu’est-ce que je peux faire ?

Nous manquons de médecins formés. Les médecins généralistes ne sont pas tous formés à cette prescription de l’activité physique adaptée. Pourquoi ? Nous étions il y a 30 ans dans une espèce de logique où on contre-indiquait les gens malades. Aujourd’hui c’est l’inverse qu’on veut faire ! On veut que les gens qui ont une maladie fassent de l’activité. Mais pour ça il faut donc faire un bilan. Parfois ce bilan est un peu long et compliqué. Aujourd’hui, les maisons sport-santé qui ont des médecins peuvent faire ça. Concernant celles qui n’ont pas de médecin, il faut diriger les patients soit vers les spécialistes, soit vers des médecins du sport qu’ils connaissent.

Emilie : « J’ai découvert mon cancer en palpant mes seins »

Docteur Marblé, vous venez de participer à une conférence sur la prévention du cancer du sein organisée par la Région Sud à l’Hôtel de Région et vous êtes accompagné d’une de vos patientes, que vous préférez désormais qualifier « d’athlète » : il s’agit d’Emilie Couquiaud. Émilie, qu’est-ce que le sport vous a apporté dans votre lutte contre le cancer du sein, un cancer qui est récent vous concernant ?

Emilie Couquiaud : Un petit peu tout en fait. C’était la seule chose que je pouvais faire. Toutes les autres activités étaient trop agressives ou compliquées pour moi. Donc c’est la seule chose que j’ai pu faire tout au long de mon traitement et maintenant je continue de pratiquer du sport.

Emilie Couquiaud (au centre) a participé à un débat à l’Hôtel de Région en présence des docteurs Marie Bannier et Catherine Nogues de l’Institut Paoli-Calmettes, du Dr Claude Marblé, et de Josy Chambon, vice-présidente de la Région Sud-Paca.

 

Rappelez-nous votre parcours. Ce cancer, vous le découvrez totalement par hasard…

Oui, par hasard. Par auto palpation. J’avais eu une mammographie et échographie 8 mois avant, qui n’avaient rien décelé. Et le hasard a fait que mes doigts sont tombés sur une boule dans mon sein et donc je suis tout de suite allée voir un médecin pour être prise en charge au plus vite.

Une prédisposition génétique l’oblige à se faire retirer les ovaires

Vous avez été prise en charge à l’Institut Paoli-Calmettes, où vous avez été opérée ?

J’ai été opérée dans un premier temps. J’ai eu une tumorectomie et les analyses ont été faites sur ma tumeur. Il s’avérait que c’était une tumeur agressive donc je passais du coup sur un traitement intensif avec chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie. La suite des examens a montré que j’avais une prédisposition génétique donc j’ai eu recours à de la chirurgie qui était plus invasive. C’est-à-dire une mastectomie et de la chirurgie préventive aussi par rapport aux risques d’éventuels autres cancers. Donc j’ai fait une mastectomie bilatérale ainsi qu’une annexectomie :  j’ai enlevé les ovaires pour éviter d’autres cancers au niveau des ovaires.

Le sport pour booster ses défenses immunitaires

Donc c’est un parcours qui est très lourd. Si on parle du sport, est-ce que tout à coup ça ne vous a pas semblé quand même superflu de vous dire « Ah bah tiens, je vais me mettre au sport » ou quand on vous a conseillé de faire du sport, de l’activité physique ?

Le premier qui m’a conseillé de faire du sport, c’était mon oncologue pour booster mes défenses immunitaires qui étaient très basses suite à la chimiothérapie. Donc je suis allée marcher. Mon mari me tirait tous les week-ends pour aller marcher et dès que je pouvais j’allais marcher avec ma mère, avec mes copines. Et l’hôpital m’a aussi proposé de faire du sport adapté au sein de l’hôpital, dans une salle de sport avec des coachs sportifs en activité physique adaptée. Je me suis également tournée vers d’autres associations qui m’ont permis de faire du sport en plus.

Remise en forme après les traitements qui l’avaient affaiblie

Vous êtes même allée plus loin que ça puisque l’été dernier vous avez participé à un défi un petit peu extraordinaire. Pouvez-vous nous en parler ?

En décembre 2023 j’ai été recrutée par un onco-coach que je voyais à la clinique Bonneveine dans le cadre de soins de support. Il m’a proposé une activité, enfin, un défi physique et mental. Il s’agissait de participer à l’ascension d’une montagne de plus de 4000 mètres d’altitude. Ce défi comprenait une préparation physique sur 6 mois. Donc une remise en forme par rapport à la perte de capacité physique qu’on avait eu suite aux chimiothérapies et à tous les traitements contre le cancer. Une remise en forme avec une activité physique au moins 3 fois par semaine. On a eu également du yoga. Qu’elles que soient les formes de sport qui nous ont été conseillées, on a eu un suivi par le docteur Marblé aussi, pour être en forme.

Vous êtes partie à l’ascension de ce 4000 au mois de juillet 2024 et ça a été un défi extraordinaire. Aujourd’hui vous êtes en pleine forme ?

Oui ! Oui, oui ! Les 6 mois m’ont permis de me booster encore plus, à faire encore plus de sport parce que je suis devenue un petit peu addict du sport !

Emilie Couquiaud et Dr Claude Marblé

« Le sport est aussi essentiel que mon hormonothérapie »

Vous avez le sentiment que le sport a vraiment été déterminant pour surmonter votre maladie ?

Oui. Psychologiquement ça a été vraiment l’essentiel. C’était la seule chose que j’arrivais à faire et dès que j’allais faire du sport, même si c’était adapté, donc c’était un sport doux, c’était une victoire. Chaque fois que je pouvais faire du sport et que j’y arrivais, eh bien c’était ma victoire du jour et psychologiquement ça m’a tenue. C’est ce qui m’a tenue tout au long de mes traitements.

Vous avez repris le travail au mois de septembre dernier. Continuez-vous à pratiquer le sport de manière aussi intensive ? Est-ce que vous le faites aussi parce que, comme le disait le docteur Marblé, il permet de limiter le risque de récidive ?

Oui, ça fait partie de mon traitement. Pour moi, le sport est essentiel. Il est aussi essentiel que l’hormonothérapie que je prends pendant 5 ans. J’ai revu mon emploi du temps. Le sport est une priorité. Je vais en vélo au boulot, je fais 4 à 5 heures de sport par semaine et ça fait partie de ma priorité.

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