Sport, obésité, grand âge : sauvés par une prothèse de hanche !

150 000 prothèses de hanche sont posées chaque année en France. Une intervention lourde mais de plus en plus fréquente, parfois nécessaire dès la cinquantaine. Le sport intensif, l'obésité galopante et l'arthrose due au vieillissement sont les ennemis de nos articulations. A l'hôpital Sainte-Marguerite (AP-HM), le service de chirurgie orthopédique du professeur Jean-Noël Argenson (photo) s'est fait une spécialité de cette opération. La pose de cette articulation artificielle permet de retrouver une grande mobilité jusqu'à plus de 90 ans, reprise de la randonnée, du tennis, du vélo et même du ski comprise !

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On a l’impression que la pose d’une prothèse de hanche est devenue une banalité pour les personnes âgées, est-ce la cas ?

Professeur Jean-Noël Argenson : Une intervention ne doit pas être une banalité, en particulier la mise en place d’une prothèse totale de hanche. Parce qu’il y a des risques sur le plan local, des risques infectieux, d’instabilité, et pour les personnes âgées des risques sur le plan général car peuvent se décompenser un certain nombre de pathologies. On opère d’une part des sujets de plus en plus jeunes car on a confiance dans les matériaux et qu’ils arrivent à reprendre un grand nombre d’activités, sur le plan social mais surtout sur le plan physique et sportif. Et effectivement, on opère de plus en plus de personnes dites âgées parce que nos médecins anesthésistes ont fait de gros progrès dans la qualité de la prise en charge de l’anesthésie, de la récupération post-opératoire et de la douleur.

Quelles sont les causes qui conduisent à une telle intervention ?

Généralement, c’est la douleur qui est le premier symptôme, qui s’associe plus ou moins rapidement à une impotence fonctionnelle, une limitation, c’est-à-dire que le patient ou la patiente a des difficultés pour effectuer certains actes de la vie courante parce que l’arthrose, qui est la perte du cartilage, a limité le jeu articulaire. Et donc l’amplitude de mouvement est limitée.

« Même si j’ai 3 ans à vivre, je ne peux plus vivre comme ça »

A quel endroit survient cette douleur, sur la hanche ou au pli de la jambe ?

Classiquement on a l’habitude de dire que la hanche fait mal dans l’aine. Ce qui peut parfois poser des problèmes de diagnostic différentiel avec d’autres causes qui peuvent être la colonne vertébrale, et pas du tout la hanche. C’est vrai que souvent on a mal dans l’aine, mais on peut avoir mal sur le côté, derrière, et surtout on peut avoir des irradiations, la douleur a tendance à descendre vers le genou. C’est une douleur qui affecte l’ensemble du membre inférieur mais l’essentiel se trouve au niveau de l’aine et autour de la hanche.

Jusqu’à quel âge chez le patient posez-vous des prothèses de hanche ?

Il y a une dizaine d’années, on disait « après 80 ans, c’est risqué ». Maintenant il arrive que l’on mette des prothèses de hanche, pour une arthrose donc pour une intervention décidée (et non pour une fracture du col du fémur où, là, on n’a pas le choix, il faut opérer), à des gens qui ont 90 ans voire plus. Pourquoi ? Parce qu’ils vous disent : « Docteur, même si j’ai 3 ans à vivre, je ne peux plus vivre comme ça, je n’arrive plus à marcher, je reste dans mon fauteuil. » Et on sait que de ne plus marcher – et c’est ce que nous disent nos collègues cardiologues – a aussi d’autres conséquences délétères sur le plan cardiovasculaire.

L’impact important de l’obésité depuis 15 ans

Est-il fréquent d’opérer des moins de 60 ans ?

C’est très fréquent, et de plus en plus fréquent, car on a des arthroses qui surviennent de plus en plus jeune, liées au fait que le style de vie est beaucoup plus actif. Des gens font beaucoup plus d’activités physiques et sportives, qui ne sont pas toujours indemnes au niveau du cartilage. Et puis on a des causes post-traumatiques, des gens qui ont eu des traumatismes, des fractures, des accidents, qui donnent de l’arthrose plus jeune. Et il ne faut pas oublier l’impact de l’obésité. L’obésité a progressé de manière importante au cours des quinze dernières années et on sait que les articulations portantes que sont la hanche et le genou – puisqu’on fait aussi beaucoup de prothèses de genou, on pose 800 prothèses de genou et de hanche dans le service chaque année  -, eh bien ce sont des articulations qui sont liées à l’effet du poids du corps.

La rééducation est-elle longue, et regagne-t-on une mobilité parfaite ?

La rééducation peut se faire soit avec un kinésithérapeute au domicile du patient, soit, surtout si les patients sont âgés ou s’ils vivent seuls, en maison de rééducation. Ce qui leur permet de recouvrer une certaine autonomie. Dès le lendemain de l’intervention, on commence la kinésithérapie dans le service. On a tendance à garder les patients de moins en moins longtemps hospitalisés. Il y a une dizaine d’années, c’était 8 à 10 jours, maintenant c’et plutôt 3 ou 4 jours. Ils gardent une paire de cannes anglaises pour s’aider pendant les trois premières semaines et puis une canne sur le côté opposé les trois semaines qui suivent. Il faut à peu près deux mois pour bien récupérer une autonomie, pour aller et venir, et trois mois sur le plan musculaire.

85% des patients reprennent leurs activités physiques et sportives

Est-ce qu’on retrouve une mobilité « comme avant » ?

Il faut comparer son état après la prothèse par rapport à l’état où on était avant de se faire opérer, et pas avant d’avoir eu de l’arthrose; ça reste une prothèse, ce n’est pas une articulation normale, c’est une articulation artificielle ! Le but, c’est d’améliorer considérablement la fonction du patient par rapport au moment où il était avant de se faire opérer, c’est-à-dire lui supprimer ou diminuer de manière forte les douleurs, et qu’il marche, lui faire récupérer des amplitudes articulaires.

Si on me pose une prothèse alors que je faisais du sport avant, pourrai-je de nouveau courir, faire du vélo, nager, faire du ski ?

Le premier conseil que nous donnons aux patients jeunes et actifs, c’est « Ne vous faites pas opérer pour refaire du sport, faites-vous opérer pour supprimer votre douleur dans la vie de tous les jours », ça c’est le premier but de la prothèse. Ceci dit, beaucoup de patients actifs reprennent toutes leurs activités physiques et sportives. Nous avons tendance, nous chirurgiens, à recommander les sports où il n’y a pas d’impact. Je préfère que vous fassiez une longue randonnée qu’un petit footing. Le vélo et la natation, pas de limitation. Le ski, si vous aviez un niveau en ski, pas de limitation. Le tennis, le golf, pas de limitation. On avait fait une longue étude sur la récupération des activités, et on avait trouvé que 85% des patients pouvaient reprendre leurs activités physiques et sportives, pas au niveau où ils étaient avant de développer leur arthrose, mais au niveau où ils étaient avant de se faire opérer et surtout les améliorer pour pouvoir reprendre un grand nombre d’activités sportives.

Ne jamais rester en appui sur une seule jambe

On n’a pas forcément envie de passer au bloc pour se faire poser une prothèse. Y a-t-il des moyens pour éviter cela par la pratique d’un sport, par l’alimentation, dans la vie quotidienne ?

Oui, avant d’en arriver à la chirurgie, il y a beaucoup d’autres traitements qui comprennent la kinésithérapie. Nos collègues kinésithérapeutes entretiennent cette mobilité articulaire. Nos collègues rhumatologues et de médecine physique et sportive font aussi des traitements locaux en injectant de l’acide hyaluronique, ce qu’on appelle la visco-supplémentation, des infiltrations parfois cortisoniques pour passer un cap, et puis maintenant se développent les PRP avec des injections pour essayer de consolider ou de restaurer le cartilage. En termes de prophylaxie, il est important de surveiller son poids. Si on commence à avoir de l’arthrose, il faut éviter de soulever des charges lourdes pendant des longues périodes et éviter d’avoir des impacts, surtout sur une jambe. On est fait pour être en appui bipodal, le poids du corps bien réparti entre les deux jambes. Chaque fois qu’on est en appui sur un pied, on va multiplier cette pression par un facteur de 3, ce qui est délétère pour les articulations, à la fois le genou et la hanche.

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