A Nice, l’IA va permettre de prédire des cancers du poumon !

La lutte contre le plus redoutable des cancers - celui du poumon - n'a jamais été aussi performante. Chirurgie, immunothérapie, radiothérapie innovent sans cesse. Même des cancers très avancés sont stoppés. La dernière conférence publique organisée par MProvence à Nice a également permis de parler des incroyables avancées promises par l'IA d'ici quelques mois.

À Pleins Poumons

Cela s’appelle une sortie en fanfare ! Jeudi dernier, MProvence a conclu sa campagne d’information et de sensibilisation au cancer du poumon avec les médecins du CHU de Nice, un centre d’expertise internationalement reconnu. Et les personnes présentes sont reparties 1- rassurées sur la capacité à les soigner si besoin et 2- réjouies des annonces en matière d’innovations thérapeutiques et scientifiques.

Au rayon de ces dernières, l’annonce du Pr Charles-Hugo Marquette en a laissé quelques-uns sans voix. Le chef du service de pneumologie du CHU de Nice est très actif en matière de recherche et d’innovation. L’intelligence artificielle (IA) devrait, selon lui, profondément modifier la donne. Voire révolutionner l’approche du cancer du poumon, notamment.

L’IA prédictive du cancer à Nice dans quelques mois

« Nous sommes très impliqués en termes de soins courants et de recherche avec deux ingénieures de recherche engagées sur ce programme. Nous travaillons sur la place de l’IA interprétative et qui sera également, prochainement, prédictive. Cela veut dire que quand vous faites un scanner à T zéro, qui ne retrouvera pas de cancer, vous êtes en capacité de prévoir l’apparition d’un cancer avec un pourcentage donné à 1 an, 2 ans, 3 ans et jusqu’à 6 ans. On développe ce type d’IA prédictive avec nos collègues américains du MIT et ce sera utilisé à Nice, d’ici la fin de l’année 2024 ou début 2025.  »

Que faire si le médecin épaulé par l’IA estime que vous présentez le risque de développer un cancer dans les années à venir ? Eh bien cela permettra de mieux vous surveiller et donc, si la maladie survient – attention, on parle de prédiction et non de certitude – de la traiter dès son apparition. Ce qui est en général, si le cancer est repéré tôt, de très bon pronostic pour la survie à long terme.

90% de survie à 5 ans

Aujourd’hui, les spécialistes recommandent déjà aux fumeurs de plus de 50 ans et qui consomment un paquet par jour depuis quinze ans – ainsi qu’aux anciens fumeurs – de passer un simple scanner de dépistage à faible dose et sans injection. « Quand on repère une petite lésion, comme un nodule cancéreux – mais tous les nodules ne sont pas des cancers -, on peut envisager une intervention chirurgicale et le taux de survie à 5 ans est alors de 90%« , indique le Pr Marquette. Bref, le patient est considéré comme guéri.

« Aujourd’hui on peut détecter de manière plus précise la tumeur, confirme le Dr Benkiran, chirurgien thoracique. Quand elle est inférieure à 2 centimètres, on fait une chirurgie plus économe, minimalement invasive. » Grâce au programme de Récupération Améliorée Après Chirurgie, le patient est rapidement sur pied et peut reprendre son travail et ses activités au bout de quelques semaines.

 Dr Tayeb BENKIRAN, chirurgien thoracique, CHU Nice
Dr Tayeb BENKIRAN, chirurgien thoracique, CHU Nice

En 2025, notre région en pointe dans le dépistage

A l’hôpital Pasteur 1 de Nice, les pneumologues ont mis en place à destination des fumeurs actifs ou sevrés un numéro de téléphone (04 92 03 87 77) et une adresse mail (dacapo@chu-nice.fr) pour prendre un rendez-vous de scanner. « La région PACA sera à partir de 2025 une des régions pilotes pour le dépistage du cancer du poumon« , se réjouit le Pr Marquette.

Pourquoi attendre 50 ans pour bénéficier d’un tel examen, a demandé une jeune auditrice, qui a fumé entre l’âge de 15 ans et 25 ans mais stoppé le tabac voilà deux ans. « En réalité, le risque de cancer dépend plus de la durée du tabagisme que de la quantité, souligne le Pr Marquette. Si vous doublez votre consommation, votre risque est multiplié par 2. Si vous doublez la durée, il est multiplié par 4 ou 16. »

 Dépistage Pr Marquette

 

Le coût astronomique de ce cancer

Ce dépistage pourrait donc être proposé très largement dans les prochains mois. En France, 2 millions de fumeurs âgés de 50 à 75 ans sont potentiellement concernés (c’est en région PACA que l’on fume le plus). Et à ceux qui s’alarment du coût pour la Sécu, le Pr Marquette répond : « Le cancer du poumon coûte 4 milliards par an. Si tout le monde se faisait dépister – et on sait que ce ne sera pas le cas -, ce serait 220 millions. » Fermez le ban ! Surtout qu’un cancer dépisté en phase précoce va au final coûter cent fois moins cher qu’en phase avancée.

Dr Maria Kogay, oncologue au Centre hospitalier Princesse Grace de Monaco
Dr Maria Kogay, oncologue au Centre hospitalier Princesse Grace de Monaco

La Dr Maria Kogay, oncologue au Centre hospitalier Princesse Grace de Monaco, a alerté sur l’augmentation du nombre de femmes parmi les victimes de ce cancer. « L’incidence concernant les hommes baisse de 0,5% par an quand celle des femmes augmente de 5%. C’est absolument considérable et c’est le tabagisme qui explique cette hausse. Les femmes se sont mises à fumer plus tard. En termes de maladie, elles sont en décalage de vingt ans par rapport aux hommes. Ce sont en fait tous les cancers induits par le tabac qui progressent chez la femme. Le poumon sera bientôt la première cause de décès par cancer, devant le sein. »

De gauche a droite : Dr Jonathan BENZAQUEN, pneumologue oncologue, CHU Nice, Dr Tayeb BENKIRAN, chirurgien thoracique, CHU Nice, Dr Maria KOGAY, oncologue, Centre Hospitalier Princesse Grace, Monaco , Pr Charles-Hugo MARQUETTE, chef du service de pneumologie, CHU Nice, Pr Jean-Philippe BERTHET, chef du service de chirurgie thoracique, Dr Abel Gomez Caro, chirurgien thoracique, CHU Nice, Dr Charlotte COHEN, chirurgien thoracique, CHU Nice

Le marketing nous a fait croire que fumer, c’est cool…

La Dr Charlotte Cohen avait la redoutable tâche d’expliquer comment arrêter de fumer sans douleur. « Il n’existe aucune technique-miracle ! insiste cette chirurgienne thoracique au CHU de Nice. Arrêter de fumer est un deuil. Car dans l’imaginaire collectif, la cigarette c’est cool, c’est libérateur. Fumer est associé à l’occasion de moments festifs, de détente. Toutes ces choses ont été construites par nos apprentissages.  » En gros, le marketing des cigarettiers nous a bien farcis la tête pour faire croire que fumer, c’est être libéré.

D’ailleurs n’est-ce pas encore cela dans l’esprit des nouveaux fumeurs, et particulièrement des adolescents ? Cette construction intellectuelle totalement fallacieuse conduit chaque année très sûrement vers une mort prématurée 75.000 Français intoxiqués par le tabac.

Dr Charlotte COHEN, chirurgien thoracique, CHU Nice
Dr Charlotte COHEN, chirurgien thoracique, CHU Nice

Seuls 30% des fumeurs aidés arrivent à décrocher

Bon mais alors, comment stopper la clope ? Il vaut mieux se faire aider par votre médecin qui vous prescrira des substituts nicotiniques et, encore mieux, consulter un tabacologue qui apportera un suivi spécifique. Mais les chiffres sont rebelles car on est face à une drogue dure : « On note seulement 15% de succès à 6 mois chez les fumeurs qui décident d’arrêter seuls, et 30% à 6 mois chez ceux qui se font aider. Cela double et c’est bien, ajoute Mme Cohen. Mais ça reste seulement 1 sur 3 qui arrive à arrêter. »

La vaporette c’est oui, mais à plusieurs conditions…

Ajoutons le point de vue intéressant des experts niçois sur la cigarette électronique. Si, pour certains médecins, c’est principalement un danger supplémentaires en raison des substances inhalées, la Dr Cohen estime que « c’est super pour arrêter le tabac. Certains scientifiques sont contre au nom du principe de précaution. Il faut acheter une cigarette électronique avec l’agrément CE et s’assurer du bon réglage de combustion. Alors le risque est extrêmement faible. »

« Mais, poursuit la chirurgienne, attention à ne pas fumer en continu car c’est une tendance des vapoteurs. Il faut l’utiliser à la même fréquence qu’on fumait du tabac afin de ne pas respirer les produits qui la composent toute la journée. » Avec cet avertissement en prime : « La cigarette électronique pour aider les fumeurs à décrocher oui ! Mais pas pour les jeunes, les non-fumeurs, car c’est une façon d’entrer dans la dépendance. »

Les non-fumeuses ont plus de cancers du poumon que les hommes

Quid des non-fumeurs qui développent un cancer ? Soit environ 15% des malades (5.000 décès par an sur les 33.000 et 8.000 nouveaux cas par an sur les 53.000, tout de même !). Pour le Dr Jacques Boutros, pneumologue au CHU azuréen, « ce n’est pas parce qu’on n’a pas fumé qu’on ne développera pas un cancer du poumon. Les non-fumeurs représentent 10% des cas chez les hommes et 20% chez les femmes. » Les causes sont l’avancée en âge, le tabagisme passif, la présence de radon dans les habitations, les particules fines émises par les moteurs et les hydrocarbures, ou encore la combustion du charbon et les maladies professionnelles liées par exemple à la présence d’amiante. A Nice, la présence de l’aéroport en pleine ville inquiète à juste titre, comme l’ont rappelé les médecins.

 Dr Jacques BOUTROS, pneumologue, CHU Nice
Dr Jacques BOUTROS, pneumologue, CHU Nice

Pollution à la campagne aussi !

Précision du Pr Marquette : « Les particules fines, ce n’est pas forcément que dans le centre-ville. A Paris, de fortes concentrations sont relevées à l’Est en raison des vents qui poussent la pollution. Dans le massif du Mercantour, il arrive que certains jours le taux d’ozone soit plus élevé qu’en ville. »

Le Dr Tayeb Benkiran a dévoilé les progrès en matière chirurgicale, précisant que l’on peut « guérir ce cancer par la chirurgie quand il n’est pas évolué, qu’il est encore aux stades 1 et 2 (sur 4). » Autrement dit : quand par chance il demeure localisé au seul poumon. Rappelons en effet que ce cancer est asymptomatique et que, s’il provoque des douleurs, c’est souvent trop tard pour envisager de le soigner. D’où l’importance cruciale du dépistage par scanner tous les ans dès 50 ans.

« On opère de manière moins invasive, on évite les grandes incisions, ajoute le Pr Jean-Philippe Berthet, chef du service de chirurgie thoracique du CHU niçois. Pour 90% des patients opérés à un stade précoce, on enlève le strict minimum. »

« Tous les espoirs sont permis »

Pneumo-oncologue, le Dr Jonathan Benzaquen a passé en revue les traitements non chirurgicaux.  Ils ont nettement gagné en efficacité, y compris pour des stades avancés. « Il ne faut pas avoir peur de la chimiothérapie ! Ce traitement bloque le développement du cancer. Il faut aussi dédramatiser le terme de « métastase » : c’est la même maladie qui va être soignée par le même traitement. » Les thérapies ciblées et l’immunothérapie ont permis de grands progrès. Les innovations thérapeutiques sont le défi des prochaines années car la survie au-delà d’un an reste limitée pour de nombreux malades dépistés trop tardivement.

Dr Tayeb BENKIRAN, chirurgien thoracique, CHU Nice
Dr Jonathan BENZAQUEN, pneumo-oncologue, CHU Nice

Conclusion du Pr Jean-Philippe Berthet, qui a coordonné l’organisation scientifique de cette conférence : « A tous les stades de la maladie nous voyons des progrès considérables. Tous les espoirs sont permis. »

Retrouvez tous nos articles, podcasts et vidéos sur la prévention et le traitement du cancer du poumon dans notre rubrique Santé.

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