Prévention du cancer : les aliments conseillés par la Dr Campagna

Aucun régime ne vous permettra d'échapper au cancer. Mais certains aliments riches en antioxydants, vitamines A et E, ou sélenium peuvent aider à limiter le risque de cancer de la prostate notamment, qui est le plus fréquent chez l'homme. Privilégiez les fruits et légumes, le blé et le riz complet, limitez les viandes grasses, le beurre et le lait entier. Voici les conseils de l'urologue Jennifer Campagna (Hôpital Nord, APHM).

Santé

Urologue à l’Hôpital Nord de Marseille, la Dr Jennifer Campagna participe à la campagne de prévention « La Prostate, parlons-en pour nous protéger », organisée par MProvence en partenariat avec les médecins des hôpitaux régionaux. Elle a été interrogée par Anaïs Chennine, étudiante en master 2 « Communication d’intérêt général » à l’Ecole de Journalisme et Communication d’Aix-Marseille, dans le cadre d’un projet professionnel tuteuré.

Quels sont les principaux facteurs de risque du cancer de la prostate dont les hommes devraient être conscients ?

Dr Jennifer Campagna : Les principaux facteurs de risque du cancer de la prostate, il y en a plusieurs. Mais le principal qui doit être connu du grand public, ce sont les antécédents familiaux et l’âge. Le cancer de prostate, lorsqu’il y a des antécédents familiaux, doit entraîner un dépistage précoce dans la famille. Donc il faut connaitre les antécédents de cancer au premier ou au deuxième degré. Les oncles et les cousins au deuxième degré, et le père et les frères au premier degré. Lorsqu’il y a eu trois cas de cancer dans la famille, ou deux cas mais avant 55 ans, il faut se faire dépister de façon précoce, c’est-à-dire avant 45 ans.

Le traitement à base de testostérone favorise le cancer de prostate

Après, il y a l’âge, c’est un cancer que l’on dépiste seulement à partir de 50 ans. Mais à partir de 50 ans tous les hommes doivent se faire dépister, donc l’âge est un facteur de risque. Ensuite il y a d’autres facteurs de risque qu’on connaît bien, c’est notamment l’origine ethnique antillaise, avec certaines expositions environnementales. Et le syndrome métabolique, c’est l’obésité, l’hypertension, tout ce qui peut entraîner un cancer de prostate un peu plus agressif, lorsqu’il y a une obésité importante. Ou les patients qui prennent des traitements androgéniques, c’est-à-dire de la testostérone. Comme c’est un cancer hormono-dépendant, il se nourrit de testostérone pour augmenter. Prendre un traitement à base de testostérone favorise le cancer de prostate.

L’obésité est un facteur de risque

Parlons à présent de l’alimentation. Quel rôle joue-t-elle dans la prévention du cancer de la prostate ?

L’obésité est un facteur de risque du cancer de prostate. Donc l’alimentation saine et équilibrée est un facteur de bonne santé globale et donc de prévention de tous les cancers. Ça a un impact sur le cancer de prostate parce que l’obésité est un facteur de risque dans le cas du syndrome métabolique. On va donc essayer d’avoir une alimentation qui va éviter tout stress cellulaire, donc tout ce qui est antioxydant permet d’éviter la mutation cellulaire et l’apparition d’un cancer.

Il n’y a pas d’alimentation qui prévient spécifiquement le cancer de prostate, mais on sait qu’une alimentation riche en antioxydants limite le risque de développer un cancer.

Riz et blé complet : miam !

Quels aliments ou types d’aliments devraient être évités ou consommés avec modération
pour prévenir ce cancer ?

Effectivement, les études ont montré que consommer du sélénium, des vitamines E, des vitamines A, permettait de diminuer le risque de développer un cancer de prostate. En réalité, on ne peut pas dire aux gens “Si vous mangez ça, vous n’aurez pas de cancer de prostate”. C’est faux. Mais en revanche on met toutes les chances de notre côté lorsqu’on consomme ce type d’oligo-éléments et de vitamines.

Le sélénium est ce qu’on retrouve dans le blé complet, le riz complet, tout ce qui est féculents plutôt complets. Les vitamines E, A, etc., c’est tout ce qu’on va retrouver dans les fruits et légumes. Donc ça
reste dans une alimentation équilibrée et saine, et en évitant toutes les graisses saturées. Notamment dans le beurre ou les viandes grasses, ou les viandes reconstituées, ou  encore le lait entier qui apporte une espèce d’inflammation métabolique, et donc le nid de cellules transformées et pouvant être à l’origine de développer un cancer.

Eviter le lait entier oui, mais pas les produits laitiers !

Donc il est vrai que les produits laitiers augmentent le risque de cancer de la prostate ?

Alors pas tout à fait. Enfin, c’est même faux ! Les produits laitiers apportent du calcium indispensable à tous. En revanche, dans les produits laitiers entiers, la partie grasse de ce lait entier est très néfaste mais toujours pour la même raison : elle est à l’origine d’obésité, du mauvais gras. Ce qui fait que les produits laitiers entiers sont à éviter au maximum. Mais les produits laitiers sont absolument nécessaires dans notre alimentation.

Curcuma, graines de courge, tomates : gare aux légendes !

Nous entendons sur internet tout un tas de rumeurs sur ce qui est bon ou non à consommer afin d’éviter de développer ce type de cancer : curcuma, tomates, graines de courge… Y a-t-il véritablement des avantages à intégrer ces aliments à son quotidien ? Pouvez-vous démystifier certaines légendes urbaines à ce sujet ? Que disent les recherches ?

Effectivement, il y a beaucoup de choses et de données dans la littérature sur ce type d’alimentation. Encore une fois, l’alimentation saine et équilibrée dont on parlera après dans le régime méditerranéen permet de prévenir la modification cellulaire. Mais encore une fois, on ne peut pas dire qu’en mangeant du curcuma et des graines de courge on n’aura pas de cancer de prostate. En revanche, tous ces éléments sont des antioxydants et des anti-inflammatoires, et du coup ils permettent d’avoir un système immunitaire plus vigoureux et de combattre éventuellement une transformation cellulaire.

Encore une fois, à aucun moment dans les données de la littérature on ne peut dire au patient qu’en faisant “ça” on évite un cancer de prostate. Mais c’est mettre toutes les chances de son côté en consommant ce type de produit. Ce n’est pas parce qu’on consomme ces produits qu’on n’aura pas de cancer et on ne peut pas le recommander aux patients.

Donc ce type d’aliment permet de booster le système immunitaire mais pas dans
l’absolu?

Absolument !

L’inflammation c’est le nid du cancer

Comment les probiotiques et la santé intestinale influencent-ils le risque de cancer de la
prostate ?

Là, pour le coup, il y a beaucoup d’études cliniques qui sont faites entre le système digestif et les cancers en général. C’est le cas aussi du cancer de prostate. Il y a plusieurs hypothèses, c’est que l’inflammation systémique, donc dans  l’ensemble du corps, peut venir d’un déséquilibre de la flore intestinale. Parce que tout ce qu’on va manger va être transformé dans notre intestin. Et donc ce qui va être relargué par l’intestin, tout ce qui est absorbé par l’intestin, si ce sont des mauvaises choses, va créer de l’inflammation, et l’inflammation c’est le nid du cancer.

Un microbiote équilibré est essentiel

Donc les probiotiques sont des bactéries inoffensives qu’on va prendre pour essayer de réguler cette flore intestinale et lutter contre le développement de bactéries néfastes qui relargueraient cette inflammation dans notre sang et perturberaient notre système immunitaire par l’inflammation. D’autre part ça a
aussi une influence sur les androgènes. Les androgènes c’est la testostérone notamment et qui perturberaient hormonalement.

L’augmentation de la testostérone entraîne le risque de développer un cancer de la prostate et influence aussi les traitements puisque les traitements ont pour but de diminuer la testostérone. Ces probiotiques intestinaux, en limitant le développement de bactéries, permettent d’avoir un microbiote équilibré et donc un effet protecteur en rééquilibrant la flore intestinale sur le développement du cancer.

Légumes, poissons gras et huile d’olive au top

Certains régimes sont souvent vantés pour leurs bienfaits sur la santé, comme le régime méditerranéen. Qu’en pensez vous ?

Alors, oui effectivement, c’est le régime qui a montré ses preuves sur une bonne santé globale et comment éviter d’avoir une inflammation liée à notre alimentation. Il est bénéfique dans la prévention du cancer de prostate mais pas que, il est bénéfique dans tous les syndromes métaboliques. Il repose sur la prise de fruits et de légumes qui va permettre d’apporter des vitamines A et des vitamines E, des céréales complètes et notamment le sélénium dont on a parlé tout à l’heure.

Au niveau des protéines il faut privilégier les poissons gras. Concernant les oligoéléments ils peuvent être apportés par les graines dont on a parlé aussi tout à l’heure avec des noix, et privilégier les matières
grasses avec l’huile d’olive. Tout ceci a un but antioxydant et anti-inflammatoire et, toujours pareil, pour éviter la transformation cellulaire.

La recette pour composer votre assiette

Auriez-vous des recommandations alimentaires spécifiques qui pourraient aider à réduire le risque de développer ce cancer ?

Il n’y a pas d’éléments miracles, on l’a déjà dit plusieurs fois. Mais effectivement, le régime méditerranéen c’est une alimentation saine et équilibrée. Ce qui est recommandé, quand on remplit une assiette, c’est que la moitié de l’assiette doit être des fruits et des légumes, c’est le côté antioxydant. Un quart de cette assiette doit être des protéines en privilégiant plutôt les poissons gras que les viandes rouges reconstituées qui sont du mauvais gras et qui apportent le nid de l’inflammation.

Après, pour les féculents, il faut privilégier les céréales complètes qui ont une action riche en fibres qui va se retrouver sur le coté intestinal en améliorant le microbiote intestinal pour éviter le
relargage inflammatoire. Utiliser comme gras des graisses saines comme l’huile d’olive qui permet un apport en Omega 3 satisfaisant.

30 à 40 mn d’efforts par jour suffisent !

L’activité physique et la gestion du stress sont souvent mentionnées comme importantes
pour la santé globale. Quel est leur rôle spécifique dans la prévention et le traitement du
cancer de la prostate ?

L’activité physique a un rôle hyper important dans la prévention du traitement. On en revient toujours un peu à la lutte contre l’obésité. En prévention, on va lutter contre la sédentarité. Une activité physique doit être régulière mais pas forcément intense. Marcher 30 à 40 minutes par jour en allant acheter son pain, en faisant du jardinage ou les taches ménagères, c’est ça faire de l’activité physique, c’est largement suffisant et ça a une action sur une bonne santé globale et qui contribue à un système immunitaire
compétent.

Cette activité physique a un rôle dans le traitement du cancer parce qu’on sait qu’elle va très largement diminuer les effets secondaires du traitement. Faire un effort physique, ça diminue ma fatigue, ça diminue la dépression, ça diminue les douleurs, ça permet de conserver une masse musculaire et donc ça améliore la qualité de vie. Tout cela est indispensable pour tolérer l’ensemble des traitements et puis ça améliore l’image de soi, ce qui a un impact important dans le traitement et la guérison.

Le stress, l’allié du cancer de la prostate

On sait aussi que ça a un rôle très important dans la récidive de la maladie, et donc cette activité physique est tout aussi importante que les traitements curatifs qu’on va donner aux patients. Et
concernant le stress, il altère l’équilibre hormonal. On le sait : quand on a un stress important, on a une inflammation chronique qui se crée, surtout quand le stress est chronique avec une perturbation hormonale, qui risque dans le cas du cancer de prostate notamment de perturber les résultats des traitements hormonaux et potentiellement être moins efficaces.

Ce stress là peut entraîner des comportements à risque avec l’augmentation de la consommation d’alcool, de tabac, de choses comme ça qui vont engendrer un risque supplémentaire sur l’obésité et l’inflammation locale. Donc la gestion du stress est super importante également dans la prise en charge, la prévention et en traitement du cancer.

Monter les escaliers et marcher, c’est déjà bien !

Y a-t-il des types d’exercices spécifiques qui sont particulièrement recommandés ?

Il n’y a pas d’exercices physiques spécifiques pour le cancer de prostate mais c’est à peu près tout ce qu’il faut faire normalement dans le quotidien pour avoir une bonne santé globale. Tout ce qui est le cardio donc le vélo, aller courir, les choses comme ça vont permettre de diminuer la masse graisseuse. Tout ce qui est musculation va plutôt avoir un impact sur l’augmentation de la masse musculaire. Et donc l’association des deux en faisant 30 à 40 minutes de marche par jour et toutes les activités du quotidien – prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, aller acheter son pain à pied plutôt que de prendre la voiture – permettent largement de lutter contre la sédentarité, qui a un impact hyper important dans le développement d’un cancer.

Les éjaculations protégeraient du cancer : aucune preuve

Pouvez-vous nous expliquer s’il existe un lien entre l’activité sexuelle et le risque de développer un cancer de la prostate ?

Il n’y a aucun lien direct entre l’activité sexuelle et le développement d’un cancer de la prostate. En revanche, des études très anciennes qui datent d’une vingtaine d’années avaient commencé à démontrer que les hommes qui avaient plus d’une vingtaine d’éjaculations par mois avaient moins de cancer de prostate, mais ce sont des études avec un niveau de preuves très faible. Donc à aucun moment on ne peut dire qu’il y a un lien entre la sexualité et le cancer de la prostate. En revanche, une activité sexuelle régulière est signe de bonne santé et donc ça fait partie d’une activité physique qui permet de garder une
bonne santé.

À ce propos, certaines personnes, et notamment des hommes, se demandent si l’éjaculation fréquente peut avoir un effet protecteur contre le cancer de la prostate. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

On en revient à cette étude d’il y a une vingtaine d’années, qui est une étude américaine qui démontrait que plus il y avait d’éjaculations, donc plus de 20 par mois, plus cela permettait de protéger du cancer de prostate. Ce n’est pas du tout prouvé scientifiquement, ça a un niveau de preuves scientifiques très faible et les études plus récentes sont discordantes sur le sujet. Il n’y a aucun lien direct entre le nombre d’éjaculations et la protection du cancer de prostate.

Attention aux IST

Existe-t-il des comportements ou pratiques sexuelles à éviter pour réduire le risque de
cancer de la prostate ?

Absolument pas. Aucun comportement ne permet de réduire ou d’augmenter le cancer de prostate, il n’y a pas de recommandations à ce sujet. La sexualité doit être saine et sans risque, les IST (infections sexuellement transmissibles) ne créent pas de cancer de prostate mais ça reste une sécurité absolue pour les infections graves. Et on sait que les infections chroniques de la prostate peuvent entraîner le nid d’une transformation cellulaire. Il faut juste une sexualité saine et sans risques, pour prévenir les infections sexuellement transmissibles, qui contribue à une bonne santé générale et qui diminue le risque d’infection ou d’inflammation.

Médecine chinoise : oui mais…

Et en ce qui concerne la médecine alternative, quelle place la médecine chinoise et
l’acupuncture peuvent-elles avoir dans la prévention et le traitement du cancer de la
prostate ?

C’est un sujet intéressant. Pourquoi ne pas avoir plein de choses alternatives à côté de la médecine conventionnelle ? En aucun cas ça ne doit venir en remplacement d’un traitement prouvé scientifiquement et recommandé d’un cancer de la prostate. Mais bien sûr, tout ce qui peut contribuer à améliorer la qualité de vie des patients ou la diminution des symptômes, et des effets secondaires des traitements, c’est à recommander.

Bien sûr, il faut toujours avoir l’accord avant de consommer des plantes ou des herbes dans le cadre de médecines alternatives. Avoir l’accord de l’oncologue parce qu’il peut y avoir des interactions avec les traitements. Donc il faut faire attention de ne pas diminuer l’efficacité des traitements curatifs. Mais pourquoi pas, avec l’accord de l’oncologue en faisant attention aux interactions. En sachant que la meilleure des préventions reste le dépistage du cancer de prostate. Allez vous faire dépister !

Dernières conférences à Fréjus et Toulon

Cette semaine, MProvence terminera sa campagne de sensibilisation au cancer de la prostate par deux conférences publiques animées par les médecins à :

Fréjus mercredi 27 novembre à 18h, Centre hospitalier intercommunal Fréjus:Saint Raphaël, 240 avenue de Saint-Lambert, 83600 Fréjus. Entrée libre.

Toulon jeudi 28 novembre à 18h, Palais des Sports, salon VIP, 420 avenue Amiral Aube, 83000 Toulon. Entrée libre.

Renseignements : 06 33 78 35 79

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