Ne laissez pas l’arthrose s’installer : bougez-vous !

Sommes-nous tous condamnés à souffrir d’arthrose un jour ou l’autre ?

Docteur Hervé Collado : Pas forcément. Des gens que l’on peut considérer comme âgés et qui continuent à faire du sport, de la course à pied, ne souffrent pas d’arthrose.

Qu’appelle-t-on précisément l’arthrose ?

C’est l’usure du cartilage, ce qui permet aux os de glisser entre eux, de manière synchrone et indolore. Dès que ce cartilage qui sert un peu de coussin entre les os est abîmé, on va avoir des douleurs, des articulations qui gonflent, au premier titre ce sera le genou mais d’autres articulations peuvent être en cause également. Le genou est le plus étudié, c’est là où il y a le plus de nouveauté en termes de traitements médicaux. Mais on a également la hanche, et on met beaucoup de prothèses. On trouve ensuite de l’arthrose de manière beaucoup plus rare dans les chevilles, souvent chez des gens qui ont fait des entorses à répétition, mais on peut en trouver également dans les épaules, pour des gens qui ont fait des luxations, et puis dans les doigts.

Si vous avez les genoux de Lucky-Luke, c’est mal barré !

Quels sont les symptômes devant faire penser à de l’arthrose ?

Le symptôme principal, c’est la douleur, ce qu’on appelle une douleur mécanique, une douleur en mouvement. Une douleur d’arthrose ne va pas vous réveiller la nuit, vous faire mal quand vous êtes allongé. Le genou va vous faire mal quand vous êtes en appui, quand vous marchez, quand vous courez. C’est une douleur mécanique, c’est l’opposé de ce qu’on appelle une douleur inflammatoire qui, elle, va vous réveiller la nuit.

Y a-t-il des postures professionnelles, des pratiques sportives ou des mauvaises habitudes qui favorisent la survenue de l’arthrose ?

Bien sûr ! L’origine de l’arthrose est souvent multifactorielle. Les pratiques notamment sportives peuvent entraîner plus rapidement une arthrose. Je pense à la course à pied qui peut la provoquer, pas tout le temps cependant. Mais si on a une déformation comme les genoux varum, ce qu’on appelle les « genoux de Lucky-Luke« , arqués, et qu’on fait en plus de la course à pied, on aura une usure prématurée de certains compartiments. La course à pied est pourvoyeuse d’arthrose du genou. Le tennis, autre exemple, provoque des arthroses de hanche car on a des mouvements de rotation.

L’horloger et la secrétaire, candidats à l’arthrose cervicale

Certains métiers favorisent-ils, de par certaines postures, de l’arthrose ?

Oui. On voit aussi de l’arthrose des vertèbres cervicales. Ce sont des gens qui passent leur vie professionnelle avec une flexion du rachis, une flexion de la tête, courbée. Prenons l’exemple typique d’un horloger qui va avoir tout le temps la tête penchée sur son oeuvre, il va souffrir d’arthrose cervicale au fil du temps.

C’est le cas également quand on est devant les écrans…

Si on arrive à bien le placer, à mettre l’écran à hauteur des yeux, de sorte que le rachis cervical ne soit ni trop fléchi, ni trop en extension, à ce moment-là on fait acte de médecine préventive. Mais si l’écran est mal placé, si toute votre vie vous travaillez par exemple comme secrétaire avec un écran qui est trop bas, de fait votre tête va être penchée toute votre vie vers le bas et vous risquez de souffrir  d’arthrose.

L’arthrose est-elle héréditaire ?

Il n’existe pas de gène de l’arthrose. Mais on est faits comme nos parents ! Je parlais précédemment des genoux arqués. Les modifications anatomiques que vous avez acquises de vos parents vont vous prédisposer à l’arthrose.

L’exercice physique pour prévenir les problèmes

Quelles sont les conséquences les plus graves de l’arthrose ?

Il y a encore quelques dizaines d’années, quelqu’un qui souffrait d’arthrose et qui avait 60, 70 ans, et pour lequel on n’avait pas de solution médicale ou chirurgicale, eh bien il ne marchait plus ! Et quelqu’un qui ne marche plus, c’est quasi la fin de sa vie. Maintenant on a des possibilités médicales et chirurgicales pour permettre la fonction de marche et c’est primordial. Il faut bien fixer les objectifs avec le patient. Non pas courir le 100 mètres en 10 secondes, mais pouvoir soit marcher s’il ne le pouvait pas, soit avoir le moins de douleurs possibles pour les actes de la vie quotidienne.

Peut-on prévenir ces problèmes d’arthrose graves par des exercices ?

La prévention est primordiale ! Les exercices vont nous permettre de prévenir l’arthrose de deux façons. La première : l’exercice physique en soi permet de maintenir un poids correct, car on sait que l’obésité est un facteur majeur pour l’arthrose des genoux. Deuxièmement, l’exercice va développer votre masse musculaire et on sait qu’une articulation , quand elles est bien gainée par des muscles, va être beaucoup plus stable et donc moins sollicitée de manière anormale. Elle va moins s’user.

Produits lactés, curcuma, compléments alimentaires : ce qui est recommandé

Abordons l’alimentation. Faut-il éviter certains aliments et en privilégier d’autres ?

Il faut éviter l’obésité, donc les aliments sucrés, salés, etc. et manger sainement. Mais on n’est pas tous égaux devant l’obésité. Il y a des études plus ou moins avérées qui montreraient que les produits lactés pris plus ou moins de manière importante peuvent être néfastes pour les articulations. Et puis, au contraire, on peut utiliser certains nutriments qui ne sont pas des médicaments, mais des compléments alimentaires qui peuvent aller dans le sens d’une protection du cartilage. C’est le curcuma par exemple. Il y a plusieurs molécules qu’on peut donner pour la prévention de l’arthrose, notamment si des gens ont une arthrose plurifocale, c’est-à-dire un peu les genoux, un peu les épaules, un peu les hanches, qu’on ne peut traiter au cas par cas, donc ce sont des traitements généraux.

Ce sont des traitements prescrits par un médecin ?

Ces compléments alimentaires, qui n’ont rien à voir avec les anti-inflammatoires ou des traitements plus importants obligatoirement prescrits par un médecin, peuvent être pris sans ordonnance.  Mais avant d’en consommer, il faut prendre l’avis d’un médecin pour ne pas faire n’importe quoi. Et, c’est important à savoir, ces compléments alimentaires, il en existe des tonnes et il y a un véritable commerce avec ça. Donc il ne faut pas prendre n’importe quoi.

L’injection de vos plaquettes sanguines: solution miracle ?

Une fois diagnostiquée, comment gérer l’arthrose sur un plan médical ?

Il y a la correction des déformations. Par exemple pour un genou varum, on peut faire des semelles orthopédiques pour réaxer un petit peu les genoux. On va dire au patient de perdre du poids, de muscler les genoux, les articulations, prescrire un peu de kinésithérapie pour désinflammer les articulations, et puis il y a les traitements médicaux avant d’arriver au traitement chirurgical. Il n’y en a qu’un, de traitement chirurgical, c’est la prothèse, qu’elle soit de hanche, de genou, de cheville, etc.

Avant cela, il y a les traitements médicaux avec les injections. On injecte trois produits. Cela peut être des infiltrations de corticoïdes pour éviter les poussées inflammatoires, mais on le fait de moins en moins car les corticoïdes à long terme peuvent être néfastes pour les articulations. Il y a les injections d’acide hyaluronique, qu’on appelle la visco-supplémentation, c’est un gel qu’on met dans le genou pour le « lubrifier ». Et depuis récemment on a des injections de PRP, de Plasma Riche en Plaquettes, avec les propres plaquettes du patient. On fait une prise de sang au préalable, puis une centrifugation qui permet de recueillir les plaquettes et on injecte ensuite les plaquettes dans l’articulation. Elles renferment des hormones, des facteurs de croissance qui vont avoir une action anti-inflammatoire sur le cartilage, sur tous les tissus de l’articulation. Il semblerait que ce soit efficace mais on en est aux balbutiements.

Faut-il renouveler ces injections ?

Pour la visco-supplémentaion, c’est tous les ans ou tous les deux ans, quand les gens ont des douleurs en fait. Pour la PRP, on a moins de recul, mais on pense que c’est un peu plus pérenne. Néanmoins forcément, quand quelqu’un a une arthrose sévère, il est sûr qu’on sera amené à le refaire.

Bougez, maigrissez, consultez !

Au quotidien, quels conseils donner pour empêcher ou limiter l’arthrose ?

Le premier conseil c’est avoir une activité physique ou sportive, modérée ou pas, mais une activité qui permet de maintenir son poids et d’avoir une bonne masse musculaire. L’alimentation est primordiale également. Et si vous avez des déformations propices à l’arthrose, il faut consulter avant d’avoir mal parce qu’il y a plein de petites choses, comme des semelles orthopédiques, qui permettent de retarder l’apparition de l’arthrose.